Saint-Barth - Nils Dufau

Nils Dufau.

« Aucune réouverture ne pourra être envisagée avant que nous puissions tester les entrants »

Nils Dufau, président du Comité du tourisme et vice-président de la Collectivité, n’a pas eu le temps de se réjouir du retour économique fulgurant de Saint-Barth. A peine la page Irma tournée, le coronavirus a douché la saison 2020. Deux questions l’occupent à plein temps aujourd’hui : comment rouvrir les frontières en minimisant au maximum le risque Covid-19 ? Quand les touristes seront-ils prêts à revenir ?

 

Le rapport de l’Observatoire du tourisme montre qu’avant que le monde entier ne se retrouve paralysé par un virus, Saint-Barth avait surmonté la page Irma…
Ce rapport est intéressant, car c’est un condensé sur trois ans, qui permet de voir l’évolution plutôt qu’une image à un instant T. On voit qu’on est parvenus à se remettre complètement de l’ouragan. Avant le Covid-19, on était parti à fond pour faire la meilleure saison de tous les temps, même meilleure qu’en 2016 !

Avez-vous des remontées, en tant que président du Comité du tourisme, sur l’état des entreprises locales qui vivent directement de cette activité ?
Notre économie n’est pas diversifiée, on n’a que le tourisme. De ce que je comprends, c’est pour les plus petites entreprises que ce sera le plus dur. L’Etat a mis en place des aides, notamment l’activité partielle… Certaines arrivent à trouver un compromis avec leur bailleur pour obtenir un geste sur le loyer, d’autres se heurtent à un refus net. Malheureusement, on ne peut exiger du propriétaire une exonération ou une suspension ; il faut que la discussion se fasse en bonne intelligence.

Pas de tourisme sans réouverture des frontières. Ce qui implique aussi une éventuelle importation du virus Covid-19. Quel est le plan ?
Avec l’ensemble des territoires ultramarins, nous avons échangé sur la question du tourisme avec la ministre des Outre-Mer. Nous avons pu exposer ce que nous souhaitions pour Saint-Barthélemy : que l’entrant arrive avec un test de dépistage effectué, ou au moins un certificat médical attestant de sa bonne santé. Un peu comme certains pays qui exigent le vaccin contre la fièvre jaune pour les visiteurs. Et à leur arrivée, nous voudrions qu’ils soient soumis à un test obligatoire.

Concrètement, comment cela va-t-il se passer ?
Il faudra un espace réservé à l’aéroport pour effectuer les tests. Une première machine de dépistage est déjà arrivée sur l’île, trois autres doivent suivre. Les arrivants devront patienter une heure, le temps d’avoir le résultat, avant de rentrer sur l’île. Je crois que les habitants de Saint-Barth seront d’accord pour rouvrir les frontières uniquement si nous mettons en place des tests ; cela rassurera la population, mais aussi les touristes. Nous ne pouvons pas attendre qu’il y ait zéro cas de Covid dans le monde ; nous risquerions d’attendre dix ans. Si nous avons tous les accords nécessaires -le contrôle aux frontières est une prérogative de l’Etat-, peut-être pouvons-nous espérer une “micro-ouverture” en fin de saison.

Justement, avez-vous une estimation de date pour la réouverture des frontières ?
Nous arrivons en période basse, et de toutes façons, nous ne devons surtout pas nous précipiter. Il faut faire les choses de manière très méthodique. Aucune réouverture ne pourra être envisagée avant que nous puissions tester. Mais tout le monde a à l’esprit qu’en novembre, nous accueillerons de nouveau les touristes. Fait-on une petite ouverture en fin de saison, avant cela ? Nous avons consulté les gros hôtels, la moitié d’entre eux, c’est-à-dire cinq sur dix, serait disposée à ouvrir avant la saison prochaine. Les autres sont trop dépendants des travailleurs saisonniers qui sont pour la plupart rentrés chez eux. Quant à la petite hôtellerie, elle est d’ores et déjà prête. Comme après Irma : c’était elle qui avait sauvé Saint-Barth ! Les villas aussi sont prêtes, elles n’attendent que la réouverture des frontières. Il faut souligner que beaucoup de locaux travaillent avec les villas : piscinistes, climatisation, jardiniers…

Qu’en est-il pour les bateaux ? Il paraît difficile d’installer une zone de test, et de faire attendre les gens une heure, au débarquement des ferries ?
Imaginons, déjà, un travailleur qui fait l’aller-retour chaque jour entre Saint-Martin et Saint-Barth : il devrait se soumettre au test chaque jour ! Mais c’est sûr qu’il est difficile d’installer une zone de tests aujourd’hui à la gare maritime. Et tant qu’on n’aura pas la capacité de tester… Il ne pourra pas y avoir de bateaux.

Et les yachts ?
Pour eux, ce sera compliqué, c’est sûr… Mais ils recevront des consignes strictes en amont sur la situation de Saint-Barthélemy.

