Lunettes de soleil sur le nez, tenue ample et légère, Yvon Demol arrive d’un pas léger et élégant au rendez-vous. Rien de bien surprenant de la part de quelqu’un qui a intégré l’école de danse de l’Opéra national de Paris dès l’âge de neuf ans. Ce vendredi à 19h30, puis samedi à la même heure, sur le plateau de l’Ajoe à Lorient, il se produira avec sept de ses camarades du corps de ballet de l’Opéra pour des représentations exceptionnelles. Trois jours après leur arrivée à Saint-Barthélemy et en ayant vécu une fin de voyage quelque peu «chaotique », de l’aveu de l’artiste.
« Nous avons raté notre correspondance à Saint-Martin, donc nous avons pris le ferry sur une mer un peu agitée », sourit Yvon Demol. Une première étape qui marque une sortie de l’ordinaire pour huit des 154 danseurs qu’abrite l’Opéra national de Paris. Toutefois, pour Yvon Demol, poser le pied sur l’île de Saint-Barthélemy ne relève pas de la découverte. « C’est la quatrième fois que je viens, souligne-t-il. D’ailleurs, sur les huit, seules deux danseuses viennent pour la première fois. » Le temps d’adaptation, même s’il est court, devrait par conséquent être amplement suffisant avant les deux représentations inscrites au programme du Festival.
« Rester ouvert à l’imprévu »
En revanche, se produire en plein air et en un espace aussi réduit que celui du plateau de l’Ajoe doit leur paraître bien inhabituel. « Il n’est pas rare que l’on danse hors de l’Opéra, assure Yvon Demol. Mais d’habitude, c’est dans des théâtres. Danser sur une île, en plein air, hors de notre programmation régulière, c’est très excitant pour nous. En 2020, nous avions dansé sur le port de Gustavia. C’était particulier. Il y avait du vent, un peu de pluie, les yachts, des gens qui passaient… A l’Ajoe, ce sera différent ! Et puis tout ça fait partie de l’expérience. Se trouver dans de nouvelles conditions, ça met du piment au programme. On a l’habitude de danser dans le même théâtre, avec nos repères et on sait à quoi se raccrocher en cas de défaillance. Mais c’est du spectacle vivant et on sait que l’on n’est pas amené à reproduire à chaque fois la même chose. Il faut rester ouvert à l’imprévu ! »
De ses précédentes venues à Saint-Barth, le danseur promu Coryphée en 2008 retient l’accueil du public, « très enthousiaste », avant d’ajouter : « On ne sait jamais quel public on va trouver. Pour nous, c’est une semaine très spéciale. Qui s’ajoute à la beauté de l’île où je suis heureux de retrouver des repères. Et puis, comme le Festival invite des danseurs de l’Opéra de Paris, il faut présenter des œuvres du répertoire mais aussi des créations. J’ai l’habitude de monter des programmes hors de l’Opéra. Donc on a réfléchi et essayé de trouver un équilibre entre le répertoire classique et cette création personnelle. » Le tout, bien évidemment, dans des costumes originaux.
Ceux-ci n’ont, par bonheur, pas été égarés lors du voyage entre Paris et Saint-Barth. «L’Opéra nous loue nos propres costumes, explique Yvon Demol. Comme chaque danseur fera deux passages, nous avons besoin de deux costumes. Dont certains sont très volumineux, et fragiles. »
« Nous avons fait des jaloux »
Sur scène, Yvon Demol sera accompagné des « étoiles » Hannah O’Neill, Germain Louvet et Marc Moreau, des «sujets » Aubane Philbert, Bianca Scudamore et Daniel Stokes, et de sa partenaire «coryphée » Jennifer Visocchi. Ensemble, ils interpréteront des extraits du Lac des cygnes, de Casse-noisette ou encore de Don Quichotte. « Je n’ai eu à convaincre personne pour venir, s’amuse le danseur. Nous avons même fait des jaloux car d’autres se sont proposés ! A Paris, la météo est grise donc rien que l’idée de venir passer quelques jours ici est un argument suffisant. » Il s’en est toutefois fallu de peu pour que le beau projet de Corinne Hennequin, présidente du Festival de Musique, ne tombe à l’eau.
