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La proposition de loi organique de Micheline Jacques adoptée à l’unanimité au Sénat

La semaine dernière, la commission des lois puis celle des Affaires sociales du Sénat avaient adopté la proposition de loi organique (PPLO) rédigée par la sénatrice de Saint-Barthélemy, Micheline Jacques. L’étape suivante était la présentation du texte en séance publique, avec l’espoir que les sénateurs suivraient le chemin emprunté précédemment par les commissions. C’est mardi 14 mars à 14h30, heure de Paris, que l’examen de la PPLO était programmé. A l’issue de débats animés, c’est à l’unanimité, par 343 voix sur 343, que le texte a été adopté par le Sénat. A la grande satisfaction, comme il est aisé de se l’imaginer, de Micheline Jacques.

« Améliorer la continuité des soins »
« Il s’agit d’apporter à notre collectivité un outil supplémentaire en vue d’améliorer la continuité des soins, en particulier hospitaliers, écrit la sénatrice dans un communiqué. La procédure que j’ai proposée, identique à celle des sanctions pénales, présenterait, s’agissant de la sécurité sociale, la possibilité pour le Parlement de ratifier les actes de la collectivité, approuvé par l’État, dans le cadre du projet de loi de financement qui est examiné chaque année. » Micheline Jacques estime que le sénat «a bien compris » sa démarche qui consiste à délivrer un « droit de proposition» à la collectivité qui pourrait ainsi contraindre l’Etat à l’entendre, « contrairement aux avis rendus sur les projets et propositions de lois qui sont de pure forme » puisque, dans les faits, «l’Etat n’en tient jamais compte », assure la sénatrice.
Micheline Jacques remarque que sa proposition a permis d’obtenir des réponses à des questions. Comme celles liées aux chiffres relatifs aux cotisations et aux prestations sociales à Saint-Barth, dont elle affirme qu’ils seront «bientôt » mis à disposition.
Parallèlement, à la demande de la première ministre Elisabeth Borne, la sénatrice a pu s’entretenir avec la directrice de cabinet d’Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé. « Nous avons pu faire un état des lieux, explique Micheline Jacques. Il a par ailleurs été convenu de nous revoir dès le mois d’avril pour continuer à travailler sur les améliorations à apporter en vue de favoriser la continuité des soins à Saint-Barthélemy. J’ai aussi insisté sur la nécessité de conférer la personnalité morale à la CPS (Caisse prévoyance santé), notamment pour mettre en œuvre un recouvrement de proximité des cotisations. » Néanmoins, si l’adoption de la PPLO à l’unanimité laisse à penser que la tâche a été aisée pour la représentante de Saint-Barth, il n’en fut rien.

« Comment ne pas avoir le sentiment d’une défiance ? »
Ainsi, son intervention au terme de l’examen du texte devant le Sénat a permis de saisir les réticences de l’Etat auxquelles la sénatrice s’est heurtée. Elle a notamment regretté le manque d’échange en évoquant la transmission des chiffres de la sécurité sociale la semaine dernière. «Cela fait plus de dix ans pourtant que nous nous en prévalons et que le ministère de la santé est parfaitement informé, a-t-elle déclaré. Comment ne pas avoir le sentiment d’une défiance ? Saint-Barthélemy a toujours entretenu une relation harmonieuse avec l’État, cette proposition de loi n’est pas contre l’État. Le rapport au Parlement sur la situation sanitaire et la sécurité sociale à Saint-Barthélemy prévu par la loi 3DS n’a, de même, toujours pas été publié alors qu’aux termes de la loi, il devait paraître fin août, puis annoncé pour décembre. » Ces mises au point faites, le texte a donc été adopté à l’unanimité. Non sans avoir bénéficié d’un fort soutien de la part de plusieurs sénateurs ultramarins.
Victorin Lurel (Guadeloupe), Stéphane Artano (Saint-Pierre-et-Miquelon), ou Catherine Conconne (Martinique) ont su appuyer les arguments avancés par Micheline Jacques. Tout comme les rapporteurs Valérie Boyer et Alain Milon ou encore le sénateur de l’Ardèche, Mathieu Darnaud.

