Saint-Barth -

Tian Uddenberg : « Quelques lignes au sujet de la destruction des tombes de ma famille a Lorient »

Nouveau rebondissement dans le feuilleton du regroupement des tombes suédoises à Public. Nous avons été contactés par Tian Uddenberg, dont les ancêtres reposaient justement là où se trouve Johnny Hallyday. Il donne son sentiment dans une lettre.

 

Installé à Vancouver, âgé de 61 ans, Tian Uddenberg décline son arbre généalogique. Né à Trinidad, ses racines familiales sont ancrées à Saint-Kitts et Saint-Barth. Il descend directement de la famille Portelly et de Johan August Uddenberg, qui était enterré avec sa femme et sa fille là où se trouve désormais Johnny Hallyday. La sépulture des Uddenberg avait selon lui été très endommagée par l’ouragan Donna en 1960. « Je compte parmi mes ascendants plusieurs familles de Saint-Barthélemy : Lagois, Dinzey, Questel, Lédée, Laplace, Mathieu, Delisle – trois générations de mariage aux Antilles font pas mal d’histoires ! » explique-t-il. Lui-même a effectué de nombreuses recherches sur sa généalogie et l’histoire de sa famille. Il est venu sur l’île en janvier 1995, et à ce propos, voudrait « bien remercier les familles Berry, Magras, Lédée et Stackelborough. Pour leur aide à mes ancêtres, à la famille qui venait de Suède dans les années 1970, aux membres locaux de la Société Suède/St. Barthelemy dans les années 1980, et à moi en 1995 quand j’ai eu l’opportunité de visiter ces tombes et tous les cimetières et églises de Saint-Barthélemy. »

 

En septembre, Tian Uddenberg a découvert la destinée des tombes de ses aïeux et le projet plus global de déplacement des tombes suédoises. Il précise qu’il souhaite par la publication de cette lettre donner son sentiment une fois pour toutes, et ne veut absolument pas entrer dans une quelconque querelle de clocher au long cours.

 

 La lettre de Tian Uddenberg :

 

« Quelques lignes au sujet de la destruction des tombes de ma famille a Lorient »

“Cinq de mes ancêtres antillais ont été expulsés de leurs tombes à Lorient pour laisser la place à une célébrité (et éventuellement à sa veuve et ses deux enfants adoptifs). Est-ce si facile de se faire enterrer au soleil ?

Mes ancêtres comptent cinq personnes qui vivaient à Saint-Barth, qui étaient des membres actifs de la communauté et qui sont décédées à Saint-Barth.

Cinq personnes qui ont été expulsées de leurs tombes, leurs restes mortels déplacés sur l’ordre du président de la Collectivité pour qu’un rockeur décédé en France puisse avoir une tombe temporaire (avec des options futures). Maintenant, mes ancêtres sont dispersés et encore un autre lopin à Saint-Barth fera peut-être l’objet de poursuites judiciaires pendant des décennies.

Si les règles françaises sont en vigueur sur l’île, et si les occupants des concessions expirées doivent en être expulsés ; veuillez appliquer les règlements uniformément et correctement.

Toutes les tombes de l’île datées d’avant la rétrocession de 1878 devraient être déclarées « Suédoises », tout reste exhumé et transféré immédiatement aux ossuaires.

Tout ce que je vois d’ici n’est que formalité administrative, et ce que j’entends n’est que du vent.

Qu’avez-vous fait des restes de mes ancêtres ?

Où sont les catalogues des reliquaires que je pourrais acheter pour les abriter ?

Où sont les ossuaires où je pourrais leur rendre visite ?

Qui doit payer une nouvelle installation mémorielle ?

Pourquoi commencer cette course précipitée à “ faire place nette” ?

Et surtout pourquoi déplacer mes ancêtres et non les vôtres, M. le Président ?

Ma famille Uddenberg/Portelly ne vit plus à Saint-Barthélemy depuis la mort d’Hilma Uddenberg en 1890. Contrairement à une polémique insultante récente, aucun membre de la famille n’a été oublié et leurs restes n’ont jamais été abandonnés.

Dans les années 1800 les familles Portelly/Uddenberg possédaient beaucoup de terres à Gustavia et ils ont donné beaucoup à l’Église catholique de l’île — c’est pourquoi elles ont été enterrées à Lorient. Les terres sont maintenant entre les mains d’autres de Saint-Barthélemy, les terrains publics continuent de servir la communauté.

Je ne peux que parler pour moi-même. La famille est bien dispersée un peu partout et la communication peut être difficile. La langue française est presque perdue à notre génération et ceux qui ont habité les îles plus proches sont maintenant trop âgés pour faire plus que de prier pour vous tous. Que faire donc ?

Aux habitants de l’île :

Qui souhaite que les tombes ancestrales soient déplacées, qu’elles restent ignorées ?

Maintenant nos ancêtres sont des exilés au service de la politique. Plutôt la guitare électrique d’un rockeur que la mémoire des calvaires passés. Plutôt des pèlerins en vacances éternelles que conserver les mémoires collectives. Bienvenue à Hallyday’s Holiday !

Les cimetières sont des échiquiers et les tombes les pièces politiques. Mais ce n’est pas la peine de se plaindre d’un fait accompli ; les tombes exilées, la guitare placée : les pièces sont en jeu. Attention ! Vos tombes familiales sont à côté des miennes.

C’est une histoire fourchue cette vue lointaine, des tours de passe-passe de terrain, d’hypothèques, de coquillages.

À quoi et à qui cela sert-il ?

Suivez les traces de l’argent - aux Antilles c’est comme cela, n’est-ce pas ?

Nous utilisons la loi des colonisateurs quand cela convient - faire un chapeau à Corossol pour l’empereur.

Je suis né à Trinidad. Là, nous “ battons la bobolee” (effigie de Judas) le Vendredi saint - qui sert de bouc émissaire. Aujourd’hui nous faisons de nouvelles effigies – les métros, les Suédois, nos ancêtres.

C’est le même jeu enfantin.

Nous utilisons les Suédois, utilisons leurs cartes, utilisons leur cadastre, et les exilons “en Panthéon” - c’est tout un jeu de passe-passe.

Utilisons maintenant les lois communales quand il convient - de bien bétonner les routes, de s’accommoder des superyachts, de bannir les impôts, d’abandonner les archives, de nous purifier du passé, de dessaler l’océan enfin. Vraiment nous faisons ce que nous voulons : construisons un mémorial à L’Oubli.

Parce que vraiment il est trop difficile de conserver quelques marbres âgés.

Trop de peine, la conservation des sabots de pneus et les quichenottes

Est-ce vraiment trop fatiguant que de faire mémoire aux longues marches à pied ou à genoux de Public et de Corossol à Lorient le dimanche ?

Les marbres, les mémoriaux floraux tous proclament ces marches - ces Assomptions d’espoir, ces pèlerinages de Corossol à Lorient pour la messe et pour les obsèques.

Combien valent les tombes, ces mémoires de triomphe sur la pauvreté, la maladie et la souffrance toutes transformées par la mémoire en symboles de fierté. Les tombes valent bien la peine d’être conservées.

Mais le choix vous revient.”

Tian P. Uddenberg


Journal de Saint-Barth N°1345 du 10/10/2019

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