Saint-Barth -

Joyeux anniversaire les bromates !

Une année s’est écoulée depuis que l’eau de ville a été déclarée non potable en raison de la présence excessive de bromate. L’occasion d’une petite chronologie de cette crise dont la Collectivité et la Saur n’arrivent pas à se dépatouiller.


-       18 juillet 2018 : prélèvement habituel de l’eau de ville, en différents points, pour analyse. Il est envoyé à l’institut Pasteur en Guadeloupe. Le technicien du laboratoire constate un taux particulièrement élevé de chlore, et suggère de rechercher la présence de bromate, ce qui n’est pas une obligation légale. Bingo.

  

-       8 août 2018 : un courrier de l’ARS Guadeloupe Saint-Martin Saint-Barth informe les autorités locales (préfecture, Collectivité, et la Saur) de la non-conformité de l’eau de ville.

   

-       9 août 2018 : la Saur publie sur son compte Facebook, à l’attention des habitants, un message indiquant que l’eau “ne répond pas aux critères de potabilité”.

       

-       16 août 2018 : une lettre de l’ARS au président de la Collectivité, en copie à la direction de la Saur et à la préfète des îles du Nord, fuite sur Facebook. Elle informe que “la qualité des eaux distribuées constitue un risque pour la santé des personnes.” Elle donne les taux de bromate relevés (jusqu’à 312 microgrammes par litres, à Dévet, alors que le seuil légal est de 10 microgrammes par litre). Le courrier précise que des effets indésirables sévères ont été constatés chez l’homme après une ingestion aigue, de plusieurs grammes de bromates présents dans un produit capillaire. Soit une quantité bien plus élevée que celle détectée dans l’eau de Saint-Barth. L’ARS conclut néanmoins sur la nécessité d’informer la population, de maintenir l’interdiction (boisson, brossage des dents, cuisson) et de prévenir tout risque en particulier sur les publics fragiles : femmes enceintes, nourrissons, personnes âgées, personnes en insuffisance rénale. Le courrier qui n’est pas destiné à la population connaît un certain retentissement sur les réseaux sociaux et provoque une vive inquiétude dans les foyers.

  

-       20 août 2018 : la Collectivité publie un “question réponse” détaillant la situation, afin de rassurer. Elle met en place une distribution d’eau minérale pour la cantine scolaire, les écoles, l’hôpital et l’Ehpad.

  

-       23 août 2018 : les médias à Saint-Martin interrogent l’ARS sur la probabilité d’un problème similaire sur leur île. Impossible, assure l’établissement de l’eau et de l’assainissement au Pélican, puisque le procédé de dessalement est différent.

  

-       6 septembre 2018 : la Collectivité annonce que le taux de bromate a chuté mais reste supérieur à la norme légale. La Saur indique dans nos colonnes (JSB 1293) qu’aucun geste commercial n’est au programme, puisque l’abonné paie uniquement l’eau qu’il consomme pour d’autres usages.

   

-       20 septembre 2018 : le taux de bromate continue de baisser, et la Sidem, qui produit l’eau grâce au dessalement, indique qu’elle est revenue dans les clous en sortie d’usine. Mais dans les réseaux, le problème demeure. La cause de l’apparition soudaine du bromate reste indéterminée.

       

-       Début octobre 2018 : en réduisant le taux de chlore pour tenter de faire disparaître les bromates, un autre problème apparaît du côté de Grand Fond : les légionelles, bactéries dangereuses pour les poumons notamment, sont détectée dans l’eau. Et rapidement éradiquées grâce au chlore.

    

-       22 novembre 2018 : la Collectivité annonce la mise en place d’un nouveau procédé par la Saur, « qui devrait éviter la réaction chimique génératrice des bromates ».

  

-       6 décembre 2018 : Confiante, la Saur indique que les bromates devraient disparaître avant 2019. Les premiers résultats sont bons. Mais la machine indispensable au bioxyde tombe en panne, et le délai pour commander et recevoir des pièces de rechange et réparer est long. « La poisse », commentent en aparté les parties prenantes.


-       27 mars 2019 : des quantités de bromates restent présentes dans différents points du réseau, dans volumes variables mais très faibles. Certains prélèvements montrent même des taux en-deçà du seuil légal. Mais le principe de précaution demeure car l’ensemble du réseau doit être potable pour une levée de l’interdiction.

 

-       4 avril 2019 : « Nous avons la solution technique », assure la Collectivité lors d’un conseil territorial. « Le traitement fonctionne. Le problème que l’on a, ce sont les analyses de confirmation avec l’institut Pasteur en Guadeloupe ». Pour remédier à cela et être plus réactif, le laboratoire local Sanilab se dote de l’équipement nécessaire aux analyses de l’eau. Les prélèvements sont aussi compliqués par les pénuries d’eau régulières sur l’île. Le Président Bruno Magras relativise ce qu’il qualifie de problème infime, rappelle qu’on ne compte pas plus de malades rénaux sur l’île qu’ailleurs, et explique que selon lui, le bromate a toujours été présent dans le réseau. La directrice générale de l’ARS Valérie Denux promet le contraire. 

      

-       Mai 2019 : Hélène Bernier, élue Saint-Barth Autrement, monte au créneau et sollicite la préfète des îles du Nord, Sylvie Feucher, sur la problématique. Cette dernière convoque une réunion de tous les acteurs concernés.

