Saint-Barth - Journées du patrimoine domaine félicité

Françoise Gréaux et Céline Zitte-Questel ont exposé à des enfants attentifs, samedi au Domaine Félicité, ce à quoi ressemblait l’école il y a cinquante ou cent ans. Plusieurs ateliers sur le sujet étaient organisés au musée-jardin de Public par l’association Saint-Barth Heritage. 

Céline Zitte-Questel et Françoise Gréaux racontent l’école d’antan aux enfants

Françoise Gréaux et Céline Zitte-Questel animaient samedi un atelier autour de l’école “an tan lontan”, dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine. Les deux amies sont habitées par le désir de transmettre aux jeunes générations le passé de leur île.

«Je n’arrivais pas à trouver de vraies plumes d’écolier, donc j’en ai commandé sur Ebay. » Céline Zitte-Questel expose avec fierté sa collection d’objets d’époque : des porte-plumes, des encriers, des cahiers, des buvards. L’ancienne institutrice s’est découvert une passion pour les souvenirs de l’école d’antan. « Ca m’est venu au fur et à mesure. Quand on est jeune, on ne s’intéresse pas aux choses des vieux ! » Elle possède un assortiment de plumes : celle de l’écolier assez rustique, celle du professeur plus raffinée en bois ou encore une plume transparente semblable à une oeuvre d’art. Tous ces éléments porteurs d’histoire, Céline les a achetés dans des marchés en métropole ou récupérés au cours de sa vie dévouée à la transmission. Elle sort délicatement d’une protection plastique des carnets datant de son enfance. Une époque où les buvards affichaient des publicités pour le rhum et les cahiers d’exercice la carte des colonies françaises.

L’école “an tan lontan” se passait dans des conditions différentes pour les Saint-Barth des années 50-60. « On n’avait pas de chaussures ni de cartable. Il fallait monter à pied le morne de Corossol jusqu’à l’école de Colombier. » A cette période, l’école catholique était tenue par des soeurs. Céline raconte que celles-ci ne les laissaient pas se désaltérer en arrivant de leur marche éreintante. Heureusement, une dame habitant non loin de l’école « nous donnait de l’eau à l’aide de sa coui (une calebasse faisant office de bol, ndlr), avec quelques fois des larves de moustique en plus ».

Céline ex-institutrice
Depuis son enfance jusqu’à sa retraite, Céline a vu l’évolution de l’éducation sur l’île. A peine quelques mois après l’obtention de son baccalauréat en Guadeloupe, Céline est employée à l’école publique de Colombier. Au côté d’Uranie Gréaux, elle fait cours à une classe d’une vingtaine d’élèves de niveaux différents. Malgré le manque de formation, l’institutrice parvient à s’occuper de ces enfants dont certains avaient même des difficultés à parler. Lors d’une visite d’un formateur bordelais, celui-ci finit par perdre son sang-froid devant ces élèves avec qui l’écart culturel empêche toute communication. « Face à sa réaction, je me suis dit que je ne m’en sortais pas si mal.»

Après deux ans d’exercice, elle quitte l’île pour continuer ses études en métropole. Son CAP d’institutrice en poche et de nombreuses expériences dans le domaine lui permettent d’être engagée à l’école publique de Gustavia. Elle y reste jusqu’à sa retraite. L’institutrice profite de tout ce temps passé avec les élèves pour leur transmettre le patrimoine de Saint-Barth. « J’adorais tout ce qui pouvait rappeler l’île. » Elle organisait des ateliers pour découvrir les épices ou la tresse. « J’avais mon musée dans un coin de la classe. » Une pourpée habillée en “gangonne” et un hamac berçant une poupée accompagnaient les apprentissages des écoliers.

Avec l’aide de Françoise Gréaux, Céline Questel s’emploie à faire vivre la mémoire de cette éducation d’un autre temps. Ces deux Saint-Barth organisent des ateliers avec des enfants pour leur transmettre le patrimoine de l’île.
Pour Françoise, cette démarche est très importante pour que les enfants se rendent compte de l’évolution de l’accès à l’éducation.  A travers ses livres, elle cherche à partager avec les jeunes les savoirs et l’histoire des anciens. L’écrivaine considère que l’échange entre les générations est le meilleur moyen d’apprendre. « Je voudrais passer aux jeunes le peu que j’ai reçu, que ce soit en couture, en poésie ou autre. »

Encourager les échanges entre générations
Malgré l’engagement de ces deux femmes pour le patrimoine de l’île, certaines traditions se perdent. « Mon grand regret, c’est que les jeunes ne parlent pas patois », s’attriste Céline. Elle étale sur la table un panel impressionnant de pièces en amarres : les fameuses bouteilles, des éventails, deux poupées et encore une dizaine d’objets. L’habitante de Corossol conserve précieusement ces ouvrages dont la technique est propre à chaque pièce. Lors des rencontres avec les enfants, elle leur apprend comment décorer les bouteilles. Un échange toujours apprécié par les deux générations. A chaque animation, Françoise conclut en encourageant les enfants : « Allez voir les personnes âgées qui habitent à côté de chez vous et posez-leur des questions. »

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Journal de Saint-Barth N°1390 du 23/09/2020

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