En effet, hormis une longue pause estivale, les danseurs du Ballet de l’Opéra ne disposent que d’une courte semaine de repos, début janvier. «Cette année, c’est vraiment un coup de chance, s’amuse Yvon Demol. La saison est très dense et on n’a pas de prise sur nos congés. Mais quand Corinne m’a donné les dates, ça tombait piles sur ces congés. Le 4 janvier, on a fini nos spectacles. On a bouclé nos valises et le 6 au matin on était dans l’avion. On repart dimanche et à notre arrivée à Paris, on file directement à l’Opéra pour travailler. » Car se profile le gala des 150 années d’existence du Palais Garnier, le 24 janvier.
Au-delà de la perspective de fuir la grisaille hivernale pendant quelques jours, une des raisons qui ont poussé les danseurs de l’Opéra de Paris à participer au Festival est la qualité de son organisation. Comme tient à le souligner Yvon Demol. « On ne se rend pas compte de ce que ça implique de faire venir huit danseurs, les costumes, organiser les deux soirées, cela demande une logistique importante, rappelle l’artiste. Tout ça n’est pas notre boulot. Mais Corinne (Hennequin) chapote tout ça et tout se passe de manière fluide. Quand j’ai rencontré Corinne à Paris, j’ai tout de suite senti que ça allait avancer comme sur des roulettes. J’admire l’énergie que ça doit leur coûter de porter le Festival. » La récompense d’un tel engagement, de la présidente ainsi que de l’ensemble des techniciens et bénévoles, se loge sans nul doute dans les mots d’Yvon Demol. Et dans l’excellence des spectacles qui vont être proposés jusqu’au 19 janvier.
-----------------------------------------
La programmation de la semaine
Le lundi 13 janvier aura lieu en l’église catholique de Gustavia, à 18h30, un concert pour les enfants. Une interprétation du conte musical de Serge Prokofiev en 1936, Pierre et le loup, par huit des musiciens invités du Festival : Maureen Nelson au violon (Pierre), Alex Sopp à la flûte (L’oiseau), Alecia Lawyer au Hautbois (Le canard), Alec Manasse à la clarinette (Le chat), Andrew Brady au basson (Le grand-père), Bernard Scully au cor (Le loup), Matthew McClung aux percussions (Les chasseurs) et Blanche à la narration. L’un des nombreux rendez-vous à ne pas manquer. Aussi pour les petits qui découvriront ce conte, que pour les plus grands qui, pour certains, ont eu en leur possession lorsqu’il était enfant le 45 tours de Pierre et le loup dont l’écoute les faisait frémir à chaque entrée en scène du cor ou, pour les plus sensibles, du hautbois !
Le concert à la bougie
S’il est un instant magique durant le Festival, c’est sans nul doute celui du concert à la bougie en l’église anglicane de Gustavia. Il est prévu pour le mardi 14 janvier à 19h30. Les spectateurs pourront y écouter le quintette à cordes en Ut majeur de Frantz Schubert interprété par Jessica et Kobi Malkin (violons), Rebecca Young (alto), Owen Young et Oliver Herbert (violoncelles). Mais aussi la suite pour violoncelle seul n°1 en sol majeur de Bach par Francis Gouton, le duo « des lunettes » en Mi bémol majeur de Beethoven par Rebecca Young (alto) et Leonard Frey-Maibach (Violoncelle) et, pour finir, trois préludes pour quatuor et violoncelles de Gershwin par Oliver Herbert, Owen Young, Francis Gouton et Leonard Frey-Maibach. Une soirée qui se poursuivra après l’entracte avec les interprétations de la Pièce solennelle pour quatuor et violoncelles d’après Lohengrin, un duo pour violon et violoncelle de Kodaly, l’Assobio a jato de Villa-Lobos et le Quintette à cordes en Ut majeur de Boccherini.
La soirée orchestrale sera dirigée par la cheffe d’orches- tre Rei Hotoda. ©DR
Le mercredi 15 janvier, les amateurs, éclairés ou non, de grande musique seront conviés en l’église de Lorient pour la soirée orchestrale dirigée par la cheffe d’orchestre Rei Hotoda. Au programme, l’ouverture Ruslan et Ludmila de Glinka, la symphonie concertante pour violon, alto et orchestre en mi bémol de Mozart, l’arrivée de la reine de Saba de Hendel, le concerto pour contrebasse de Koussevizky puis, après l’entracte, la symphonie n°9 du Nouveau monde de Dvorák.
Réservations et tarifs
La billetterie est ouverte sur le site du Festival (www.saintbarthmusicfestival.com). Des places sont encore disponibles pour toutes les soirées inscrites au programme. Le prix du billet est de 25 euros pour les deux soirées de ballet. L’entrée du concert pour les enfants est à 10 euros, 35 euros pour le concert à la bougie et 40 euros pour la soirée orchestrale.