Saint-Barth -

La croisade des « sans couverts » au conseil territorial

Il ne devait s’agir que d’un simple « toilettage » de la réglementation, comme l’avait annoncé le président de la Collectivité territoriale, Xavier Lédée (JSB 1535). Pourtant, la délibération portant sur la nouvelle réglementation de l’occupation privative des plages et sur les autorisations d’occupation temporaire (AOT) du domaine public ont donné lieu à des débats, si ce n’est incongrus, à tout le moins surréalistes, entre les élus. Particulièrement à l’approche du lancement de la saison touristique. En effet, pendant plusieurs dizaines de minutes, les discussions ont porté sur l’obligation pour trois hôtels de bord de plage (L’Eden Rock, le Barthélémy et le Cheval Blanc) de ranger leur matériel tous les soirs (au plus tard à 19 heures) mais également de l’interdiction d’offrir à leur clientèle installée sur les transats une restauration sans couverts.

Redevance en hausse
Dans un premier temps, Xavier Lédée explique qu’il « est nécessaire de trouver un équilibre entre ceux qui aimeraient faire plus et ceux qui voudraient faire moins » en termes de réglementation. « Le sujet est complexe et sensible, c’est pourquoi il doit être revu de manière plus régulière », insiste le président. De fait, depuis son instauration en 2017, le texte n’a pas été révisé. Conseillère territoriale chargée des affaires touristiques, Mélissa Lake présente le projet de délibération. Elle indique : « Dans le cas présent, il concerne les plages de Flamands, Grands Galets, Saint-Jean et Grand-Cul-de-Sac. A ce jour nous avons délivré sept AOT dont la redevance totale est à peu près de 225.000 euros à l’année. » Deux types d’AOT sont distinguées : l’une pour les restaurants et l’autre pour les hôtels-restaurants. Sur la redevance, Mélissa Lake annonce « une augmentation de 50% pour les hôteliers et de 300% pour les restaurateurs ». Un plan d’implantation effectué par un géomètre et un plan de stationnement sera désormais demandé aux établissements qui souhaitent bénéficier d’une AOT.


« Une clientèle pour l’apéro »
Présent dans la salle, le directeur de l’Eden Rock, Fabrice Moizan, est autorisé à s’exprimer. Micro en main, il évoque deux préconisations et interroge les élus : « Avec l’obligation de ranger notre matériel le soir et d’interdire la restauration sur la plage, quels sont vos objectifs ? Nous sommes une destination de niche et nous deviendrons la seule qui devra promouvoir l’absence de restauration sur la plage. » Mélissa Lake lui répond : « Pas mal de nos administrés se promènent tôt sur la plage et, pour eux, les transats sont des obstacles. C’est une volonté d’avoir une plage vide pour que les habitants retrouvent leur espace de plage. » Sur la question de l’unique service de « finger food », soit de plats servis sans couverts, l’élue assure que le sujet a été « longuement débattu en commission » et que la majorité y voit un moyen de « ne pas augmenter la capacité du restaurant et le stationnement ». Xavier Lédée complète : « Avec ce type de nourriture, on est beaucoup plus sur une clientèle qui va venir prendre l’apéro, aller manger et profiter du transat après. Donc ne pas augmenter la capacité d’accueil des établissements et accroître le manque de place de parking. » Fabrice Moizan semble balancer entre stupéfaction et effarement.

