Saint-Barth -

La gestion de la Collectivité passée au crible

La Chambre territoriale des comptes a étudié minutieusement la gestion de la Collectivité de Saint-Barthélemy, entre 2007 et 2016, afin de s’assurer de sa bonne administration après l’évolution statutaire. Son rapport définitif vient d’être publié, avec dix recommandations.

 

C’est un rapport de 55 pages qui détaille les points forts et les points faibles de la Collectivité de Saint-Barthélemy, depuis son avènement en 2007. Il a été présenté aux élus jeudi 12 juillet, avec les réponses apportées à la Chambre territoriale des comptes (CTC, annexe de la Cour des Comptes) par le président Bruno Magras.

La synthèse dressée par la chambre territoriale des comptes sur la gestion de la Collectivité, depuis l’évolution statutaire, est globalement positive. Le rapport indique que l’institution a su reprendre les nouvelles compétences sans faire exploser sa masse salariale, que le choix de la fiscalité s’est révélé judicieux, et félicite « l’excellente santé financière » de la Com. L’avis de la CTC sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire fera bondir les détracteurs de Bruno Magras : « Saint-Barthélemy a su prendre en considération les espaces naturels de l’île et limiter la densification à la capacité de renouvellement naturel des ressources du territoire, développement qualifié de durable. » Ce dernier a de quoi s’enorgueillir à la lecture du rapport : « Le haut niveau de qualité de vie actuelle trouve son origine dans la capacité de gestion de ses gouvernants, qui ont su transformer les faiblesses de ce micro-territoire en atouts. »

Dix recommandations sont néanmoins formulées au Président, « seul chargé de l’administration », souligne la Chambre territoriale des comptes.

 

1- Plus de transparence dans les budgets

La CTC relève « des manques dans la présentation des annexes budgétaires ». Dans les budgets devraient être détaillés les soutiens en nature et en subventions apportés aux associations, la liste des organismes dans lesquels la Com a engagé de l’argent, l’état des acquisitions et cessions immobilières… Bruno Magras a indiqué que cette recommandation était désormais appliquée.

 

2- Inventaire du patrimoine

Il est demandé à la Collectivité de dresser un inventaire précis et actualisé de son patrimoine, et de l’intégrer à l’application Helios, logiciel de la Direction générale des finances publiques. Bruno Magras a répondu qu’un long travail préparatoire, notamment de formation, était aujourd’hui achevé, et que l’intégration de ces données était actuellement en cours.


3- Règles d’amortissement des investissements

La CTC souligne que la dernière délibération fixant les règles de l’amortissement (répartition du montant d’un investissement sur sa durée d’utilisation) date de l’époque où Saint-Barth était commune de Guadeloupe, en 1995. Le conseil territorial a, depuis, voté une nouvelle délibération sur le sujet, lors de sa séance du 5 mars 2018. « Nous avons souhaité prendre en compte le maximum d’aspects et être par conséquent le plus précis possible, ce qui explique le retard pris », commente Bruno Magras.

 

4- Maintenir ou non la CFAE

« La perception de la CFAE demeure trop imparfaite pour ne pas créer des inégalités de traitement entre les contribuables et présenter un rapport gain/coût de perception faible», note la CTC. « Si la Collectivité n’est pas en mesure de remédier rapidement à ces défauts, la question du maintien de cette taxe devrait être posée. » Les titres se basent sur un fichier d’entreprises transmis par la CCI de Guadeloupe, jugé « peu fiable, comportant des erreurs de noms et d’adresses. »

Le président de la Collectivité rétorque que le fichier incriminé est celui utilisé par la Cem. « Il est parfaitement actualisé des nouvelles créations d’entreprises, mais il y figure des entreprises radiées ou en cours de radiation et pour lesquelles la procédure est longue, ce qui introduit des risques d’imposition indus ». Selon Bruno Magras, les doublons n’en sont pas : «Les difficultés rencontrées par la Trésorerie proviennent du fait qu’il y a un nombre important d’homonymes dans la population imposable. (…) S’y ajoutent d’importantes difficultés d’adressage. » 

