Saint-Barth -

Bruno Magras : « Je ne suis pas hostile à l’idée de fixer un prix plafond au mètre carré habitable »

Concernant le logement, si la loi nationale s’applique à Saint-Barthélemy comme partout en France, la Collectivité dispose des compétences nécessaires pour réglementer. Un volet « logement » devrait être prochainement intégré au Code de l’urbanisme, et le président Bruno Magras se dit ouvert à la mise en place d’une réglementation pour limiter les abus.

 

Considérez-vous que Saint-Barthélemy, où le marché du logement est déjà tendu en général, traverse une crise du logement depuis le cyclone ?

La crise du logement existait avant le passage du cyclone, mais disons que le phénomène l’a aggravée. Beaucoup de constructions ayant été endommagées et rendues inhabitables, certains propriétaires ont en profité pour récupérer leurs appartements pour le réhabiliter et sans doute le relouer un peu plus cher. C’est la grande mode, toutes les occasions sont bonnes….

Condamnez-vous les abus de quelques propriétaires qui ne respectent pas la législation (pressions, hausses de prix subites, refus de loger des couples avec enfants…) ?

Bien évidemment que je condamne ce genre de pratiques en particulier dans le secteur du logement. Si je crois ce qui m’est rapporté, certains propriétaires en sont arrivés à louer une chambre 1.200 € ou des « trous à rats » de quelques mètres carrés pour 2.000 € par mois. Ce sont les abus de ce genre qui conduisent le législateur à voter des règles de plus en plus draconiennes. Ceci étant, les locataires ont aussi leur part de responsabilités. La première consiste à exiger du propriétaire, la signature d’un bail en bonne et due forme, à la suite de quoi, ils doivent d’une part, respecter leurs obligations et de l’autre, faire respecter leurs droits. En cas de défaillance d’un côté ou de l’autre les tribunaux de la République sont là pour solder les litiges. Malheureusement, la demande de logements étant nettement supérieure à l’offre, certains sont prêts à accepter tout et n’importe quoi et quelques propriétaires peu scrupuleux abusent allègrement de cette situation.

Quel est le parc immobilier locatif de la Collectivité de Saint-Barthélemy ? Les logements, et notamment le futur bâtiment de Flamands, sont-ils exclusivement réservés aux agents publics ?

La Collectivité ne dispose pas d’un parc immobilier locatif à proprement parler. Elle possède une vingtaine de logements, mais ce nombre est insuffisant. Nous avons l’ambition d’en réaliser d’autres afin de répondre en priorité aux besoins d’hébergement des agents de la Collectivité et des services publics en général, écoles, Ehpad, hôpital, etc.

Est-il imaginable de freiner la construction de villas de luxe dédiées à la location pour favoriser des logements en résidence principale ?

Non, nous sommes en démocratie. La force du droit s’impose à tous. L'utilisation d'un logement dépend d'abord des choix de son propriétaire. Comment interdire qu'un logement déclaré initialement comme résidence principale devienne une résidence secondaire et soit louée plusieurs mois par an? Faut-il créer des zones réservées exclusivement aux villas de luxe et des quartiers pour les habitants? Je ne le crois pas. La spécificité de Saint-Barthélemy par rapport aux autres destinations est justement de ne pas avoir de ghettos pour touristes. Il faut absolument préserver cette mixité. A partir du moment, où un projet répond aux règles en vigueur en matière d’urbanisme, d’accessibilité, de sécurité, le conseil exécutif délivre le permis de construire. Un refus constituerait un abus de pouvoir qui serait vite sanctionné par les tribunaux. De nombreux permis pour la construction de logements locatifs ont été délivrés ces dernières années et plusieurs demandes sont actuellement en cours d’instruction. Pour autant, on ne pourra pas bétonner l’île, pour répondre aux besoins de logements de tous ceux qui veulent venir s’installer.

Depuis l’évolution statutaire, la compétence logement appartient à la Collectivité. A-t-elle pris des dispositions en la matière ? Quelle est sa marge de manœuvre pour agir sur le marché locatif et immobilier ?

Vous avez raison, depuis le 1er janvier 2008, la Collectivité dispose de nombreuses compétences, dont celle du logement. Cependant, nous n’avons pas encore mis en place notre droit local en la matière. Il y avait plus urgent à faire, mais ça ne saurait tarder. Une étude est actuellement en cours dans le but d’intégrer au Code de l’urbanisme, une partie « habitation et logement » et une partie «construction ». En attendant, c’est le droit national qui s’applique.

Est- il possible d’imaginer un encadrement ou plafonnement des loyers façon loi Duflot ou Pinel, qui ont calmé l’emballement des prix dans les zones tendues en métropole ?

Je suis un fervent partisan de la liberté d’entreprendre et de la liberté du commerce. Ce qui ne veut pas dire laisser faire n’importe quoi. Tout en permettant aux propriétaires d’obtenir un juste retour sur leurs investissements, je ne suis pas hostile à l’idée de fixer un prix plafond au mètre carré habitable. La loi le permet, il va falloir s’y pencher. Cela permettrait en effet, de lutter efficacement contre les abus.      

Lors de votre allocution du 24 août 2016, vous évoquiez le problème des loyers et de l’accession à la propriété : «Les élus ont commencé à constituer une réserve foncière, afin de redistribuer à des tarifs abordables des terrains bâtis ou non. Les modalités exactes de cette aide à l’accession à la propriété seront à définir par la prochaine équipe. » Qu’en est-il ?

Il s’agit là d’un sujet particulièrement compliqué. La réserve foncière de la Collectivité tourne actuellement autour de 30 hectares. Cependant une très forte partie de cette réserve est constituée de zones non constructibles, qui de surcroît, doivent être protégées. Sur les parcelles constructibles achetées au prix du marché, comme indiqué précédemment, la Collectivité envisage d’y construire des logements pour héberger en priorité, les personnels dont elle a besoin et qui ne sont pas disponibles localement, ainsi que les personnels de l’Education Nationale et de la fonction publique hospitalière, eux aussi, indispensables au bon fonctionnement de ces établissements.

S’agissant de l’accession des jeunes, à la propriété, j’ai un peu revu ma copie. En effet, compte tenu du prix du mètre carré bâti - terrain inclus - sur le marché local, les jeunes auront de plus en plus de difficultés pour accéder à la propriété. C’est une évidence. Par conséquent, je pense qu’à terme, la Collectivité devra prévoir la réalisation de lotissements avec constructions de bungalows de type traditionnel, qui dans un premier temps, sur la base de critères qui restent à définir, pourraient être loués sur contrat de longue durée, à un prix abordable avec conditions d’achat en fin de bail. C’est me semble-t-il la formule la plus simple pour permettre à ceux qui le veulent d’accéder à la propriété. C’est un beau projet que je n’aurai malheureusement pas le temps de mener à terme compte tenu des priorités actuelles.


JSB 1273