« Une offre spécifique »
Le directeur de l’Eden Rock rappelle que les hôtels concernés disposent d’une autorisation de la commission de sécurité qui autorise un certain nombre de place. Quant aux transats, il précise qu’ils sont uniquement occupés par les clients de l’hôtel. « Nous n’avons pas l’autorisation d’avoir plus de deux transats par chambre, donc nous n’autorisons, pour certains, que quelques day-pass en saison basse, explique-t-il. Ces transats n’engendrent donc aucune place de stationnement supplémentaire. Un client qui vient à l’Eden Rock, au Barthélemy ou au Cheval Blanc, il bénéficie d’une offre très spécifique. Quand il arrive, ses transats lui sont affectés et nous ne les relouons pas. S’il décide de ne venir que dix minutes dans la journée, il n’est occupé que dix minutes. » A ses côtés, tout aussi effarée par ce débat, Christelle Hilpron du Cheval Blanc affirme : « A part le fait de nous pénaliser, je ne comprends pas. Quand on parle de Flamands, où je vis depuis 22 ans, je n’ai jamais été dérangée par les transats. En plus, à partir de mai la plage se réduit. En juillet et août, on finit avec zéro transat sur la plage. Mais on paye toute l’année. » Plusieurs élus prennent la parole.
Marie-Angèle Aubin, 3e vice-présidente, assure qu’elle « ne comprend pas comment on peut manger un filet de bœuf assis sur un transat ». Dimitri Lédée estime que Saint-Barth « est de moins en moins sur un tourisme de niche mais plus sur une tourisme balnéaire » et ajoute « qu’il est grand temps de faire machine arrière ». Romaric Magras, conseiller d’opposition, assure qu’il se range à l’avis des professionnels et rappelle que « le tourisme est la source de revenus principale de l’île et de la Collectivité » avant d’ajouter : « Si vous voulez faire un retour en arrière, vous assumerez la diminution de la fréquentation et la baisse de la taxe sur les nuités. » Pour Maxime Desouches, il s’agit d’un « dossier éminemment politique ». Et pour le moins économique.
Pas moins de quatorze amendements déposés sont ensuite débattus. Au final, la proposition de retrait des transats tous les soirs est rejetée. Tout comme celle d’interdire la restauration avec couverts sur ces mêmes transats. Au grand dam du président qui a voté pour l’adoption de ces mesures. Quant aux demandes d’AOT, sur un amendement de l’élue d’opposition Alexandra Questel, aucune ne sera attribuée à un nouvel établissement dans l’immédiat.
A l’issue d’une séance quelque peu agitée, la croisade des « sans couverts » n’aura finalement pas abouti à une conversion de la majorité des élus. En revanche, elle pose les bases d’une saison touristique au cours de laquelle les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration peuvent s’attendre à être placés sous la haute surveillance de la Collectivité. Par ailleurs, il est à noter que jamais le Shellona n’a été mentionné au cours des débats. Alors même qu’il est l’établissement visé sur la plage de Grands Galets. Ses transats sont peut-être moins gênants pour les promeneurs que ceux du Cheval Blanc...

 

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Révision à la baisse de la taxe d’ordures ménagères pour les professionnels
Mise en place au 1er janvier puis suspendue jusqu’au 1er juin, la nouvelle tarification pour les apports en déchetterie pour les professionnels avait été fixée à 232 euros la tonne. « Après 8 mois de comptabilisation des volumes des déchets apportés, il s’avère que le volume des ordures ménagères et du verre apportés par les professionnels représente une part beaucoup plus importante que celle initialement estimée », a constaté la Collectivité. Par conséquent, le tarif a été revu à la baisse et les élus ont adopté un montant unique de 105 euros la tonne. Pour compenser l’absence de perception entre janvier et juin, la Collectivité a décidé mettre la main à la poche à hauteur de 114.311 euros. Tableau des emplois, protocole du temps de travail des services territoriaux, délégation de service public à la Sidem pour la production d’eau… Douze autres délibérations ont été soumises au vote des élus. Nous y reviendrons dans le détail dans notre prochaine édition.

Eric Lédée tire sa révérence

 

Après 33 années de bons et loyaux services au sein de la mairie puis de la collectivité, Eric Lédée prend sa retraite. C’est le 24 septembre 1990 qu’il a débuté, sous la mandature de Daniel Blanchard, à la cantine scolaire de Gustavia. « Ensuite je suis passé à l’ancienne mairie puis à la collectivité, explique-t-il dans un sourire. J’ai beaucoup de très bons souvenirs, dans différentes tâches. J’ai servi des élus, des ministres. » Sa retraite, il va l’animer en s’occupant de sa maison et en voyageant. « J’adore les croisières, assure-t-il. Mon rêve serait d’en faire une autour du monde en 2025. » C’est tout le bien que l’on peut souhaiter au jeune – 55 ans – retraité.

Journal de Saint-Barth N°1536 du 12/10/2023

Le Jour de la nuit
Octobre rose
Les taxis en colère