A Saint-Barthélemy, dès lors que les sujets de l’éducation et de la santé sont abordés, un troisième s’invite inévitablement dans la conversation : celui du logement. Parce que leur loyer est trop cher pour un salaire du service public (et pas uniquement), parce que leur surface est inadaptée, souvent, ou encore parce qu’il s’avère compliqué d’en trouver un de disponible. Et quand il l’est, il se révèle soit trop onéreux, soit inadapté à la recherche. Quoi qu’il en soit, si le problème et ses conséquences sont régulièrement évoqués, les solutions peinent à émerger. Et les premières personnes à en être les victimes sont celles qui, pour une raison ou une autre, «perdent » leur logement. C’est notamment le cas de l’un des cinq médecins urgentistes du centre hospitalier Irénée de Bruyn, Jérôme Souied.
« De la peine de partir dans ces conditions »
Depuis dix-neuf ans, il soigne des patients au sein de l’établissement de santé de l’île. D’abord en venant de Guadeloupe, en qualité de remplaçant, entre 2006 et 2010, avant de s’installer à Saint-Barthélemy où il fonde une famille. Celle-ci vit dans le même logement depuis plus de treize ans quand, au début du mois d’août dernier, le propriétaire lui signifie qu’il entend reprendre possession de son bien. « Pour ses raisons », indique sobrement le praticien qui s’interroge sur la soudaineté et la temporalité de l’annonce. « Je vis très mal cette façon de faire, admet-il. Cela ne nous laisse quasiment pas de possibilité de nous retourner. » Car la reprise du logement interviendra à la fin du mois d’octobre.
Il va sans dire que le médecin n’est pas resté les bras croisés en espérant qu’un logement lui soit attribué. « On a essayé de trouver par nos connaissances, par les réseaux sociaux, même par l’hôpital mais ce n’est pas une agence immobilière, explique-t-il. La Collectivité a des logements mais ils sont déjà attribués. » Et un T3 de 45 mètres carrés pour une famille de quatre personnes, c’est pour le moins exigu. Comme souvent en de pareil cas, les semaines passent et aucune solution n’émerge. A regret, le médecin urgentiste et sa famille envisagent donc sérieusement le départ. «J’aurais vraiment de la peine de partir dans ces conditions, pour mon foyer et par respect pour toutes les familles que j’ai accompagnées jusqu’à aujourd’hui », souffle Jérôme Souied.
Une île sous-dotée en médecin
Un logement décent accompagné d’un loyer qui ne soit pas « fou », le praticien ne demande pas plus. Dans un contexte médical de plus en plus préoccupant, un nouveau départ de médecin n’augurerait rien de bon pour la santé à Saint-Barthélemy. En effet, l’île ne compte plus que quatre médecins généralistes. Contre huit il y a encore dix-huit mois. Même si un cinquième est en passe de s’installer, Saint-Barth fait désormais partie de la liste des territoires sous-dotés. Quant à l’équipe d’urgentistes hospitaliers, elle demeure limitée pour assurer le bon fonctionnement de l’établissement. Par conséquent, un départ supplémentaire aura, à très court terme, des conséquences notables.
Voyant la fenêtre logement se refermer progressivement, le docteur Souied s’est évidemment résolu à prospecter. Pour constater que partout ailleurs, les hôpitaux lui renvoient un message de bienvenue. Mais devoir partir pour de telles raisons et quitter une île qui a vu naître ses enfants dans ces conditions, il le reconnaît, « ce serait moche ». Alors il se raccroche à l’espoir qu’un propriétaire entende son appel. Mais il dévoile sa crainte : «Mon prochain message sera probablement pour annoncer un vide-maison…» A moins qu’un habitant désireux de conserver parmi ses voisins une famille attachée à Saint-Barth et, par la même, un praticien hospitalier qui officie sur l’île depuis dix-neuf années.
Contact : Pour joindre le docteur Jérôme Souied : j.souied@chsaintbarth.fr