Qu’il s’agisse de soumission ou de vulnérabilité chimique, le phénomène n’est malheureusement pas nouveau. Les femmes en sont régulièrement les victimes, à Saint-Barthélemy comme ailleurs. En quelques années, grâce à une parole libérée, cette dérive est devenue une préoccupation majeure dans l’espace de santé publique et, par conséquent, un enjeu de société. En particulier depuis les révélations exposées lors du procès de Dominique Pélicot, surnommé l’ogre de Mazan, qui pendant neuf ans a drogué son épouse Gisèle à son insu avant de la violer et de la faire violer par d’autres hommes. Aussi, à quelques jours de la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes (le mardi 25 novembre), une conférence sur le thème de la soumission et de la vulnérabilité chimique va se tenir à Saint-Barthélemy, ce samedi 22 novembre. Organisée par l’association France Victime et la Maison des femmes de Saint-Martin avec le concours de la Collectivité territoriale de Saint-Barth, la conférence aura lieu au Théâtre du Paradis, à Gustavia, de 19h30 à 22h30.
« Important de croire les victimes »
Huit intervenants vont prendre la parole lors de la soirée. Parmi eux, Sibel Aydin, la directrice de la Maison des femmes. « Nous avons fait le choix de ce thème car Saint-Barthélemy, territoire festif, n’est pas épargnée par ce phénomène », explique-t-elle. Lors des permanences qu’elle assure sur l’île au sein du Centre médico-social, Sibel Aydin indique qu’elle a pu constater une augmentation du nombre de femmes victimes de soumission chimique. « Je reçois davantage de victimes qui souffrent de perte de mémoire, de désorientation, précise-t-elle. Elles hésitent encore à porter plainte, même si elles sont de plus en plus nombreuses à le faire. Il y a un avant et un après l’affaire Pélicot. Cette conférence a donc pour but d’évoquer les améliorations de la prise en charge des victimes, de donner avec les professionnels présents les outils dont nous disposons et parler des réflexes à adopter. »
Si les actes de soumission chimique interviennent généralement dans un environnement festif, les drogues sont souvent administrées aux victimes par des personnes de confiance. « Cela peut intervenir dans différents contextes, publics ou privé, dans un lieu où la victime est en confiance, souligne Sibel Aydin. Il est important de croire les victimes et de les accompagner au mieux. »
Par ailleurs, Sibel Aydin insiste sur la distinction qui doit être faite entre soumission et vulnérabilité chimique. Dans un cas, la victime ingère une ou des substances à son insu. Dans l’autre, c’est après avoir consommé volontairement des produits (alcool, drogues…) que la personne se retrouve en situation de victime.
« Ni un fait divers, ni une fatalité »
Pour mieux comprendre les notions de soumission et de vulnérabilité chimique, la conférence pourra s’appuyer sur la présence de Sandrine Josso. Députée de la septième circonscription de Loire-Atlantique, chargée de mission gouvernementale sur la lutte contre la soumission chimique, elle a fait de la lutte contre ce phénomène son cheval de bataille depuis deux ans. Pour l’ensemble des femmes qui en sont victimes, mais aussi pour elle. Car Sandrine Josso a intenté une action en justice contre le sénateur Joël Guerriau. Elle accuse le parlementaire de l’avoir droguée à son insu, le 14 novembre 2023, alors qu’ils se trouvaient au domicile du sénateur. Le procès de Joël Guerriau doit se tenir les 26 et 27 janvier prochains.
Dans un récent communiqué, repris par différents titres hexagonaux de presse écrite, l’élue modem explique avoir voulu transformer « un traumatisme personnel en action publique » et précise : « Cela fait deux ans que je vis ce double statut, à la fois lourd et porteur, de victime et de députée. » A travers son rôle de chargée de mission gouvernementale, qu’elle assume avec la sénatrice Véronique Guillotin, la députée entend «démontrer que la soumission chimique, sujet longtemps ignoré, n'est ni un fait divers ni une fatalité ». Les travaux menés par les deux parlementaires ont pris la forme d’un rapport national qui regroupe cinquante propositions dont quinze prioritaires. Sa parole, en introduction de la conférence, devrait suffire à capter l’attention de l’auditoire.
Programme et intervenants
De 19h30 à 22h30 au Théâtre du Paradis, entrée libre.
- Comprendre la soumission et la vulnérabilité chimique : Sandrine Josso, députée de la septième circonscription de Loire-Atlantique, chargée de mission gouvernementale sur la lutte contre la soumission chimique.
- Le recueil et la préservation des preuves : docteur Renaud Ascencio, médecin expert auprès de la Cour d’appel de Basse-Terre.
- La politique pénale en matière de soumission chimique : Marie-Luce Godard, vice-procureur de la République.
- Le rôle des associations : Arnaud Gallais, anthropologue cofondateur de Mouv’Enfants et Mendros pas, Sibel Aydin, directrice de la Maison des femmes de Saint-Martin.
- Substances utilisées et conséquences pour la santé : Aude Canale-Fatou, diplômée universitaire en addictologie.
- Le rôle de la gendarmerie (prise en charge des victimes, conduite des enquêtes) : capitaine Jonathan Quinchon, commandant de la brigade de gendarmerie de Saint-Barth.
- Le cadre juridique : Fayrouze Ibnouachim, vice-présidente du tribunal de Saint-Martin.
- Les préconisations du rapport parlementaire sur la soumission chimique : Sandrine Josso.
