En pénétrant dans la grande salle de la capitainerie, le samedi 13 septembre, alors que débute une conférence sur l’endométriose, un rapide coup d’œil sur l’auditoire fait resurgir le refrain d’une vieille chanson de Véronique Sanson : « C’est exclusivement féminin. » Car parmi les personnes présentes - plus d’une trentaine - pas un seul homme. Une femme le remarque lors de la séance des questions-réponses : « Il y a un gros travail de sensibilisation à faire dans le milieu du travail sur cette maladie, surtout auprès des hommes. D’ailleurs, il n’y en pas aujourd’hui. » De fait, pour assister à la conférence consacrée à la maladie inflammatoire chronique d’origine gynécologique qu’est l’endométriose, la population masculine ne s’est pas bousculée au portillon.
Toutefois, même si cette absence est regrettable, l’essentiel n’est pas là. L’objectif était, pour les intervenantes (le docteur Ludivine Chevallier, chirurgienne spécialisée en endométriose au CHU de Martinique, Valérie Lorbat-Desplanches, co-fondatrice et présidente de la Fondation pour la recherche sur l’endométriose et Véronique Pereira, patiente experte) de distiller le plus d’informations possibles aux femmes présentes.
Si une à deux femmes sur dix sont touchées par l’endométriose en France (aucune donnée spécifique n’existe pour les Antilles françaises), cette maladie pourtant découverte en 1860 demeure complexe car ses causes exactes ne sont pas encore comprises. « Tant que nous ne saurons pas d’où elle provient, on ne pourra pas la traiter efficacement », souligne une intervenante.
Des douleurs qui s’aggravent avec le temps
Pour expliquer les choses simplement, la maladie se caractérise par des cellules qui forment des lésions à l’extérieur de l’utérus, sur les ovaires, d’autres organes, à l’intérieur du muscle utérin mais aussi en surface du péritoine. Ces lésions saignent lors de chaque cycle, provoquent des adhérences entre les organes et entraînent des douleurs et une fatigue chronique. Ce, pendant et en dehors des règles. « Ces douleurs s’aggravent avec le temps, souligne le docteur Chevallier. Certaines patientes ont mal quasiment tout le temps. » L’un des nombreux problèmes est que ces douleurs chroniques interviennent parfois dans le dos, les jambes, laissant penser qu’il peut s’agir d’une sciatique. La maladie se matérialise aussi par des troubles digestifs ou par des symptômes similaires à ceux d’une infection urinaire.
Support visuel à l’appui, les intervenantes insistent sur le fait que 70% des femmes atteintes par l’endométriose souffrent de douleurs handicapantes, 80% ressentent des limitations dans leurs tâches quotidiennes, 40% ont des troubles de la fertilité (« L’endométriose n’est pas synonyme d’infertilité mais en est la première cause », explique le docteur Chevallier), 49% déclarent être empêchées dans leur carrière et 25% sont contraintes de changer de métier. « Il ne faut pas oublier de mentionner la souffrance psychologique », insiste le docteur Chevallier, qui ajoute : « Il n’y a pas une endométriose mais des endométrioses. »
Des remarques inappropriées
Le premier conseil fait aux femmes présentes est de consulter un spécialiste : médecin, gynécologue, sage-femme… Malheureusement, la recherche sur cette maladie accuse près de dix années de retard. Les traitements sont donc à l’avenant : des anti-douleur, des traitements hormonaux, de la chirurgie lorsque c’est possible. L’importance des travaux de recherche est soulignée à plusieurs reprises. Car sans progrès dans ce domaine, les femmes touchées continueront à vivre dans la souffrance. Et les praticiens dans la frustration d’une relative incompréhension.
Par ailleurs, la méconnaissance des effets de cette maladie sur les femmes qui en souffrent entraîne de nombreux désagréments dans leur vie professionnelle. « Car les femmes continuent de travailler malgré la douleur, insiste une intervenante. Et elles se heurtent au problème de la culture managériale en entreprise. Quand elles arrivent plus tard le matin parce qu’elles ne sont pas en mesure de se lever à cause des douleurs, quand elles partent plus tôt parce qu’elle sont épuisées, cela s’accompagne régulièrement de remarques inappropriées. » Par conséquent, doivent-elles en parler au travail ? « Si l’environnement est bienveillant, pourquoi pas, répond Véronique Pereira. Sinon, c’est contre-productif. Mais un médecin du travail peut intervenir pour trouver des solutions adaptées. »
Hormis la recherche, la sensibilisation est le maître mot de la conférence. Au niveau du monde professionnel, mais aussi en milieu scolaire. Même s’il faut se heurter aux réticences de certains parents dès que « la sphère sexuelle » et gynécologique est abordée. Une infirmière scolaire assure toutefois que de la prévention est faite de manière régulière au collège. Néanmoins, beaucoup de travail reste à faire en matière de recherche médicale et de sensibilisation de la population. Particulièrement masculine.