Donner davantage de pouvoir localement, c’est l’objectif de la loi 4D. Questionnés par le ministre Lecornu sur leur vision des choses, les élus d’outre-mer ont chacun exprimé leurs doléances. Celles de Bruno Magras portent sur la santé et le droit au séjour des étrangers.
Le ministre des Outre-Mer a questionné le 12 novembre les élus d’outre-mer sur leurs propositions quant à la fameuse loi 4D (décentralisation, déconcentration, différenciation, décomplexification), qui vise, en gros, à élargir les compétences locales.
Pour Bruno Magras, qui rappelle qu’il attend la révision constitutionnelle qui, espère-t-il, ancrera les particularités statutaires de Saint-Barthélemy, le premier point de la liste des doléances concerne la santé. « En l’état, la CPS n’a pas la personnalité juridique. Elle n’est qu’une forme de guichet unique local de la MSA Poitou qui gère l’ensemble des risques sur Saint-Barthélemy, y compris le RSI. La qualité du service rendu par la MSA Poitou n’est pas en cause. Toutefois nous ne parvenons pas à comprendre les raisons qui s’opposeraient à ce que la CPS se voie attribuer une personnalité juridique pleine et entière, quitte à ce que la MSA Poitou continue à traiter le « back office » sous couvert d’une convention de prestation de service. » Et de rappeler qu’en dehors de Saint-Barth et Saint-Martin, chaque territoire d’outre-mer dispose de son propre organisme de sécurité sociale, comme la CGSS en Guadeloupe. « Il conviendrait de modifier l’article L.752-1 du code de la sécurité sociale pour satisfaire à l’objectif de différenciation. »
Requête numéro 2, la révision du système administratif de santé, et notamment des rapports avec l’ARS Guadeloupe. « Nous sommes conscients que notre territoire ne peut fournir tous les services médicaux nécessaires. Toutefois notre éloignement et nos besoins propres mériteraient que Saint-Barthélemy soit mieux associée aux prises de décision par l’ARS Guadeloupe. La création de l’Ehpad, l’équipement du centre de radiologie, le logement de personnels médicaux ou plus récemment la crise sanitaire du Covid-19 ont démontré que nous pouvions apporter une vraie plus-value dans l’efficacité de l’action. Cette situation de fait ne se traduit pas ou peu malheureusement dans l’organisation institutionnelle de la santé ». Bruno Magras avait, le 24 août, regretté que « la gouvernance actuelle ne nous laisse qu’un strapontin autour de la table».
Entrée et séjour
des étrangers
Troisième domaine que le Président veut voir entrer dans le giron de la Collectivité, le droit au séjour des étrangers. « Les dispositions relatives à Saint-Barthélemy ne sont clairement pas satisfaisantes et tendent à cantonner au strict minimum l’étendue des compétences reconnues par la loi organique à la Collectivité en matière d’accès au travail des étrangers. » Aujourd’hui, les titres de séjour sont délivrés par la préfecture, et pour travailler sur l’île, les étrangers hors UE doivent obtenir une autorisation du conseil exécutif, demandée par l’employeur pour chaque contrat de travail. Mais ce système en place depuis deux ans n’est pas officiellement reconnu puisque sur le titre de séjour délivré par les services de l’Etat, il est toujours inscrit que ce document autorise à travailler, ce qui crée une confusion.
Bruno Magras veut disposer à Saint-Barthélemy du même dispositif que la Polynésie Française. « Les points clefs sont les suivants : seuls les titres de séjour délivrés à Saint-Barthélemy donneraient droit au séjour à Saint-Barthélemy. La Collectivité serait consultée avant toute délivrance d’un titre de séjour. La compétence de la Collectivité pour autoriser tout étranger à travailler doit être nettement reconnue, y compris pour les titulaires d’un titre de séjour “vie privée et familiale”, ou tout autre titre de séjour donnant droit à travailler automatiquement en application du CESEDA. Enfin, la compétence de la Collectivité pour autoriser l’exercice d’une activité professionnelle non-salariée doit également être reconnue par le dit code. » Comme sur d’autres thèmes, depuis l’évolution statutaire, les compétences des uns et des autres se superposant, elles n’ont pas été clairement disposées sur le papier ou induisent des imbroglios. Pour éviter les dissonances entre le droit au séjour de la préfecture, et le droit à l’accès au marché du travail de la Collectivité, Bruno Magras souhaite que l’ensemble soit géré par la Com. « Les règles de l’entrée et du séjour actuellement en vigueur sont porteuses d’un vrai risque de déstabilisation de notre île, petit territoire où les équilibres migratoires peuvent vite basculer. »