Maintien des sept jours de quarantaine jusqu’au 10 juillet, respect des motifs impérieux jusqu’au 22 juin : la Collectivité a décidé de passer outre les consignes du gouvernement et a annoncé l’ouverture de l’île, avec un protocole sanitaire maison, dès lundi prochain.
La pression exercée par les outre-mer sur le gouvernement depuis des semaines pour recevoir de nouveau des touristes n’a pas eu les résultats escomptés.
«Si le gouvernement accepte, c’est lui qui fixera les conditions de réouverture, ce n’est pas nous qui allons dicter le protocole », prévenait Bruno Magras le 2 juin, quand le conseil territorial avait formulé le voeu de rouvrir les frontières immédiatement.
“Septaine” jusqu’au 10 juillet ?
L’Etat a détaillé vendredi son projet, avec encore une fois des incertitudes sur le calendrier : les motifs impérieux seront bien levés le 22 juin pour entrer en outre-mer, mais la septaine des arrivants sera maintenue potentiellement jusqu’au 10 juillet, associée à un test dans les 72 heures précédant le départ. De quoi enterrer l’idée d’une reprise rapide de l’activité touristique dans ces territoires.
Excédé par cette nouvelle réponse défavorable et floue, le Président de la Collectivité a vu rouge. Quelques heures après l’annonce gouvernementale, la Collectivité a publié un communiqué teinté d’ironie. « L’île de Saint-Barthélemy est heureuse de pouvoir accueillir à nouveau tous ses visiteurs dès le 22 juin », indique-t-elle d’emblée, soulignant que les hôtels, plages, bars et restaurants sont ouverts. Le texte pourrait être signé de l’office du tourisme : « Membre de la famille ou ami de résident, propriétaire d’une résidence ou simple amoureux de notre île souhaitant y passer quelques jours, Saint-Barth vous souhaite la bienvenue ! »
La Com y détaille son propre protocole, qui diffère de celui de l’Etat. A compter du 22 juin, les personnes souhaitant venir à Saint-Barth devront soit présenter un test de Covid-19 négatif, réalisé 72 heures avant leur arrivée ; soit se faire dépister sur place au drive du laboratoire, et rester confinés le temps d’avoir le résultat (24 heures maximum). Si le séjour dépasse sept jours, un second test sera exigé à J+7 après l’arrivée. Les enfants de moins de 10 ans ne sont pas concernés.
La Collectivité s’appuie notamment sur le fait que l’île n’est pas membre de l’espace Schengen, donc peut s’ouvrir aux Etats-Unis, et qu’elle «possède la compétence exclusive en matière de développement économique », comme l’a rappelé la ministre Annick Girardin dans son courrier du 4 juin adressé à Bruno Magras. Toutefois, la conception des protocoles sanitaires revient à l’Etat, puisque les domaines de la santé et la gestion des frontières échappent à la Collectivité (lire ci-dessous).
« Faisons-leur davantage confiance »
Dans son allocution dimanche soir, Emmanuel Macron n’a pas eu un mot pour les outre-mer, confirmant la position du gouvernement. Mais ses propos sur la décentralisation devraient plaire à l’exécutif de Saint-Barth. « Tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris », a déclaré le Président de la République. « Face à l’épidémie, les citoyens, les entreprises, les syndicats, les associations, les collectivités locales, les agents de l’Etat dans les territoires ont su faire preuve d’ingéniosité, d’efficacité, de solidarité. Faisons-leur davantage confiance. Libérons la créativité et l’énergie du terrain. Je veux ouvrir pour notre pays une page nouvelle donnant des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies, libertés et responsabilités pour nos hôpitaux, nos universités, nos entrepreneurs, nos maires et beaucoup d’autres acteurs essentiels. »
L’annonce de la réouverture de l’île par la Collectivité a été reprise dans la minute par tous les hôteliers, agences de location de villa et restaurants de l’île. Ceux qui sont ouverts se sont empressés de communiquer la nouvelle à leurs clients désireux de venir à Saint-Barthélemy. Ces socioprofessionnels ont été invités par les autorités à détailler précisément les conditions d’entrée à leur clientèle, les inciter à respecter le protocole, et prendre les rendez-vous au drive du laboratoire, afin que tout se passe pour le mieux. Une application mobile dédiée est en cours de conception.
Depuis quelques semaines, l’île a commencé à recevoir de nouveau des touristes, en trafiquant un peu les attestations sur l’honneur de voyage pour motif impérieux. Avec l’aval de la préfecture, qui a ainsi accepté de donner un peu d’air à l’économie locale. Pas de chiffre officiel, mais une bonne centaine de visiteurs seraient actuellement sur l’île, arrivés en majorité via Porto Rico via des vols charters, et munis de tests Covid négatifs réalisés en amont.
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Flou juridique autour du protocole sanitaire
Il y a les déclarations, et il y a les textes. Selon la règlementation, aujourd’hui, les entrants sur notre territoire doivent justifier d’un motif impérieux de s’y rendre, et ce jusqu’au 22 juin, sauf s’ils viennent de Guadeloupe, Martinique ou Saint-Martin. Une fois ce motif validé par les autorités, le décret 2020-663 du gouvernement indique seulement que “tout passager présente à l'entreprise de transport aérien, avant son embarquement, (…) une déclaration sur l'honneur attestant qu'il ne présente pas de symptôme d'infection au covid-19 et qu'il n'a pas connaissance d'avoir été en contact avec un cas confirmé de Covid-19 dans les quatorze jours précédant le vol.” Ainsi, l’expérimentation du gouvernement en cours dans les territoires d’outre-mer, qui comprend un test trois jours avant le départ et une septaine à l’arrivée, ne figure pas dans les textes. Sauf pour ceux qui arrivent par la mer : la préfecture de Saint-Martin et Saint-Barthélemy l’a mise en noir sur blanc dans un arrêté spécifique (2020-121) consacré au domaine maritime.
Par ailleurs, la Collectivité a donc mis au point son propre protocole. Exit la quarantaine, les entrants doivent présenter un test réalisé dans les 72 heures précédant l’arrivée ; s’ils ne peuvent pas le faire, ils sont invités à se faire dépister à Gustavia dans les 24 heures après avoir mis pied à terre sur Saint-Barth. Ils sont censés rester isolés durant ces 24 premières heures, puis sont libres jusqu’à un second test réalisé à J+7. Là aussi, il s’agit d’une forte recommandation mais pas d’une obligation, puisque la Collectivité n’est pas compétente pour décider seule d’un protocole sanitaire.
Sur ces questions, l’ARS Guadeloupe n’a pas répondu à nos sollicitations. Mais il semble qu’elle valide la décision de la Com de prendre elle-même les choses en main, puisque les deux structures travaillent ensemble à l’élaboration d’une application dédiée aux entrants et aux socioprofessionnels de l’île, afin de leur faciliter les choses dès la réservation du vol.