Saint-Barth -

Valérie Denux, directrice générale de l'ARS : « Il faut passer à une nouvelle ère »

Entretien avec Valérie Denux, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barth depuis mars dernier.

 

Vous avez pris vos fonctions en mars dernier, en pleine crise du CHU de la Guadeloupe. Quel est aujourd’hui vote diagnostic sur le système de santé à Saint-Barthélemy et Saint-Martin ?

Sur le plan de l’offre de soins, on est pas mal dotés. Mais cela doit être optimisé, notamment sur les Evasan. Il faut savoir comment traiter l’urgence de manière efficace. On ne peut pas mettre un avion et une équipe du Samu H24, même si une vie est une vie. Il faut que l’on travaille là-dessus.

Mettre un hélicoptère à plein temps, je ne suis pas contre, si quelqu’un est en mesure de payer ça au vu du faible nombre d’Evasan réalisées (178 sur une année au départ de Saint-Barth), sans parler du fait qu’un hélicoptère ne peut pas voler tout le temps. Ce qui peut être la bonne solution, c’est de mettre en place des protocoles clairs pour l’attente de l’évacuation, dans des délais très courts. On a la chance à Saint-Barthélemy d’avoir des urgentistes, il faut les former.

 

Les médecins urgentistes sont-ils assez nombreux ? Quand l’un accompagne une Evasan hors de l’île, il ne vaut mieux pas qu’il y ait une seconde urgence…

Saint-Barth et Saint-Martin sont en GHT, c’est à dire qu’il y a une gestion commune des deux hôpitaux. Il faut créer un protocole entre les deux hôpitaux pour les Evansan. Ça peut aller dans les deux sens : l’Evasan peut se faire depuis Saint-Martin. On a prévu une réunion de travail là-dessus au mois de septembre.

J’ai une grosse priorité sur le territoire, c’est de créer un réseau. On n’est pas suffisamment dotés pour que chacun puisse travailler dans son coin. Il faut passer à une nouvelle ère.

 

L’étude du CESCE, tout comme le plan régional de santé de l’ARS, soulignent la nécessité de développer la télémédecine.

C’est ce que j’entends par la gradation de la prise en charge du patient. C’est un terme auquel je tiens. J’imagine les choses comme ça : par exemple, une personne à Saint-Barthélemy qui a du diabète. Elle est suivie de manière classique par son médecin généraliste ou à l’hôpital De-Bruyn. Il y a une aggravation, à un moment donné ; elle part à Saint-Martin se faire soigner. Si besoin, Saint-Martin peut contacter la Guadeloupe pour demander le concours d’un spécialiste. En cas de grosse opération plus tard, le patient peut se rendre directement en Guadeloupe.

La solution, on va la trouver par le flux : le patient peut bouger, le médecin peut se déplacer d’une île à l’autre, mais aussi par les flux logistiques (partage de petits équipements) et numériques, c’est à dire la transmission d’informations. Exemple, on réalise un ECG (électrocardiogramme, ndlr) à Saint-Barthélemy. Si on a du mal à l’interpréter, on l’envoie à un spécialiste de Saint-Martin ou de Guadeloupe. Cela se fait déjà un peu, notamment sur l’imagerie qui fait des choses intéressantes. Mais on pourrait le développer facilement, sur l’électrocardiogramme, avec une simple application mobile, et en mettant en place des astreintes. Tout cela se construit, et cela se construit avec les îles du Nord.

 

Comme dans beaucoup de domaines, les données et statistiques sur la santé à Saint-Barthélemy sont agrégées à celles de la Guadeloupe. Pourtant, les problématiques ne sont pas les mêmes sur ces territoires.

Il n’y a pas tant de spécificités à Saint-Barthélemy. Les pathologies sont assez similaires sur l’ensemble des territoires. Vous avez un petit hôpital, c’est le cas également à Marie-Galante, par exemple.

 

Comment mettre en place une prévention efficace, par exemple sur les infections sexuellement transmissibles ou les comportements addictifs, sans chiffres connus à Saint-Barthélemy et sans association sur place ?

C’est vrai que le tissu associatif est moins riche à Saint-Barthélemy, mais il faut dire que les problématiques sont moins importantes, aussi. Vous avez un problème d’effet de seuil ; c’est difficile pour une structure d’être efficiente sur un si petit territoire. C’est pourquoi il faut mutualiser entre la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Dans ma réflexion, j’ai intégré dès le départ des îles du Nord. Je ne réfléchis pas en terme de territoire, mais de fonctionnel.

 

La difficulté de recruter du personnel médico-social, malgré un soutien en matière de formation des jeunes mis en place par la Collectivité, demeure sur notre île.

Il y a un problème de démographie médicale. Pour Saint-Barthélemy, on a un autre problème, c’est que les jeunes infirmiers ont du mal à s’installer à cause du prix élevé des logements. Du côté de l’ARS, on peut aider au financement de formations complémentaires, mais on n’a pas vraiment de prise sur l’orientation des jeunes.

 

Comment développer sur les îles du Nord l’hospitalisation à domicile (HAD), chez les patients ou à l’Ehpad ?

Ça, c’est très important, j’y suis très favorable. Moins on déracine les gens, surtout les personnes âgées et les malades chroniques, mieux c’est. A Saint-Barth, les infirmières libérales jouent un peu le rôle de l’HAD, géré par la clinique Choisy ; je sais que des discussions sont en cours pour qu’elles intègrent le dispositif.

 

A une échelle beaucoup moins grave qu’en Guadeloupe, Saint-Barthélemy est touchée par les sargasses. Quel est le suivi mis en place par l’ARS ?

L’ARS mesure à Saint-Barthélemy et Saint-Martin les émissions de gaz des sargasses, et on publie les résultats sur le site internet. On n’a pas eu de mesure dangereuse sur votre île, pour le moment.

Les émanations commencent seulement lorsque les algues sont en décomposition, or, la Collectivité a mis en place un système de ramassage qui évite cela pour le moment. On surveille de près les émanations.


Dans son Plan régional de santé, l’ARS indique vouloir mettre l’accent sur la prévention. Concrètement, quelles actions seront mises en place ?

Ce qu’il faut, c’est que l’on soit en lien avec les associations et les professionnels de l’île. On distingue trois grands types de population : ceux dont la santé est bonne, envers qui on fait ce que l’on appelle la promotion de la santé, pour éviter qu’elle ne se dégrade. Il y a ensuite un bloc de gens malades, souvent chroniques (diabète, hypertension…), et là, je pense que les médecins, infirmiers, et HAD ont un rôle à jouer. Enfin, ceux qui sont entre les deux, à la limite. On souhaite viser particulièrement les jeunes. De toute façon, chaque action sera menée à l’aune des îles du Nord.


JSB 1290