Saint-Barth -

Costa : « Irma a arraché ces plaques, elles reviennent sous la forme d’œuvres d’art »

Fernando Costa, sculpteur-soudeur sous le nom de Costa, s’est spécialisé avec succès dans le recyclage des panneaux de signalisation en œuvres d’art. Il exposera du 19 octobre au 7 décembre au musée territorial de Saint-Barthélemy, avec, pour l’occasion, une série de tableaux spécialement réalisés pour l’île.

 

Connaissez-vous déjà l’île ?

Je suis venu l’an dernier pour organiser un peu l’exposition, et pour découvrir l’île. C’est magnifique, la vraie carte postale. On ne peut pas trouver mieux !

 

Pouvez-vous vous présenter en deux mots ?

Je m’appelle Fernando Costa, j’ai bientôt 49 ans et je suis de Sarlat dans le Périgord. Mes parents sont des émigrés portugais de la vague des années 60, ils se sont sentis bien en arrivant puisque je suis né. Depuis tout jeune, je me passionne pour un artiste, César. J’ai toujours voulu lui ressembler, il faisait de très belles choses avec rien. Mais la vie d’artiste, ça ne disait rien à mes parents, alors j’ai fait une école d’hôtellerie. J’ai fini sur le Queen Elizabeth II, c’est pour ça que je connais les îles, notamment Saint-Martin ou on allait souvent en escale.

 

Votre idole, César, est mort en 1998 ; l’année où vous avez-vous même décidé de vous consacrer à plein temps à la sculpture. Est-ce un hasard ?

C’est vrai, c’est en 1998 que je me suis mis à fond, et qu’il ait mort. Je rêvais de le rencontrer. J’avais un numéro de téléphone et j’ai appelé trop tard, on m’a dit qu’il était très malade. C’est un grand regret. L’idée est toute simple ; à mon tour de recycler des métaux. Mais je crois que si César avait fait du placo, j’aurais fait du placo…

 

Comme lui, vous faites donc de la sculpture-soudure, principalement avec des panneaux signalétiques et plaques d’immatriculation. Comment cette passion est-elle née ?

J’étais en escale à Los Angeles avec des copains. On avait loué une voiture, et on s’est arrêtés sur une aire de repos, il y avait plein de familles américaines qui pique-niquaient. Il n’y avait plus de place, alors une famille a pris un panneau de signalisation pour s’asseoir dessus, ça a fait rire tout le monde. Ça m’est resté. En rentrant en France je suis allé dans la mairie de mon village à Sarlat pour leur demander s’ils n’avaient pas de vieilles plaques inutiles à donner. Ils m’ont dit d’aller à la DDE, et ça a commencé. J’ai fait ça pendant 15, 20 ans, et ces dernières années ça a évolué avec des panneaux publicitaires, selon les demandes aussi.

 

L’aspect recyclage est-il un volet important de votre travail ?

95% de mon travail, c’est le recyclage. D’abord, il y a un côté écologique. On vit dans un monde dans lequel on consomme à tout va et on jette à tout va. Et puis quand j’étais gamin à Sarlat, on allait dans les déchetteries, tous les vendredis ils rassemblaient tout pour brûler. On récupérait des trucs, des jouets cassés, on réparait… J’adorais ça, j’ai une vraie nostalgie. Les gens se moquaient de nous, disaient qu’on était des gitans, mais pour nous c’était le Père Noël tous les vendredis soir ! En fait, la récupération, c’est un peu ma Madeleine de Proust.

 

Vous avez rapidement eu du succès ?

Les premières années, j’étais resté dans mon village. Il ne se passait rien. Ce n’est pas péjoratif, c’est comme ça. Alors je suis monté à la capitale, et les Parisiens m’ont adopté, ils ont été vraiment chouettes. Ils m’ont acheté mes premières œuvres, et c’était lancé.

 

Comment est née l’idée d’exposer au musée Wall House ?

Saint-Barth, c’est d’abord une très belle rencontre avec la famille Gauthier. Des gens qui ont vu mon travail à Biarritz, et ont adoré. Ils m’ont vite parlé de Saint-Barth, ils ont de la famille là bas et s’y rendent très souvent, ils ont fait plein d’éloges sur l’île. D’abord, l’idée a été d’organiser quelque chose avec Albert du Café Gloriette. Finalement j’ai rencontré Narcisse Dupré. Il m’a dit que ce serait bien quand même de faire un clin d’œil à l’île. Honnêtement, je n’y avais pas pensé, mais quand il m’a dit ça, ça m’a paru évident ; je lui ai demandé si la Collectivité n’avait pas des plaques hors d’usage. Je suis allé dans les services, j’ai pu récupérer des plaques qu’Irma avait endommagées, c’était exactement ce qu’il me fallait.

 

J’ai réalisé douze tableaux, moyens et petits format, à partir de plaques de Saint-Barth. Le cyclone Irma a arraché ces plaques, et là elles reviennent sous la forme d’œuvres d’art, j’ai trouvé que cela avait du sens.

 

Quand je suis venu l’an dernier, on m’a montré les dommages que l’ouragan avait causé. Ça m’a énormément touché. J’en parlais avec des copains au téléphone, je leur disais, “ce qu’on voit à la télévision sur les ouragans, c’est rien”. Ça fait vraiment quelque chose de voir ça, quand on n’est pas habitué, ça m’a bouleversé.


JSB 1346

 










Journal de Saint-Barth N°1346 du 17/10/2019

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