Saint-Barth -

18 ans de la Collectivité territoriale : Bruno Magras : « C’est ma plus grande réussite »

A travers la vitre de son bureau, Bruno Magras dispose d’une vue imprenable sur la piste d’atterrissage de l’aéroport de Saint-Barthélemy. Mais en ce mardi 15 juillet, son attention est accaparée par l’allocution du premier ministre François Bayrou qui, en direct à la télévision, dévoile son plan pour le budget 2026 de la France. Si le président honoraire de la Collectivité territoriale écoute avec attention le propos du chef du gouvernement, il baisse immédiatement le son lorsqu’est évoquée la transformation de commune en collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy. Car le 15 juillet est la date anniversaire de cette bascule historique. « C’est ma plus grande réussite, affirme l’ancien édile. C’est pour ça que j’ai voulu être élu et que je suis retourné en politique en 1995 : pour faire évoluer le statut institutionnel de l’île. » Un changement qui n’est pas intervenu du jour au lendemain et qui n’a été possible qu’à force d’insistance, de pugnacité et de travail.

« Ça aurait pu rater ! »
Pour mémoire, de 1962 à 2007, Saint-Barthélemy comme Saint-Martin étaient des communes constituant le 3e arrondissement de la Guadeloupe. Si l’idée d’une évolution statutaire remonte aux années 1970, ce n’est qu’en 1996, sous l’impulsion de Bruno Magras, que le dossier est ressorti d’un tiroir pour être développé. « Il a fallu onze ans pour que ça aboutisse mais je croyais que ça irait plus vite, se souvient celui qui fut maire puis président. Et ça aurait pu rater ! La loi d’orientation pour les Outre-mer de Jospin, elle est partie du bordel que l’on a mis ici. C’est pour ça que je dis que ce que l’on a obtenu à Saint-Barthélemy est exceptionnel. C’est le plus grand succès politique de l’île. » Une avancée majeure dont la majorité de la population n’a, estime Bruno Magras, pas véritablement pris la mesure.
« C’est encore le cas aujourd’hui, assure le président honoraire. Je ne sais pas si beaucoup de gens ont bien mesuré l’importance de l’étape du passage de commune de Guadeloupe au statut de Collectivité d’outre-mer autonome, l’importance des transferts de compétences qui ont donné un souffle énorme dans la mise en place de notre système, qu’il s’agisse de finances ou du pouvoir de décision, de gestion des infrastructures, de la fiscalité, etc. Cette étape a été totalement sous-évaluée par les habitants de Saint-Barthélemy. Tous les ans, le 15 juillet devrait être un jour de célébration beaucoup plus significatif que ce qu’il est aujourd’hui. Les habitants ont pris ça comme une lettre à la poste. J’ai été assez déçu, dans les premières années, de voir le peu de considération pour cette étape qui avait été franchie après une longue lutte. »

« Un travail de l’ombre »
Sur le chemin de cette réussite, Bruno Magras n’oublie aucun de ses compagnons de route, à Saint-Barth comme à Paris. « On a eu beaucoup de chance d’avoir Jacques Chirac comme président de la République à ce moment-là, car il a permis la modification de la Constitution, adoptée le 28 mars 2003, d’avoir eu des gens qui ont adhéré à notre idée et soutenu le dossier, rappelle l’ancien édile. Je pense à Brigitte Girardin (ancienne ministre des Outre-mer), Pierre Mazeaud (ancien président du Conseil constitutionnel), Philippe Seguin, aux techniciens qui m’ont beaucoup aidé mais aussi aux élus qui nous ont appuyés (Il cite aussi François Baroin, Dominique Vian, Christian Estrosi, Michel Magras, Dominique Larifla, Victorin Lurel et d’autres…). Tout le travail a été fait dans l’ombre et les habitants de Saint-Barthélemy ont simplement adhéré à l’idée que nous développions. C’est pour cela que nous avons eu un tel résultat lors du référendum de décembre 2003. » Le 7 décembre 2003, 78,71% des électeurs de l’île se déplacent pour voter et disent « oui » à 95, 51% pour le détachement de la Guadeloupe et une transformation en Collectivité d’outre-mer (JSB 542). « Mais si nous n’avions pas eu un soutien des sphères décisionnelles, comme le Sénat, nous n’aurions pas arraché cette victoire », assure Bruno Magras.
Aujourd’hui, après dix-huit années, le président honoraire estime qu’il faut appliquer pleinement la loi organique. « Il ne faut pas s’aventurer dans des champs de compétences que nous ne sommes pas capables d’assumer, explique-t-il. Mais il faut se battre pour que ces compétences dont nous ne disposons pas soient adaptées aux réalités d’un territoire aussi petit que Saint-Barthélemy. Il faut des protections dans certains domaines pour ne pas aller vers une instabilité. » Un travail qui est de la responsabilité des élus qui sont désormais aux affaires. Pas une mince affaire au sein d’une gouvernance qui incarne depuis trois ans, à la perfection, toute l’agitation de la turbulente traversée de l’adolescence. « On n'est pas sérieux quand on a 17 ans », écrivait Arthur Rimbaud. Mais à 18 ans révolus, qu’en sera-t-il ? Les prochains conseils territoriaux apporteront un début de réponse.
 


Xavier Lédée : « Une date fondatrice »
Par le biais d’une publication en ligne, le président de la Collectivité a évoqué le 18e anniversaire du passage de commune en Collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy. « Le 15 juillet 2007 marque une date fondatrice dans l’histoire de notre île, a écrit Xavier Lédée. Ce statut, fruit d’un long combat politique et institutionnel, a été porté avec force, intelligence et détermination par M. Bruno Magras. À la tête de la Commune à l'époque, il a su incarner la volonté de tout un peuple d’assumer son autonomie, dans la clarté et dans l’action. Mais il ne l’a pas fait seul. Notamment, à ses côtés, Michel Magras, son frère, a joué un rôle tout aussi déterminant (…) Ce choix n’a jamais été un repli sur nous-mêmes. Il s’agissait au contraire d’un acte de maturité : prendre nos responsabilités, gérer nos affaires localement, tout en restant pleinement dans la République (…) Nous devons beaucoup à ceux qui ont mené ce combat. Leur vision, leur courage, leur engagement sont une source d’inspiration pour toutes celles et ceux qui, aujourd’hui encore, ont à cœur de servir Saint-Barthélemy avec loyauté, compétence et détermination. En fêtant ses 18 ans, nous célébrons une stabilité institutionnelle et un projet collectif qui continue de faire ses preuves. »

Alexandra Questel : « Emancipation institutionnelle et responsabilité locale »
Quatrième vice-présidente de la Collectivité et cheffe de file du groupe Saint-Barth d’Abord, Alexandra Questel a écrit : « Le 15 juillet marque une étape essentielle de notre histoire : celle de l’émancipation institutionnelle et de la responsabilité locale. Depuis 2007, Saint-Barthélemy avance avec fierté en tant que Collectivité d’Outre-mer, forte de ses compétences, de son identité et de son attachement aux valeurs républicaines. Ce statut, nous le devons à une volonté collective : celle de mieux répondre aux réalités de notre territoire, d'agir avec réactivité et de préserver ce qui fait notre singularité. C’est un outil au service de notre liberté d’action et de notre ambition partagée pour Saint-Barth. »

 

 

Journal de Saint-Barth N°1624 du 17/07/2025

Sargasses
14 juillet
La collectivitté a 18 ans