La 28e édition du Saint-Barth Film Festival a débuté mercredi par la projection du profond et émouvant film documentaire «Mama Sranan» de l’écrivaine et cinéaste Tessa Leuwsha. Il s’est poursuivi jeudi par l’étonnant « Itinéraire d’une légende » de Jérémie Magar et le sulfureux « Magma » de Cyprien Vial. Ce vendredi 2 mai à 20 heures, c’est une des grandes figures de la lutte contre le colonialisme, le médecin psychiatre et écrivain Frantz Fanon, que les organisateurs du festival proposent de redécouvrir à travers le film du réalisateur Jean-Claude Barny, sobrement intitulé «Fanon».
Frantz Fanon, qu’Aimé Césaire décrivait comme un «soldat de l’universel », est né le 20 juillet 1925 à Fort-de-France, en Martinique. Il devient médecin psychiatre après des études à Lyon. À 18 ans, en 1943, il intègre les forces de la France libre pour libérer la France du nazisme qu'il considère comme une atteinte à la dignité humaine. Mais son expérience s’avère des plus amères. Pendant la guerre, il est confronté au racisme et comprend que la France fondée sur l’universaliste n’existe qu’en théorie. En 1952, il publie sa thèse de psychiatrie, qu'il n'a pas pu soutenir, sous le titre Peau noire, masques blancs. Un premier essai sur les rapports colon – colonisé qui va marquer de son emprunte la lutte anticolonialiste. En 1953, il est nommé médecin-chef de la clinique psychiatrique de Blida-Joinville en Algérie. C’est au cœur de cette période, au cours de laquelle il devient un véritable combattant anticolonialiste, que le film de Jean-Claude Barny plongera ce vendredi soir les spectateurs du festival.
« Faire exister son œuvre et sa parole »
« Depuis mon enfance, c'est un personnage qui me fascine et puis tout autour de moi, il revenait tout le temps dans les débats, a confié le réalisateur lors d’un entretien sur Radio France. Je pensais que c'était vraiment le moment d'essayer de participer humblement à faire exister son œuvre et sa parole. C'est quelqu'un qui accompagne énormément de gens dans le monde. Et c'est ça qui est intéressant chez Fanon. » Dès sa sortie, le film a su conquérir un large public, en Hexagone comme en Outre-mer. Dans son film, Jean-Claude Barny s’efforce d’exposer à la fois le combat de Frantz Fanon dans l’Algérie coloniale des années 1950, la violence des répressions mais aussi les dissensions au sein du Front de libération nationale (FLN). Une période charnière dans la vie de Frantz Fanon qui épousera la cause du mouvement indépendantiste algérien.
Frantz Fanon est mort le 6 décembre 1961 aux Etats-Unis, à l’âge de 36 ans, d'une leucémie foudroyante. « Il n'a pas vu l'indépendance de l'Algérie pour laquelle il s'est battu », souligne le cinéaste Jean-Claude Barny. Longtemps ignorées voire censurées en France, les œuvres de Frantz Fanon sont admirées et étudiées aux États-Unis et dans de nombreux pays d’Afrique, notamment. Psychiatre, penseur, écrivain, journaliste, combattant politique, il demanda à être enterré dans son pays d’adoption, l’Algérie.
« Fanon » sera projeté à 20 heures sur le plateau de l’Ajoe, en présence de l’actrice Déborah François qui interprète Josie Fanon, l’épouse de Frantz Fanon, magnifiquement incarné par Alexandre Bouyer.
Des visites dans les écoles |
Le programme (Toutes les projections sont gratuites)
• Vendredi 2 mai
- - Théâtre du Paradis, 15h : « Destins d’exil », de Steve James, en présence du réalisateur et de la productrice, Stéphanie James. (2025, Guadeloupe, 52’). Cuba, Haïti, deux îles dont l’histoire à la fois glorieuse et douloureuse a conduit nombre de leurs enfants à les quitter, souvent pour ne jamais y retourner. Exilées ou filles d’exilés, les destins croisés de quatre femmes encore profondément attachées à leur terre natale et qui ont su faire de cette appartenance une source d’inspiration artistique, de résilience et d’engagement.
- - Ajoe, 20 heures : « Fanon », de Jean-Claude Barny, en présence de l’actrice Déborah François (2024, film, France, 2h13).
• Samedi 3 mai
- - Théâtre du Paradis, 10 h : « Lisette Malidor », de Pierre-Yves Hampartzmoumian, en présence du producteur Barcha Bauer (2024, France, 53’).
- - Ajoe, 20 heures :
- - « End of the road », de Dirk Braun, en présence du réalisateur (2024, Etats-Unis, 8’31’’, anglais sous-titré en français)
- - « Adios Buenos Aires », de German Kral (Argentine, Allemagne, 1h30, espagnol sous-titré en français).