     

-       Juin 2019 : les autorités effectuent des analyses à Saint-Martin, dans le doute. Le seuil légal est dépassé dans certains quartiers. L’île voisine se retrouve également sous le joug d’une interdiction de consommer l’eau de ville. L’annonce est faite au cours d’une conférence de presse diffusée en télévision, qui regroupe toutes les autorités.

       

-       10 juillet 2019 : la Saur Saint-Barth informe d’un nouveau test en cours, et prévient que des odeurs de chlore peuvent émaner des robinets.

       

-       25 juillet 2019 : A Saint-Martin, un collectif d’habitants s’est monté et regroupe près de 1.000 personnes ; les taux de bromates par quartier sont publiés chaque semaine par une cellule de travail immédiatement créée. Le président Daniel Gibbs annonce que l’eau produite par l’usine, qui répond aux critères de potabilité, sera distribuée gratuitement dans les quartiers à compter du 1er août. L’ARS lève les restrictions pour ce qui concerne le brossage de dents et le lavage des légumes, à Saint-Martin mais pas à Saint-Barthélemy.

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Dernières nouvelles de l’ARS

La semaine dernière, l’Agence régionale de Santé a partiellement levé la restriction sur l’usage de l’eau, à Saint-Martin. Le brossage des dents et le lavage des fruits et légumes est finalement autorisé ; l’ingestion et l’utilisation de l’eau pour la cuisson restent proscrites. Saint-Barthélemy n’a pas été évoquée. Sommes-nous concernés ? Contactée, l’ARS répond « que les situations de Saint-Martin et Saint-Barth ne sont pas comparables au niveau des conditions de production d’eau, mais que le système de désinfection au bioxyde de chlore devrait, s’il arrive à être stabilisé dans son fonctionnement, arriver à supprimer la présence de bromates. Les analyses de début juillet montraient des concentrations allant de 49,6 à 161 µg/l. Nous sommes dans l’attente des analyses de la semaine dernière pour juger de l’efficacité du traitement et éventuellement assouplir les conditions de restriction. »

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Pas de geste commercial ni de distribution gratuite
La Saur l’a annoncé dès les premières réclamations : selon la direction de la société de distribution de l’eau, un geste sur les factures serait hors de propos puisque les abonnés ne paient de toute façon que ce qu’ils consomment. « L’eau n’est pas radioactive », rappelait Christophe Pinardaud, directeur régional de la Saur Antilles- Guyane, dans nos colonnes l’année dernière (JSB 1293). Quant à la Collectivité, en mars dernier (JSB 1321), elle répondait qu’elle assurait la distribution de l’eau minérale auprès des écoles, de l’Ehpad, de la cantine scolaire et de l’hôpital. Aucune distribution d’eau plus large n’a été envisagée. « La population était déjà familière d’une consommation d’eau en bouteilles avant la crise. Surtout, il ne faut pas perdre de vue que la fourniture d’eau sur une île sèche en milieu tropical restera toujours une gageure. C’est malheureusement les contraintes de la vie insulaire. »

Xavier Lédée : « Rien n’a été fait »
Après Hélène Bernier (Saint-Barth Autrement) il y a quelques mois, c’est un autre élu d’opposition, Xavier Lédée (Unis pour Saint-Barthélemy), qui s’attaque à la question du bromate. Et notamment à la décision de la Collectivité de ne pas fournir de compensation à la population, obligée d’acheter de l’eau minérale. « Une décision purement politique », commente-t-il, « la majorité ayant localement décidé de ne pas s’inquiéter des obligations qui sont les siennes en matière de distribution d’eau potable à la population. Le président exprimait encore récemment en conseil territorial que « les gens peuvent bien acheter quelques bouteilles d’eau », alors qu’il serait à mon sens judicieux a minima que la Collectivité renonce à toucher de l’argent sur la distribution d’eau, et qu’elle négocie avec son prestataire sur les sommes versées pour cette délégation de service public. » Il s’étonne aussi du manque de communication des autorités, « élément incompréhensible. Là aussi, les résultats devraient et auraient dû être systématiquement publiés et les tests expliqués à la population sans attendre qu’untel ou untel pose la question… De même, il est anormal qu’aucun affichage ne soit mis en place dans les lieux publics pour informer que l’eau n’est pas potable et ne dois pas être consommée. Malgré plusieurs demandes, rien n’a été fait. »

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Pour rappel
Le bromate est une substance chimique qui se forme sous l’action du bromure présent naturellement dans l’eau de mer, du chlore ajouté pour purifier l’eau de ville une fois dessalée, et de la chaleur inévitable sous nos latitudes. Si on enlève le chlore, on expose la population à des maux plus graves, notamment des bactéries type légionelles. Les effets du bromate sur la santé sont très peu étudiés et méconnus. Mais dans les quantités qui nous concernent (quelques centaines de microgrammes tout au plus), ils seraient infimes, même en buvant abondamment de l’eau au quotidien. Les nourrissons et personnes aux reins fragiles doivent toutefois se méfier plus que les autres. Le seuil légal est de 10 microgrammes par litre. A Saint-Barthélemy, les taux les plus élevés relevés en fin de réseau, notamment à Vitet et Dévet, ne dépassaient pas 500 microgrammes par litre. 



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Journal de Saint-Barth N°1337 du 01/08/2019

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