Saint-Barth -

Tessa Leuwsha, autrice et réalisatrice, ouvrira le Film Festival avec son documentaire intitulé « Mama Sranan », le mercredi 30 avril à 20 heures sur le plateau de l’Ajoe.

Saint-Barth Film Festival - Une fenêtre ouverte sur les Caraïbes et au-delà

De la Martinique à la Guyane en passant par Cuba, Haïti mais aussi l’Algérie coloniale ou l’Argentine. Une fois encore, pour sa 28e édition, le Saint-Barth Film Festival propose à ses spectateurs de voyager à travers les œuvres qui vont être projetées du 30 avril au 3 mai sur le plateau de l’Ajoe, à Lorient, et au Théâtre du Paradis, à Gustavia. En ouverture de la manifestation, le mercredi 30 avril sur le plateau de l’Ajoe, à 20 heures, le film documentaire intitulé Mama Sranan sera présenté au public de l’île. En présence de la réalisatrice, Tessa Leuwsha.
Autrice de plusieurs ouvrages de référence sur l’histoire croisée du Suriname et des Pays-Bas, Tessa Leuwsha est une artiste emblématique qui entremêle souvent l’Histoire à un récit très personnel. C’est notamment le cas avec Mama Sranan, inspiré de son livre intitulé Fansi’s silence, qui raconte la vie de sa grand-mère dans le Suriname colonial, anciennement nommé Guyane néerlandaise et devenu indépendant en 1975. Cette œuvre a reçu la mention spéciale dans la catégorie du meilleur documentaire au Festival international du film documentaire d’Amsterdam.
Rencontre avec l’autrice et réalisatrice.

Qu'est-ce qui vous pousse, à travers votre œuvre, à explorer votre histoire et, ainsi, à y plonger les lecteurs et les spectateurs ?
En tant que cinéaste et écrivain néerlando-surinamais, je ressens un besoin urgent de raconter des histoires qui restent cachées du public, voire carrément déformées ou étouffées. Mes films et mes livres traitent de l'influence et des conséquences du colonialisme néerlandais, notamment de l'esclavage, sur des vies personnelles – dans Mama Sranan, je parle de la vie de ma grand-mère. J'essaie ainsi de révéler des aspects méconnus d'une histoire commune surinamienne et néerlandaise. Au Suriname et dans la communauté surinamienne aux Pays-Bas, la culture du cinéma documentaire est quasi inexistante. En racontant mes propres histoires, je souhaite contribuer à son développement.

Cette histoire du Suriname, des Pays-Bas, et surtout de ces femmes (et hommes), n'est-elle pas, à bien des égards, une histoire de la colonisation en général ?
Oui, absolument. La colonisation s'est déroulée de manière très similaire dans le monde entier, en privant non seulement les populations de leurs terres, mais aussi de leur identité et de leur fierté. Avec ce film, je souhaitais restituer une partie de cette identité en montrant une femme noire inconnue, en tant que personne, avec ses émotions, ses peurs et ses espoirs.

Avec Mama Sranan, vous évoquez une culture, une histoire et une langue encore méconnues. Votre objectif, à travers vos œuvres, est-il également de les faire connaître ?
Certainement. Je souhaite vraiment partager la singularité de ma culture, de mon histoire et de ma langue. Cette culture a longtemps été mise de côté par les Néerlandais, et donc par le monde occidental, comme marginale. Mais nous ne sommes certainement pas marginaux. Deuxièmement, je souhaitais présenter un regard différent sur l'histoire coloniale néerlandaise, du point de vue de quelqu'un qui en a été gravement désavantagé.

Le sranan tongo est une langue parlée par des centaines de milliers de personnes sur le plateau des Guyanes, et ailleurs. Que pouvez-vous nous dire à son sujet ?
Cette langue a été créée par des esclaves africains, amenés au Suriname et qui parlaient à l'origine leurs propres langues. Il y avait un grand besoin de se comprendre. Le sranan tongo intègre des éléments de langues africaines, mais aussi de l'anglais, parlé par les premiers conquérants du Suriname.

Comment décririez-vous aujourd'hui les relations entre les Pays-Bas et le Suriname ? Comment les Pays-Bas perçoivent-ils les Surinamais ?
Je dirais que la relation sur le plan politique est assez distante et pragmatique. En raison de l'histoire où le Suriname a occupé une position inférieure pendant des siècles, il est encore difficile pour les Pays-Bas de considérer le Suriname comme tel. En revanche, sur le plan social, les échanges sont nombreux grâce à la langue officielle commune, le néerlandais, et aux déplacements des Surinamais pour le travail ou les études.

 

 

Journal de Saint-Barth N°1613 du 24/04/2025

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