Le rapport sur le tourisme en 2019 fait état de 126.000 croisiéristes débarqués à Gustavia l’an dernier. Or, l’avenir du secteur de la croisière est particulièrement sombre aujourd’hui.
Pour eux une période compliquée s’annonce. C’est pour ça que je m’inquiète beaucoup pour les petits commerçants de Gustavia. Les restaurants peuvent encore travailler avec les locaux, mais pour certains commerces ce sera très difficile. Ce secteur est naturellement compromis, et c’est vrai partout dans le monde. Je pense qu’il faut s’attendre à un effort massif de communication de la part des compagnies de croisières, ciblé sur la propreté et l’hygiène.

Mettons qu’un touriste arrive de New York en avion, il atterrit à Saint-Jean, et le test de dépistage est positif. Que devient-il ?
On ne peut pas le remettre dans l’avion ; il resterait à Saint-Barth pour deux semaines… Nous devons encore déterminer un protocole pour ce cas de figure. Le client sera bien averti à l’avance de ce qu’il se passera s’il est positif au test.

Peut-on imaginer qu’un visiteur fortuné va passer deux semaines isolé au centre d’hébergement de la Plaine des Jeux ?
On lui apportera de bons repas... (rire) ! Plus sérieusement, cette question n’est pas réglée. Le sujet est compliqué, il faut que l’on s’adapte au mieux. Mais tant qu’un protocole clair n’est pas défini, il n’est pas question de rouvrir les frontières. Cependant il faut accepter que le risque zéro n’existera pas. Quand nous rouvrirons, le virus circulera encore dans le monde, il faut garder cela à l’esprit. Nous devrons vivre avec encore un certain temps. Tous les efforts incroyables que nous avons fait avec ce confinement, c’est du jamais vu. On avance, mais en novembre, le Covid sera toujours présent sur la planète.

Si Saint-Barth est prête au mois de novembre, qu’en sera-t-il des touristes, et notamment des Américains, très touchés par le Covid-19, et qui seront en pleine élection présidentielle ?
C’est la question de la confiance. Sera-t-elle suffisante pour continuer à voyager ? Je pense qu’en novembre, ce sera le cas, même si on verra toujours des masques, des réflexes de protection. La confiance des touristes dépendra aussi des lieux où ils se rendent. A Saint-Barth, nous avons l’avantage de ne pas être dans le tourisme de masse. Dans les hôtels et les villas, les gens ne sont pas les uns sur les autres. Même si l’aéroport Princess Juliana, notre hub, reste fermé, il y aura une petite ouverture par Porto Rico. C’est sûr que la période électorale ajoute au marasme causé par le virus, et pèse sur le moral. Cependant, nous avons encore des gens qui réservent, des habitués, qui comptent venir dès que l’île sera ouverte. Je rappelle qu’après Irma, nos 25% de capacité d’accueil ont fait le plein tout de suite. Nous aurions également été au complet si nous avions eu 40% de capacité d’hébergement. Le CTTSB et les agences de communication avec lesquelles nous travaillons sont prêts. Nous communiquerons une fois que le protocole d’entrée sur l’île sera défini, et seulement à ce moment-là, que ce soit dans deux jours ou dans deux mois. Les touristes doivent être au courant de la situation à Saint-Barth avant de venir.

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Tests dans les pays d’origine : pas judicieux selon Macron

Outre le test une fois sur le sol de Saint-Barth, la Collectivité travaillait sur l’éventualité de demander à chaque arrivant sur l’île d’effectuer au préalable un test de dépistage du Covid-19, dans son lieu de résidence. Cette idée, soumise par Bruno Magras au président Emmanuel Macron en vidéoconférence la semaine dernière, a été retoquée par le chef de l’Etat. Ce dernier juge que selon le pays où il est effectué, la fiabilité du test de dépistage ne peut être garantie. Il a plutôt suggéré au président de la Com de soumettre les arrivants à un premier test, et à un second le troisième jour de leur séjour, pour davantage de sûreté.

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Sans Cata Cup, avec le Gourmet

Le mois de novembre ne verra pas la treizième édition de la Cata Cup, dans la baie de Saint-Jean. L’association organisatrice, Saint-Barth Multihulls, a annulé l’événement, trop lourd à mener à bien cette année, et trop incertain en raison de la crise sanitaire. En revanche, le festival des papilles organisé par le CTTSB devrait bien se maintenir. « On travaille dessus, il faut absolument qu’il ait lieu, qu’il y ait au moins un événement cette année », commente Nils Dufau, président du Comité du tourisme. Le Gourmet Festival doit se tenir comme prévu la semaine du 9 au 15 novembre. « Cinq ou six mois vont s’écouler d’ici là », souligne Nils Dufau. Il précise que les festivités de l’amitié suédo-saint-barth et la Gustavialoppet, toujours au mois de novembre, auront également lieu, quitte à les aménager selon les consignes sanitaires.

 

Journal de Saint-Barth N°1374 du 06/05/2020

Casse-tête du déconfinement
Voyages outre-mer-métropole
Course aux masques