Saint-Barth -

« Je ne vois aucun problème éthique à reconstruire la cathédrale Notre-Dame de façon contemporaine »

Si chacun a son avis sur la façon dont il faudrait reconstruire Notre-Dame de Paris (vite ou lentement, identique ou non...), le projet intéresse forcément les architectes.

L’architecture au cœur de l’actualité. Quelques heures après l’incendie dévastateur de la cathédrale Notre-Dame, la reconstruction était déjà dans toutes les têtes. Les voûtes, la charpente, la toiture, et la flèche de plomb imaginée par Violet-le-Duc au XIXe siècle sont partis en fumée, tout est à refaire. De quoi stimuler l’imagination des architectes, dont certains ont déjà publié des croquis de la future cathédrale telle qu’ils l’imaginent, avec toiture de verre, jardin suspendu...

« Ma première réaction spontanée a été de penser qu’il fallait tout reconstruire comme avant. Mais rapidement, j’ai changé d’avis. Il faut que la restauration se voie, différencier l’ancien du moderne », explique l’architecte François Pécard. Le gouvernement a annoncé l’ouverture d’un concours national d’architecture pour remplacer la flèche qui s’est effondrée. Ouvrant du même coup le débat sur une reconstruction à l’identique, ou non, du monument historique le plus visité d’Europe avec plus de 13 millions de personnes accueillies chaque année. «A travers l’histoire, les monuments les plus importants ont été modifiés, ont considérablement évolué. » L’exemple de la pyramide de verre dans la cour centrale du palais du Louvre, ou celui des colonnes de Buren au Palais Royal, sont les premiers qui viennent à l’esprit. « En Égypte, quand un pharaon voulait marquer son temps, il cassait et modifiait en amenant des techniques nouvelles, une architecture nouvelle. Je ne vois aucun problème éthique à reconstruire de façon contemporaine. »

 

Charpente lamellé-collé, flèche miroir

La lourde charpente de Notre-Dame, faite d’entrecroisements de poutres issues de 1.300 chênes, pourrait donc être appelée à davantage de modernité. Même si la région Normandie a offert la même quantité de bois pour l’édifice sacré, rien ne dit que la charpente sera identique. « Il serait intéressant qu’elle soit belle, et ouverte aux visites », réfléchit François Pécard, qui penche pour des matériaux plus modernes. « J’aurais tendance à sauver les 1.300 chênes normands et faire une très belle charpente en lamellé-collé. Moins de poids, moins de volume, moins de bois, esthétique parfaite. Avec un bel éclairage... »

 

C’est le futur de la flèche qui est le plus ouvert, surtout si, dans son concours, l’Etat encourage les architectes à ne pas se contraindre. « On va voir plein d’idées, plein de choses invraisemblables… C’est super », commente l’architecte local. Qui pour sa part conserverait la forme donnée par Violet-le-Duc. « De tout temps, on a voulu s’élever vers le ciel. Obélisques, gratte-ciel… Plus encore pour un monument religieux, l’idée d’élévation est importante. Je proposerai un volume similaire, mais une flèche faite de miroirs. Ainsi, elle serait par moment absente, invisible. Elle reflèterait le ciel, le soleil, et n’aurait pas une présence trop formelle. Et sur le plan mystique, le miroir, c’est une façon de se retrouver face à soi-même. »

Quel que soit le projet, s’il diffère de la flèche de plomb de Violet-le-Duc, il devra être ambitieux, visionnaire. « Il y aura forcément une levée de boucliers. S’il passe inaperçu, c’est que c’est raté ! »

 

Avant le débat que suscitera forcément la nouvelle version de la cathédrale, une autre polémique demeure : cinq ans pour reconstruire, comme s’y est engagé le président Macron, est-ce un délai réellement tenable ? Les spécialistes sont unanimes pour dire que le chef de l’Etat s’est un peu avancé...


JSB 1326



Journal de Saint-Barth N°1326 du 02/05/2019

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