La CTC n’y va pas par quatre chemins : il faudra soit mettre en œuvre le recouvrement effectif de la CFAE, soit supprimer cette dernière. Le Président informe que si l’objectif n’est pas encore atteint, un agent a plein temps depuis 2013 est renforcé par un second depuis mars 2017, afin d’accélérer la mise à jour du fichier et le paiement effectif de la taxe. « L’intention des élus n’étant pas de supprimer cette taxe, mais au contraire de renforcer les contrôles pour sa juste perception. »

 

5- Temps de travail des agents

La durée légale de travail d’un agent du service public est de 1.607 heures par an, à temps complet. A Saint-Barthélemy, l’audit mené par la CTC montre que les agents de la Com ne travaillent que 1.540 heures annuelles, cela en raison des sept jours chômés locaux. Le conseil territorial a réformé les cycles de travail des agents de la Com, jeudi dernier, pour répondre à cette remarque de la Cour des comptes.

 

6/ Des contrôles de gestion

Les services « les plus consommateurs de ressources humaines », selon la CTC, devraient faire l’objet d’un contrôle de gestion. Sans quoi « la Collectivité se prive d’un suivi rigoureux des coûts de certaines prestations pour lesquelles le risque de dérapage est important (collecte des déchets, distribution de l’eau, port de commerce) ».

Bruno Magras indique que le service de la commande publique créé en octobre 2015 doit progressivement développer un contrôle de gestion.

 

7- Critères des appels d’offre à préciser

Dans le cadre des appels d’offre émis par la Collectivité, « la phase de sélection des offres n’est pas satisfaisante depuis 2008 », critique la CTC, jugeant que le processus « ne répond pas aux exigences d’égalité de traitement des candidats ». En cause : les critères de sélection, quand ils sont définis, ne font pas l’objet d’un barème de points objectif. « En 2015, dans près de sept marché sur dix, les critères de choix autres que le prix n’étaient pas définis », souligne la CTC.

Réponse de Bruno Magras : « Le contexte local est à prendre en compte pour les petits marchés. Les entreprises susceptibles de répondre à nos offres sont très souvent les mêmes et sont rarement plus de trois ou quatre. En matière de petits travaux, la Collectivité a connaissance de l’expérience de chacune, les méthodes de travail, les délais d’exécution… » Il souligne que le service de la commande publique s’emploie, depuis 2014, à des efforts sur cette question.

 

8- Performance de la commande publique

Dans la même veine, la CTC recommande la création d’un observatoire de la performance de la commande publique. Projet démesuré selon Bruno Magras, qui indique « qu’un effort » sera fait « sur l’étude des gains et des pertes réalisées consécutivement à nos marchés », et que la performance de la commande publique « sera appréciée ponctuellement. »

 

9- Budgets de l’aéroport, du port...

Les budgets des services publics de la Collectivité (notamment le port et l’aéroport) devraient, pour la CTC, être détaillés et présentés séparément, afin d’apprécier le niveau d’équilibre financier de chacun d’entre eux. « La Collectivité reconnaît qu’elle doit améliorer la présentation de ses comptes », commente Bruno Magras. « Depuis l’élaboration du compte administratif 2016, les dépenses et recettes de ces satellites sont annexées à la présentation, de manière exhaustive. »

 

10- Étendre l’assainissement collectif

La station d’épuration de Gustavia compte 139 abonnés raccordés ; elle fonctionne donc à 10% de ses capacités. « Un raccordement de l’ensemble de Gustavia (soit environ 650 abonnés) permettrait d’optimiser l’utilisation de la station », estime la CTC, qui encourage la Collectivité à prendre des mesures incitatives pour que la population se raccorde. Bruno Magras rappelle que la construction du réseau a pris davantage de temps que prévu, et que l’assainissement collectif « représente une évolution quasi culturelle. » Il espère que le changement de délégataire (la Saur a succédé à la Générale des Eaux en avril 2017) accélérera les choses. « Dans le cas contraire, une piste serait notamment de doubler le montant de la taxe due par les abonnés non-raccordés. »

 

> Le rapport sera bientôt disponible en intégralité sur le site de la Cour des comptes : www.ccomptes.fr.


JSB 1288