Les dissensions et autres batailles politiques au sein du conseil territorial ont eu raison de l’engagement de Francius Matignon auprès du groupe Saint-Barth d’Abord. Le vendredi 1er août, la veille de l’adoption du compte financier unique en conseil territorial, l’élu a officiellement annoncé sa décision de se « mettre en retrait du groupe Saint-Barth d’Abord ». Ce, écrit-il, « à la suite de diverses consultations et d’une réflexion approfondie ». Un changement de direction pour le moins inattendu qui rebat quelque peu les cartes de la gouvernance.
Dans un courriel adressé au Journal de Saint-Barth, Francius Matignon affirme son attachement à sa mission d’élu territorial. Il assure : « Cette décision est le fruit d'une réflexion approfondie, guidée par un seul et unique objectif : servir au mieux les intérêts de la population de Saint-Barthélemy avec responsabilité et détermination. J'œuvre au quotidien pour faire avancer les dossiers qui me sont confiés, notamment ceux relatifs aux affaires scolaires, qui sont au cœur de mes engagements. Ce travail de terrain, au plus près des besoins des familles et des équipes éducatives, exige d'agir dans le concret. »
Des « calculs politiques » bloquants
Son choix, Francius Matignon le justifie en évoquant une discordance vis-à-vis des positions adoptées par son groupe. Il explique : « La direction politique empruntée par le groupe Saint-Barth d'Abord ne répond plus, selon moi, aux attentes légitimes de nos concitoyens. Trop souvent, les stratégies partisanes prennent le pas sur les enjeux essentiels pour le développement de notre territoire et de la stabilité politique. Je ne souhaite pas cautionner un fonctionnement où les calculs politiques bloquent les dynamiques nécessaires à l'avancement de nos projets collectifs. » Des « calculs » qui ont toutefois permis à Francius Matignon d’accéder au fauteuil de deuxième vice-président de la Collectivité territoriale lors du remaniement du conseil exécutif, le 3 juin dernier. Même si ce dernier l’affirme : « Je n’ai pas souhaité la dissolution du conseil exécutif. »
« Ce mandat est catastrophique »
Francius Matignon assume sa décision en déclarant : « Ma démarche est un choix de responsabilité, libre de toute logique partisane, avec pour seule boussole le bien-être des habitants de l'île. Je continuerai à agir, avec rigueur pour Saint-Barthélemy, en dehors des oppositions stériles. Je suis pleinement engagé pour l'intérêt général, avec la conviction que le travail de fond doit primer dans notre vie publique. » Le deuxième vice-président va désormais évoluer en électron libre au sein du conseil territorial. « Il vaut mieux être seul que mal accompagné, affirme-t-il. Je ne veux pas participer à quelque chose qui va à l’encontre de ma morale, ni à une déstabilisation du conseil territorial. Ce mandat est catastrophique et il ne faut pas causer plus de dommages. »
Par ailleurs, l’élu affirme qu’il n’a « pas prévu un rapprochement » du président Xavier Lédée ni du groupe Action-Équilibre de Marie-Hélène Bernier. « Mon but est de perpétuer le travail effectué par Bruno Magras et préserver les acquis de l’île en travaillant en bonne intelligence », explique-t-il. Son départ de Saint-Barth d’Abord peut aussi être interprété comme une volonté de s’affirmer en vue des élections territoriales de mars 2027. Francius Matignon ne dément pas. « Tout un chacun a ses ambitions, déclare-t-il. A vingt mois des élections, plein de choses peuvent se passer. Il faut suivre les événements étape par étape. Peut-être que je constituerai une liste mais il est prématuré de se positionner. Je ne suis pas en campagne, contrairement à Alexandra (Questel) ou au président. Je me focalise sur le travail qui doit être fait au quotidien. »
La réaction d’Alexandra Questel
Cheffe du groupe Saint-Barth d’Abord depuis le retrait de Romaric Magras, Alexandra Questel a été invitée à s’exprimer sur le départ de Francius Matignon. Elle déclare : « Je tiens à remercier Francius pour son engagement, à titre personnel et au nom du groupe. En politique, il faut une vision, mais surtout, se donner les moyens de la réaliser. Cela passe indéniablement par de la stratégie. Au nom du parti Saint-Barth d’Abord, je lui souhaite le meilleur pour la suite et un franc succès dans ses entreprises futures. »
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La réplique cinglante de Micheline Jacques à Francius Matignon
La sénatrice Micheline Jacques, conseillère territoriale pour le groupe Saint-Barth d’Abord (SBDA), adresse une réponse cinglante à Francius Matignon. Par le biais d’une publication en ligne, la parlementaire réplique avec une autorité teintée d’ironie aux arguments avancés par le deuxième vice-président de la Collectivité pour justifier son « retrait » de SBDA.
