Pour les ministres, certaines visites officielles se révèlent plus agitées que d’autres. Particulièrement lorsque, localement, des réponses claires sont attendues sur des sujets précis. Pour Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, et Jean-François Carenco, ministre délégué aux outre-mer, le séjour à Saint-Barthélemy des 27 et 28 mai s’est avéré des plus paisibles. De fait, hormis l’évocation de quelques sujets liés à la sécurité, seul le refus clairement exprimé d’accorder une augmentation de la prime de vie chère aux enseignants des établissements scolaires publics de l’île a fait l’objet d’une déclaration ferme de la part des représentants du gouvernement.
C’est Jean-François Carenco qui a balayé d’un revers de manche cette éventualité. « Si on se lance sur une indexation, ça va être compliqué, a déclaré le ministre délégué le samedi 27 mai dans la soirée. Il existe des possibilités qui appartiennent à la Collectivité. Peut-on construire des logements ? Le foncier est très compliqué ici. Il faut que l’on continue à en parler. On va trouver une solution. » Gérald Darmanin penche davantage pour l’instauration d’une fiscalité adaptée pour les enseignants. « Une piste proposée par le président Lédée, précise-t-il. Quand les gens arrivent ici, plutôt que d’attendre cinq ans pour bénéficier du statut fiscal de Saint-Barthélemy, il pourrait être appliqué aux fonctionnaires dès la première année. C’est quand même 30% de gains sur leur salaire. » Mais le ministre de l’intérieur formule une autre idée.
Système « pendulaire » et location de villas non occupées
Présent la veille à Saint-Martin où il a signé un accord avec la première ministre de Sint Maarten qui entérine le nouveau tracé de la frontière entre la partie française et la partie hollandaise de l’île, il envisage cette nouvelle ligne comme une autre solution. « Avec cette nouvelle frontière, on va permettre de rapprocher Saint-Barthélemy et Saint-Martin à une demi-heure de bateau plutôt qu’une heure, assure Gérald Darmanin. On peut donc imaginer du pendulaire, comme on dit en région parisienne. Avec des gens qui logent à Saint-Martin, viennent travailler la journée à Saint-Barthélemy, puis repartent. » Ce qui impliquerait que les enseignants logés à Saint-Martin ne bénéficieraient pas du statut de résident fiscal à Saint-Barth, contrairement à ceux qui habiteront sur l’île ? Au-delà de cette proposition - Saint-Martin, dortoir pour enseignants de Saint-Barth - qui devrait sans nul doute entraîner quelques réactions dans les rangs des personnels de l’éducation, le ministre l’affirme : « Ce qui est sûr, c’est que les fonctionnaires et les agents publics doivent pouvoir se loger sur l’île de Saint-Barthélemy sans se ruiner car ce n’est pas le sens du service public. » Une évidence.
Quelques heures plus tard, Gérald Darmanin affine sa réflexion et rappelle : « Le logement est une compétence de la Collectivité autonome de Saint-Barthélemy. Il faut respecter les compétences de chacun. Il n’est pas normal que les enseignants n’arrivent pas à se loger et on est sensible à leurs arguments. Avec Jean-François Carenco, on encourage la Collectivité à construire des logements pour les fonctionnaires. Il y a aussi toutes ces maisons et ces villas qui ne sont pas louées et qui pourraient changer de destination et être louées à des prix très raisonnables aux fonctionnaires. »
Interrogé à son tour, le président de la Collectivité, Xavier Lédée, confirme que « la piste » principale de travail est celle de la fiscalité adaptée. « Il faut travailler sur la fiscalité des personnels de première nécessité, comme on les appelle en général, comme les enseignants ou les médecins, pour avoir ce boost de salaire sans nécessairement toucher à la prime de vie chère, a-t-il déclaré. Car cette solution de la prime sera plus longue et plus compliquée à mettre en place, notamment du fait du calcul du coût de la vie à Saint-Barthélemy qui doit être mis en place auparavant. » Une position qui a immédiatement été commentée par le groupe d’opposition au conseil territorial, Saint-Barth d’Abord (SBDA).
« Un début de solution »
Dans un texte publié sur la page du groupe sur un réseau social, SBDA moque « une belle volte-face » du président Lédée qui se serait replié « sur la solution longtemps proposée et sur laquelle l’ancien président Bruno Magras avait œuvré ». En l’occurrence, l’attribution du statut de résident fiscal aux fonctionnaires d’Etat dès leur affectation sur l’île. « C’est un début de solution, estime le groupe d’opposition. Même si elle ne résout toujours pas le problème d’écart entre le coût du logement et le salaire des fonctionnaires. » Il va sans dire que Saint-Barth d’Abord expose ses solutions. La première : lancer la construction de logements neufs sur les terrains constructibles appartenant à la Collectivité. Et de citer « 8.748 m2 à Anses des Cayes », « le terrain Elie Rosey à Gustavia » et « la parcelle de 2.238 m2 à Grand-Cul-de-Sac ». La deuxième : relancer le projet de délocalisation du groupe scolaire de Gustavia. « Pour répondre à l'urgence, la collectivité peut également louer des logements et les mettre à disposition contre un loyer à prix préférentiel », avance SBDA, qui conclut : « L'Etat, ayant indiqué posséder 2000 m² constructibles, peut aussi entreprendre la construction de logements pour ses fonctionnaires. » Pas sûr que le gouvernement souscrive à de telles dépenses, compte tenu des tarifs du marché de la construction sur l’île.
Des engagements sécuritaires
Si la question du logement des fonctionnaires n’a guère progressée avec la venue des ministres, celle de la sécurité a trouvé quelques réponses dans les déclarations de Gérald Darmanin. En effet, si le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer estime que « la situation à Saint-Barthélemy en termes de la sécurité est très bonne », il assure qu’il faut « rester vigilant ». Il ajoute : « On a pu constater quelques délits et l’arrivée de trafics de stupéfiants. Nous avons décidé de renforcer les moyens de la gendarmerie. Singulièrement celle du port et de l’aéroport (sans précision en termes d’effectifs, ndlr). J’ai décidé l’affectation d’un maître-chien anti-stups mais qui va aussi travailler à la lutte contre la délinquance, ici, à demeure, à Saint-Barthélemy. Il sera présent avant la haute saison touristique, à partir de septembre. » Le ministre déclare également vouloir travailler davantage avec la Collectivité et mettant davantage de moyens de vidéo-surveillance. « Pour nous, ce petit bijou français qu’est Saint-Barthélemy est très important et reste une priorité de l’Etat », affirme Gérald Darmanin.
Contrôle en baie de Colombier
La visite ministérielle est bien évidemment passée par le fort Oscar afin de procéder à une revue des effectifs, dimanche 28 mai dans la matinée. Le ministre de l’Intérieur était bien entouré puisqu’en compagnie du général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, et du général Vincent Lamballe, commandant de la gendarmerie de Guadeloupe et des Iles du Nord. Toute la délégation a ensuite embarqué sur un bateau de la brigade nautique afin de se rendre en baie de Colombier. Sur place, le contrôle d’un voilier était en cours. Une opération de routine qui s’est déroulée dans la plus grande quiétude. Le temps pour Gérald Darmanin de recueillir quelques informations sur le travail de la police de l’environnement lors d’un cours entretien, bord à bord, avec le directeur de l’Agence territoriale de l’environnement, Sébastien Gréaux.