Une rencontre cordiale où n’ont finalement pointé que peu de désaccords. C’est ainsi que la sénatrice de Saint-Barth Micheline Jacques décrit son entrevue du 20 octobre avec la nouvelle ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou. Un tête-à-tête organisé alors que le projet de loi contre la vie chère dans les Outre-mer, déposé par Manuel Valls sous le gouvernement Bayrou, fait l’objet d’intenses discussions au Parlement.
Le texte a été adopté par le Sénat le 28 octobre. Quelques jours avant, le 22, il avait déjà été validé par la commission des Affaires économiques de la Chambre haute. Il doit dorénavant être examiné à l’Assemblée nationale. Mais ce projet est décevant et insuffisant, selon les élus ultramarins.
« C’est une série de mesurettes, grince Micheline Jacques, elle-même rapporteuse d’une proposition de loi sur le sujet. Ça ne va pas changer le quotidien des Ultramarins. » La sénatrice déplore le fait que le projet de loi ne prend la problématique de la vie chère que sous l’angle du pouvoir d’achat, lié au prix des marchandises. « On ne parle pas de revalorisation des salaires, des actions à mettre en place pour que les entreprises créent de l’emploi et attirent les jeunes, du coût de l’approvisionnement… Par exemple, pourquoi faut-il aujourd’hui que des citrons du Brésil passent par Rungis avant d’être exportés en Guyane ? »
« Le gouvernement doit être un accompagnateur »
Autant d’enjeux abordés avec Naïma Moutchou. «Pour moi, le gouvernement doit être un accompagnateur mais les propositions doivent venir des territoires », poursuit Micheline Jacques. Principal point de mésentente entre les deux femmes politiques : l’article 1 du projet, qui prévoyait de retirer les frais de transport dans le calcul du seuil de revente à la perte, permettant aux distributeurs de baisser davantage le prix de leurs produits.
Une « aberration » pour la sénatrice. La commission des Affaires économiques du Sénat, dont elle fait partie, a d’ailleurs supprimé cette disposition. Tout comme la Chambre haute ce 28 octobre. « Cela aurait provoqué la mort des commerces de proximité qui n’auraient pas eu la possibilité de faire des ajustements sur leurs prix », analyse Micheline Jacques. La Saint-Barth assène : «Cette mesure était populiste. Au lieu d’étudier le problème sous tous ses aspects, on cherche des boucs émissaires. En l’occurrence, les distributeurs, qui représentent autour de 18.000 emplois directs et indirects dans les Outre-mer. »
Des amendements pour renforcer le texte
De nombreux amendements ont permis aux sénateurs de rectifier le texte et de le renforcer. Le bouclier qualité-prix a notamment été élargi avec un « panier pays », pour l’achat de produits issus de la production locale. « J’ai également déposé un amendement visant à renégocier le prix entre les distributeurs et les fournisseurs, qui a été reçu en séance publique », informe la sénatrice.
Micheline Jacques explique que, dans les tarifs fixés par les fournisseurs, souvent depuis l’Hexagone, sont compris des frais liés à la publicité et au sponsoring qui ne bénéficient pas directement au distributeur basé dans les Outre-mer. Ces frais se répercutent ensuite automatiquement sur le prix de la marchandise vendue, donc sur le consommateur. « L’adoption de cet amendement est une première ouverture, déclare, satisfaite, la sénatrice. Cela permet de tenir compte des spécificités des territoires ultramarins, comme la distance. »
Maintenant que le projet de loi contre la vie chère est adopté par le Sénat, la représentante de Saint Barth a d’autres échéances en tête. Notamment l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, étudié en ce moment à l’Assemblée nationale. « Il faut qu’on se garde une marge de manœuvre », estime -t-elle. Car un autre sujet, mis sur la table par la PLFSS, nécessitera une autre bataille des élus ultramarins : la réforme de la Lodeom, avec d’importantes coupes prévues dans le dispositif par le gouvernement.