« C’est un comble ! »
« Cher Francius, j’ai moi aussi mûrement réfléchi avant de réagir publiquement à ta démission car je dois t’avouer que je ne pensais pas que tu oserais quitter notre groupe de cette manière ! Que je sache, tu n’as pas été élu 2ème vice-président « à l’insu de ton plein gré » mais voilà que tu dénonces « les calculs politiques » de Saint-Barth d’Abord, ceux-là mêmes qui t’ont permis d’être élu 2ème vice-président. Avoue que c’est un comble ! Je ne pensais pas que tu oserais accuser ce que tu appelles nos « stratégies partisanes » : lorsqu’on ne veut pas faire de politique, on ne se fait pas élire dans une assemblée politique. Si tu as été élu 2ème vice-président, c’est parce que tu t’es présenté sur la liste « partisane » de SBDA qui, comptant de six membres, bénéficiait de deux sièges au sein du conseil exécutif. Ce n’est, en outre, ni plus ni moins prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages que de faire croire que l’on peut s’affranchir de toute stratégie partisane pour « faire avancer » ses dossiers car tu auras besoin de voix pour les faire adopter. »
La sénatrice poursuit en affirmant que la volonté de retrait de Francius Matignon remonte à 2024. Elle écrit : « Bien avant le renouvellement du conseil exécutif, tu avais commencé à prendre tes distances avec le groupe SBDA. Cela date précisément depuis les législatives de 2024. Alexandra ayant fait une très belle campagne et un score inespéré, je pensais que tu aurais l’humilité de reconnaître qu’elle avait mérité cette candidature, que tu souhaitais porter. »
« La plus vieille ficelle politicienne qui soit »
Micheline Jacques dénonce la méthode employée par son ex-compagnon de route au sein de SBDA, et lance : « Oui, c’est donc en plein doute à l’égard de SBDA que tu t’es sciemment présenté sur notre liste au conseil exécutif. Ta réflexion a donc abouti à la conclusion que tu devais quitter SBDA …mais après avoir été élu 2ème vice-président grâce à SBDA. Dire le contraire serait être hypocrite (…) Pire, après avoir justifié ton départ par des raisons apparemment plus nobles que partisanes, tu termines par la plus vieille ficelle politicienne qui soit : celle qui consiste à déclarer qu’il est prématuré de se prononcer sur la constitution d’une liste. Mais tout le monde sait que celui qui le dit ne pense qu’à ça ! »
Plus loin, la parlementaire soulève une difficulté politique liée au départ de Francius Matignon de son groupe. « Tu es donc parti pour faire cavalier seul mais cette stratégie – car, oui, s’en est une - pose aujourd’hui un problème sinon juridique, du moins politique, au sein du conseil exécutif. Tu as été élu 2ème vice-président sur le quota du groupe SBDA. Mais aujourd’hui que nous ne sommes plus que cinq à la suite de ton départ, nous ne sommes assurés que d’un siège au conseil exécutif. Un recalcul montre qu’en présentant ta candidature seul, tu n’aurais pas de siège au conseil exécutif avec ton unique voix. Le 6ème siège serait attribué au bénéfice de l’âge au groupe SBDA ou à celui de Xavier (Lédée, président de la Collectivité et du groupe Unis pour Saint-Barthélemy, ndlr). »
« Tu trahis le groupe »
Enfin, c’est par un dernier « recadrage » politique que Micheline Jacques achève sa réponse à Francius Matignon en écrivant : « Francius, tu n’as pas le monopole de l’intérêt général de l’île. Il est bien prétentieux de sembler le considérer. Chacun des élus de ce conseil fait de son mieux, en conscience, dans l’intérêt de l’île et de sa population, malgré les difficultés de ce mandat, malgré les incompréhensions nombreuses, malgré l’apprentissage difficile. Tu détestes les calculs partisans mais tu trahis le groupe qui t’a fait élire pour suivre ta propre route vers la présidence. L’année dernière tu annonçais au président que tu lui écrirais pour savoir s’il était encore en mesure de diriger la collectivité. Tu ne l’as pas fait. Peut-être es-tu en train de réfléchir aussi mûrement à cette question. » Avant de conclure : « Cher Francius, pour travailler « en bonne intelligence » avec tout le monde comme tu le souhaites, saches que tu n’es pas obligé d’être membre du conseil exécutif pour cela. La moralité dont tu prévaux, et qui t’honore, devrait te conduire à tirer les conséquences morales – à défaut d’être politiques – en t’interrogeant sur la légitimité de ta présence au conseil exécutif où tu as été élu peu de temps avant de quitter le groupe qui t’y a fait élire… »