Saint-Barth -

Nils Dufau : « Touristiquement, nous sommes développés, pas besoin de croître plus encore »

Pas de fête prévue pour les dix ans du CTTSB, mais cet anniversaire est l’occasion de prendre du recul sur l’activité touristique, les atouts et axes de développement, après le virage causé par le passage de l’ouragan Irma sur notre île le 6 septembre 2017.

Après les événements nautiques d’avril-mai, la saison 2018 touchera à sa fin ; que peut-on dire sur cette année marquée par Irma ?

Au niveau de la taxe de séjour, 2017 a été la meilleure année malgré Irma. Ce qui indique que le potentiel touristique est intact pour la haute saison fin 2018, car la clientèle est curieuse et partante pour découvrir « St. Barth 2.0 ». D’ailleurs, plusieurs professionnels de l’hôtellerie haut de gamme m’ont précisé que le niveau de réservations pour cette haute saison - à partir de novembre 2018 en continuité sur 2019 est très bon. Nous sommes la seule île touchée par les ouragans ayant malgré tout réussi à remplir à près de 100% les 25 % de capacité d’accueil disponible en décembre 2017 ; merci la petite hôtellerie ! Il y avait certes aussi un certain nombre de villas disponibles. Aujourd’hui au mois d’avril, nous sommes à une capacité entre 50% et 80% selon ce que me disent différentes agences de locations de villas. Très récemment ont rouvert Le Manapany et son restaurant, Les Mouettes, le Quartier général, le Bonito, Nikki Beach, le Mango et le spa au Christopher… Le sang recommence à couler de plus en plus dans les veines de Saint-Barth.

A l’occasion des dix ans du Comité territorial du tourisme, quel bilan et quelles perspectives ?

Avant le CTTSB, chacun communiquait à sa manière ; maintenant on est tous en accord sur la communication à adopter. Notre philosophie, ce n’est pas de développer le tourisme mais de développer le qualitatif. C’est vital pour les habitants comme pour les touristes qu’il n’y en ait pas davantage en quantité. On estime que l’île est assez développée, maintenant, il faut pérenniser et fidéliser. La qualité est quelque chose que l’on peut toujours améliorer.

Quelle est votre vision d’un tourisme durable ?

S’agissant de l’avenir pour le tourisme à long terme, cela repose sur quelques principes. Le premier est que Saint-Barth continue d’être une destination «tout-en-un ». C’est à dire qu’il faut appuyer sur l’aspect « French touch ». Cela fait partie de notre histoire, démontre un savoir-faire certain et permet aux touristes américains de bénéficier d’une « petite France » à seulement quelques heures de chez eux.

Notre destination se doit aussi de pérenniser l’offre actuelle d’hôtels de petites capacités et de villas variées, mais sans pour autant augmenter cette offre. Touristiquement, nous sommes développés, pas besoin de croître plus encore.

Le succès de Saint-Barth repose aussi sur un large choix de shopping, un éventail d’événementiels (beaucoup grâce aux associations), un choix très élargi en gastronomie, moyens sportifs et culturels variés. Le touriste a la possibilité d’être très actif ou au contraire choisir la relaxation pure. Il faut maintenir la diversité du choix ! Sans oublier notre chance de vivre sur une île ne connaissant pas le crime organisé. Ce sentiment de sécurité et de havre de paix (alors que le monde va plutôt dans le sens contraire) est un énorme atout pour l’économie présente et future. De plus, nous devons nous assurer de préserver la tradition Saint-Barth.

L’avenir sourira à notre territoire aussi longtemps que les quatre roues de Saint-Barth tourneront de manière synchrone : Collectivité, associations, socioprofessionnels, population. Nous sommes 10.000 habitants / ambassadeurs responsables de l’attractivité de l’île.

Vous avez plusieurs fois évoqué l’authenticité comme point fort de Saint-Barth. Comment renforcer cet atout ? Ne faut-il pas encourager les cultures locales comme le travail de la paille, la gastronomie traditionnelle, etc ?

Ça manque, je suis d’accord, mais à l’ère de Facebook, encore faut-il trouver des jeunes qui ont envie de reprendre ce genre d’activités…Le nautisme, c’est de l’authenticité à l’état pur. C’est quelque chose que l’on pourrait renforcer. Quand je vois que la Cata Cup a réussi à se maintenir en 2017, c’est un exploit. On a eu la Bucket, j’ai ressenti une ambiance différente, plus chaleureuse que d’habitude ; peut-être un effet de l’ouragan Irma. C’est la Bucket qui a le plus de retombées selon moi, mais chaque régate est différente. La West Indies met justement en valeur le patrimoine de la Caraïbe. Les Voiles, c’est encore autre chose. Et la Transat AG2R, c’est le sport à l’état pur. Il y a les retombées en terme d’image, mais cela fait aussi venir beaucoup de monde dans les hébergements, les commerces… On essaie aussi de mettre en avant les artistes locaux.

