Tout triathlète qu’il est, Mathieu Clavier n’avait pas imaginé vivre une expérience aussi éprouvante en effectuant son premier ultra trail. « Avec mon expérience Ironman, je pensais savoir où j’allais mettre les pieds en termes d’effort et de souffrance, mais ce qui diffère dans le trail c’est d’être « vraiment » seul avec soi-même », confie le sportif. Il faut dire que parcourir 105 kilomètres sur un terrain au dénivelé positif de 3.500 mètres, même dans le décor majestueux du parc national de Shenandoah en Virginie (Etats-Unis, dans le Sud de Washington), n’a rien d’une sinécure. Toutefois, le 20 septembre, Mathieu Clavier est parvenu à relever le défi et a bouclé l’épreuve, le Grindstone by UTMB, en 18 heures et 14 minutes. « Une course que je pensais acquise en 13 ou 14 heures », confie-t-il.
Il est 6 heures du matin quand les 263 participants prennent le départ. « 20km plus tard, les sensations sont toujours au top, nutrition et hydratation, ça fonctionne, raconte l’athlète. Le temps est magnifique, pas un seul nuage, courir par 25 degrés… Incroyable. » Mais à l’approche des 35 kilomètres, il sent que sa « promenade » dans les Appalaches risque de s’avérer bien plus difficile que prévu. « Je comprends vite que je n’ai pas du tout les jambes pour assumer le reste de la course et son dénivelé, assure-t-il. À partir de là, le seul fil rouge de la journée à ne pas rater est de garder une alimentation et une hydratation régulière. Quand on est dans le dur on a tendance à mettre ça de côté. » Mathieu s’accroche et continue d’avaler les kilomètres et les dénivelés. « Chaque mètre parcouru est un calvaire pour mes jambes, explique-t-il. Je découvre mon meilleur ami, mes bâtons, autant en montée qu’en descente. » Puisqu’un malheur n’arrive jamais seul, huit kilomètres avant le dernier ravitaillement, la météo s’en mêle.
Le déluge, le clown et le chronomètre
« Le tonnerre et la pluie s’abattent sur nous, se souvient le triathlète. Déjà dans l’inconfort avec mes jambes douloureuses, s’ajoute un déluge de pluie… » Puis vient la nuit. « Où tu revois ta façon de poser les pieds au sol sur des racines et autres rochers glissants », souffle-t-il. Et le temps passe « dangereusement ». Car, pour boucler l’épreuve, les concurrents disposent de 18 heures et pas une minute de plus. Or, il reste 19 kilomètres à parcourir jusqu’à l’arrivée pour Mathieu Clavier. Une distance qu’il va couvrir dans des conditions dantesques. « Sous cette pluie qui m’a glacé le sang, accompagné des éclairs et d’hallucinations, raconte-t-il. Un ours, un clown, un athlète juste derrière moi… Tout ceci à la lumière de ma misérable frontale. »
Quand les douze coups de minuit sonnent la fin de la course, Mathieu n’a plus qu’un kilomètre à parcourir. « Je passe la ligne d’arrivée, vidé, se souvient le coureur. Même le photographe hésite à me prendre en photo. » Épuisé, éreinté comme jamais, Mathieu Clavier a toutefois la satisfaction de « ressortir grandi de cette nouvelle expérience ». Il franchit la ligne en 148e position (sur 263 inscrits dont 156 finisseurs), juste après la concurrente étasunienne Camille Bowen qui, engagée dans la catégorie des 20-24 ans, est la dernière à avoir bouclé l’épreuve en moins de 18 heures (17h57m). Mathieu Clavier (40-44 ans) est le premier des finisseurs à plus de 18 heures. De quoi rendre fier son fils Léopaul, 8 ans, son épouse Virginie et son employeur (et sponsor), l’Eden Rock, au sein duquel il officie en qualité de chef barman.