Soutien à la majorité territoriale
Par ailleurs, la sénatrice a rappelé que sa proposition de loi organique s’inscrivait « dans la continuité du principe de maîtrise de sa destinée qui a présidé à l’érection de Saint-Barthélemy en collectivité d’outre-mer ». Elle n’a pas manqué de citer son prédécesseur, Michel Magras, qui avait en 2015 soumis deux propositions de lois - organique et ordinaire - visant à obtenir une plus grande implication de la Collectivité dans la définition de la politique de protection sociale. L’année même de la création de la CPS. Et de souligner : « La nouvelle majorité n’a, du reste, pas fait exception à ce principe, en créant une commission ad hoc « diagnostic territorial de l’offre de soins», sujet incarné depuis avec une implication et une énergie sans faille par la première vice-présidente. » Marie-Hélène Bernier appréciera certainement.
Lors de son intervention, Micheline Jacques a relayé et soutenu la demande formulée par la Collectivité afin de récupérer la propriété des terrains sur lesquels l’hôpital de Bruyn a été construit. « Les nouveaux élus sont prêts à réaliser les investissements afin de rénover le bâtiment, mais estiment que la collectivité ne peut investir tant que le foncier ne lui aura pas été transmis », a-t-elle déclaré.
La PPLO adoptée par le Sénat est une version modifiée par les rapporteurs du texte initial de Micheline Jacques. Il propose notamment que le partage des compétences se fasse sous forme d’expérimentation pendant une durée de cinq ans.

 

Les réserves de Xavier Lédée
Tandis que la sénatrice Micheline Jacques s’apprêtait à défendre son texte devant le Sénat, le président de la Collectivité territoriale de Saint-Barthélemy, Xavier Lédée, a transmis au JSB un communiqué dans lequel il exprime sa position vis-à-vis de la proposition de loi organique de la représentante de l’île au Sénat. Xavier Lédée rappelle que la commission des lois du Sénat a déposé un projet de modification amendé de la loi organique « qui habilite à titre expérimental et pour une durée de cinq ans la collectivité à adopter des actes dans les domaines de l’assurance maladie et du financement des établissements et des services de santé en vue de garantir la continuité des soins et l’adaptation aux particularités et aux besoins spécifiques liés à l’insularité et à l’éloignement ». Il remarque la suppression des articles 2 et 3 du projet initial. «Ces dispositions visaient à codifier la procédure relative à l’adoption des actes pris par le conseil territorial de Saint-Barthélemy dans le domaine de la sécurité sociale et du financement des établissements de santé et prévoyaient la définition d'un objectif annuel de dépenses de financement des surcoûts des établissements médicaux et médico-sociaux et des évacuations sanitaires », écrit le président de la Collectivité, qui précise que la PPLO de Micheline Jacques « intervient parallèlement aux travaux en cours du Comité Interministériel des Outre-Mer (CIOM) initié par le Gouvernement ». Il rappelle également qu’il a « clairement exprimé » aux deux rapporteurs du Sénat, lors d’une audition le 14 février, « ses réserves sur le choix du vecteur juridique et sur les conséquences du projet de loi initial déposé par la sénatrice ». Il affirme ainsi que «la procédure prévue par le projet de loi organique s’inscrit dans le processus administratif complexe de l’article LO 6251-3 qui a démontré son inefficacité totale pour obtenir des sanctions pénales, compétence elle aussi partagée, figurant dans ce même article ». Et d’insister : « Plus de 3 ans pour obtenir un retour pour le code d’urbanisme, 11 ans pour le code de l’environnement, et les sanctions du code des contributions n’ont même pas fait l’objet d’une réponse 15 ans après. Il est sur ce point intéressant de constater que les amendements pris sur le texte qui sera finalement débattu au Sénat vont dans le sens des réserves émises par la collectivité. La question qui se pose désormais est celle de savoir s’il est pertinent de modifier notre Loi organique pour mettre en œuvre une simple expérimentation. » Le président Lédée explique avoir transmis les propositions de la Collectivité au Sénat. En l’occurrence, celle de créer une nouvelle infrastructure (le pôle santé à Saint-Jean), d’assurer la prise en charge des évacuations sanitaires par la sécurité sociale, et d’entériner une réforme de la gouvernance par le biais d’un partage de la compétence santé avec l’Etat.

Journal de Saint-Barth N°1511 du 16/03/2023

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