Est-ce que le développement d’activités « sport et nature » (randonnée, pêche, escalade…) est à l’ordre du jour?

S’agissant des randonnées, l’Agence territoriale de l’environnement travaille à fond sur le sujet avec de nouveaux parcours prochainement utilisables et ne nécessitant pas forcément de guide. Il y a aussi un très bon choix de randonnées avec guides. La pêche à la ligne «à l’ancienne» est également disponible (accompagné d’un pêcheur professionnel). Ainsi que la plongée sous-marine, le snorkeling, planche à voile, paddle, surf, kyte, canoë, jogging, etc. Escalade... ? Pas encore à ma connaissance… mais c’est à creuser !

Que représente le tourisme dit affinitaire à Saint-Barthélemy (familles et amis qui visitent leurs proches) ? Quelles actions sont entreprises dans cette direction ?

Nous n’avons pas de données là dessus, mais c’est sûr que ça doit représenter pas mal de monde. C’est un point qu’il faudra essayer de prendre en compte au mieux dans le futur.

Comment abordez-vous le « tourisme Johnny » ? A quel volume de visiteurs faut-il s’attendre, comment sont-ils accueillis ?

On peut s’attendre à des groupes, c’est certain. Beaucoup sont déjà venus, même à Noël. On reçoit encore des appels chaque semaine de fans qui veulent des renseignements, ils se montrent très intéressés par notre île, veulent comprendre le choix du chanteur. On leur suggère de venir en juin et juillet. C’est un tourisme complémentaire. Il faut se diriger vers une saison complète, moins concentrée sur la période des fêtes. Elle commence désormais début novembre, et se prolonge jusqu’en juillet-août. A cette période, les prix sont moins élevés, il y a moins de monde sur l’île, et le moment est plus serein pour se recueillir auprès de leur idole malheureusement décédée.

Marque de territoire, assises du tourisme, Eductour, Fam trip… Qu’en est-il de toutes ces réalisations du CTTSB depuis dix ans ?

Il faudra s’y pencher. Ce serait bien, l’an prochain, de refaire des assises du tourisme. Ce rendez-vous n’a pas vocation à être organisé chaque année, mais tous les quatre ou cinq ans. On invite tous ceux qui sont concernés par le tourisme à Saint-Barth, pour faire des tables rondes, etc. 2019 serait un moment idéal pour faire ça. La marque de territoire Saint-Barth fonctionne du feu de Dieu. On prévoit de refaire un Fam trip, un voyage de familiarisation, fin 2018 ou début 2019. Il s’agit de faire venir des agents de voyages ciblés, et quelques journalistes. C’est important de communiquer sur l’état de l’île après Irma, en disant la vérité, comme on l’a fait avec les soirées à New York et à Paris. Nous n’avons pas reconduit l’Eductour (présentation des métiers du tourisme aux collégiens, ndlr), mais nous prenons régulièrement des stagiaires au CTTSB.

La convention d’objectifs signée par le CTTSB et la Collectivité indique que des hôtesses doivent accueillir les touristes au port et à l’aéroport. Qu’en est-il ?

On va essayer de le maintenir, mais nous sommes maintenant en nombre réduit, on manque de personnel pour cela. Elles devaient aussi rapporter l’avis des visiteurs sur leur séjour. Puis on a mis en place un questionnaire via des bornes à l’aéroport et au Village Saint-Jean ; mais elles ont été perdues dans l’ouragan. Les touristes pouvaient noter la qualité de la restauration, des logements… C’était très efficace, on avait beaucoup de données. On va revoir ça.

Vous avez lancé l’application « Saint-Barth Tourisme » en début d’année. Comment se passent ses débuts ?

Elle fonctionne bien, et des professionnels de l’île nous appellent pour nous signaler qu’ils ne figurent pas dans l’application, ce qui est une bonne chose. Les agents de voyage et journalistes américains que nous avions rencontré récemment à New York, ont téléchargé l’application et voient désormais les activités et événementiels mis en place localement : associations, entreprises, artistes… Contactez le CTTSB si vous n’êtes pas encore visibles dans l’application ! Cette application est conçue pour aider les socioprofessionnels, mais cela demande de leur part quelques manipulations simples.

JSB 1274