Saint-Barth - Toussaint

Des lumières pour les disparus

Lundi 1er novembre, jour de la Toussaint. Comme le veut la tradition, une effervescence toute particulière anime les cimetières de Saint-Barthélemy. La nuit n’a pas encore recouvert l’île de son voile sombre que, déjà, de nombreuses personnes arpentent les allées. Elles s’affairent autour des tombes de leurs chers disparus afin de nettoyer les sépultures, les fleurir et, avant que la lumière ne s’estompe, y disposer des bougies.

Recueillement et discussions
Peu à peu, les membres des familles franchissent les grilles. Des plus jeunes aux plus âgés, tous sont présents. Parfois en groupe, parfois seuls, ils prennent un moment plus ou moins long pour se recueillir devant la tombe de celles et ceux qui reposent, selon la formule, « en paix ». Rapidement, le recueillement cède sa place à des discussions. Car en ces lieux si particuliers, l’ambiance n’est pas nécessairement à la tristesse. La Toussaint est aussi et surtout l’occasion de se rassembler pour échanger sur les défunts mais également sur la vie de tous les jours, dans la convivialité.
Dans les allées du cimetière de Saint-Jean, un enfant trifouille de ses mains les fleurs disposées sur une tombe. « Elle arrive quand mamie ? », lance-t-il à son père, accroupi auprès de lui. Petit moment de gêne mais, fort heureusement, la grand-mère n’est pas la personne qui repose sous les fleurs. « Elle arrive, regarde », sourit le papa. Plus loin, une femme répartit ses efforts entre trois sépultures afin de les garnir équitablement. Penchée au-dessus des pierres tombales, elle ne cesse de parler à celles et ceux qui se trouvent désormais sous la terre. Sans prêter la moindre attention à ce qui peut se passer autour d’elle.

Une fillette appliquée
Des rires discrets mais francs se font entendre dans une rangée éloignée. Toute une famille est réunie. Quelques enfants cavalent entre les tombes tandis que les adultes bavardent. Ils évoquent leur quotidien, leur travail, la vie qui se poursuit. « Tiens bien la bougie pendant que je l’allume », conseille une maman à sa fillette, agenouillées sous la grande croix qui trône au milieu du cimetière de Saint-Jean. La petite fille tire la langue comme pour mieux s’appliquer et dépose avec précaution la bougie allumée au pied de la grande croix blanche.
La nuit est tombée. Les lumières des bougies rouges et blanches éclairent le cimetière de Lorient. Aux familles se mêlent quelques touristes, curieux de cette tradition sans doute perdue en leur ville ou leur pays. « It’s so cute », murmure une femme à son compagnon. Discrètement, ils prennent quelques photos avec leur téléphone cellulaire. « Je ne reste pas longtemps, il faut aussi que je passe à Saint-Jean », souffle un homme à un ami alors qu’il se dirige d’un pas décidé vers la sortie. Une, deux, trois tombes plus loin, un jeune homme est assis, quasiment prostré devant une sépulture recouverte de bougies scintillantes. Il se recueille, indifférent aux mouvements et bruits alentours.

Défunt adulé ou abandonné
Il va sans dire que la tombe de Johnny Hallyday ne passe pas inaperçue. Copieusement recouverte de décorations lumineuses, elle est un passage quasi obligé pour les fans et les curieux. Même si, de l’avis d’une «habituée», les visiteurs sont moins présents cette année. Une attention qui contraste avec le triste abandon de certaines tombes. Particulièrement à Saint-Jean où des sépultures ne sont manifestement plus « visitées » depuis des années. Les défunts enterrés parfois depuis un siècle n’ont sans doute plus un seul descendant sur l’île. Des stèles qui, pourtant, sont parfois entretenues avec soin. D’autres portent toutefois les inévitables stigmates de l’abandon et du temps qui passe. Des inscriptions devenues presque illisibles, pas de fleur, pas de bougie, et des herbes sauvages envahissantes.
La soirée de la Toussaint s’est prolongée, seul ou en famille. Dans une ambiance feutrée propre à laisser les sentiments de joie, de tristesse et de nostalgie s’entremêler dans les flammes dansantes des bougies.

 

Journal de Saint-Barth N°1445 du 04/11/2021

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