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Justice : « Vous avez eu de la chance de n’avoir tué personne »

Le tribunal correctionnel de proximité s’est réuni en audience le jeudi 14 décembre à Saint-Barthélemy. Avec, au programme, des dossiers d’alcoolémie « au volant », des violences et des conflits de voisinage.

 

Même si des avocats qui ont effectué la traversée en ferry depuis Saint-Martin affichent une mine quelque peu barbouillée, c’est dans une atmosphère aussi sereine que décontractée que se déroule l’audience dite « foraine » du tribunal correctionnel, le jeudi 14 décembre à la capitainerie de Gustavia. Trop décontractée, sans doute, puisque certains prévenus semblent ne pas avoir pris la mesure de la solennité qui sied à une enceinte judiciaire, même lorsque celle-ci prend place en un lieu autre que la salle d’audience d’un tribunal. La présidente se voit donc contrainte de lancer une poignée de rappels à l’ordre pour que les débats puissent se dérouler dans le calme et le silence.

« Une fois de trop »
Comme à l’habitude, ce sont principalement des dossiers de délits routiers qui sont inscrits au programme de l’audience. Des délits qui impliquent systématiquement un taux d’alcoolémie plus ou moins élevé chez la ou le prévenu(e). Le premier à être appelé à la barre est un homme de 36 ans. Le 28 novembre 2022, il a été contrôlé par la gendarmerie alors qu’il circulait au volant de sa voiture. Le taux est élevé mais prononcé en sourdine. Déjà condamné en 2014 pour des faits similaires, le prévenu est tancé par la présidente : « C’est une fois de trop. Avec, en plus, un taux très important. On peut espérer que vous ne buvez pas pendant votre activité professionnelle. » Le procureur requiert une peine de 500 euros et une suspension du permis de conduire. Un document indispensable pour le prévenu, s’il veut continuer à travailler et à être logé sur l’île. Son avocat plaide la clémence du tribunal, qui lui accorde. L’homme est condamné à 500 euros d’amende et à effectuer un stage de sécurité routière.

« Un casier long comme le bras »
Le prévenu suivant est un habitué des tribunaux. Son casier porte trace de plusieurs condamnations pour conduite en état d’ivresse, dont une qui lui a valu une peine d’un an d’emprisonnement. Mais face aux magistrats, l’homme de 43 ans semble perdu. Il a plusieurs affaires en cours et ne sait pas pour laquelle il comparait ce jour. La présidente sourit puis, rapidement, ne cache pas son agacement. Les faits remontent au 30 juillet 2022 à 23h45. Au volant d’une voiture, le conducteur est contrôlé par la gendarmerie. Sur place, l’éthylotest révèle un taux d’alcool supérieur à la limite légale. A la brigade, le deuxième examen confirme l’ébriété du prévenu. Autre problème, il n'a plus de permis depuis mars 2020. « Vous avez eu de la chance de ne pas avoir eu d’accident mais surtout de n’avoir tué personne », gronde la présidente du tribunal avant de donner lecture du casier judiciaire du quadragénaire. « Un casier long comme le bras, souffle la magistrate. Ça commence à faire beaucoup. » L’homme reconnaît ses infractions et affirme qu’il ne boit plus. Depuis deux mois. Il écope d’une peine de 12 mois de prison et d’une amende de 75 euros.

Bénéfice du doute
Dans un autre dossier, un jeune homme de 21 ans est convoqué afin de répondre de violences qu’il aurait commise envers une femme dans le cadre d’un litige professionnel. Lors d’un entretien, le ton de la conversation a pris une tournure désagréable et les échanges se sont envenimés. La femme, absente à l’audience, a expliqué lors de son audition avoir été poussée avant d’avoir reçu un coup de poing. Le prévenu conteste et assure que c’est lui qui a reçu une gifle de la part de la «victime ». Un témoin de la scène confirme avoir vu une femme « très agressive » qui a été poussée avant de gifler le prévenu. Le procureur de la République requiert 500 euros d’amende avec sursis envers le jeune prévenu. Le tribunal le relaxe, au bénéfice du doute.

Litige familial
L’affaire suivante implique deux hommes qui sont à la fois prévenus et victimes. L’un est âgé de 63 ans et l’autre de 65 ans. Ils sont voisins, appartiennent à la même famille. Un litige les oppose dans le cadre d’une succession et d’un droit de passage. Le 25 mars dernier, une énième altercation éclate entre eux à propos d’un mur de séparation entre les deux terrains. La « discussion » tourne court et ils la poursuivent à coups de poing avant d’être séparés par des témoins. A la barre, ce sont leurs avocats respectifs qui haussent le ton. Mais la présidente calme les ardeurs des conseils et, constatant que le débat tourne en rond, lance : « On a compris que vous n’êtes pas d’accord et que vous n’avez pas la même version. » Le procureur remarque « des violences des deux côtés » et requiert 500 euros d’amende pour chacun des prévenus. Le délibéré sera rendu le 29 février.

Erreur de procédure
Agé de 33 ans, le prévenu suivant est convoqué pour des faits de conduite sous stupéfiants et en sens interdit le 1er juin 2022. Mais son avocate remarque que son client n’a jamais été assisté d’un traducteur lors de ses auditions alors qu’il ne parle pas le français. Elle réclame donc l’annulation de la procédure. Le procureur réclame le rejet de cette demande. Mais le tribunal donne droit à la requête de la défense. Le prévenu est donc relaxé.


« Tu vas te prendre une balle »
Enfin, un autre habitué des salles d’audience est appelé à la barre. Un jeune homme âgé de 20 ans qui comparaît régulièrement depuis un an devant les magistrats des Iles du Nord. Cette fois, il doit répondre de menaces de mort proférées à l’encontre d’un autre jeune, par « réseau social » interposé. Outre les insultes à l’encontre de la maman du destinataire, la présidente a donné lecture des menaces suivantes : « Tu vas te prendre une balle. Je serai en prison mais toi tu vas mourir. » A la barre, le prévenu affirme qu’il ne se souviens pas d’avoir tenu ces propos. « J’ai eu des problèmes avec la drogue mais c’est fini, assure-t-il. Maintenant c’est travail, maison, sport. » Le tribunal l’invite à regarder les captures photographiques des vidéos de menace. « Ce n’est pas moi, je ne me reconnais pas », affirme le prévenu avant d’expliquer que ce n’est pas la bonne manière de prendre un « selfie ». Le procureur esquisse un sourire aussi amusé qu’atterré. Puis, lors de ses réquisitions, le représentant du ministère public lance : « Monsieur conteste alors qu’on le reconnaît sans difficulté sur la vidéo. Et son numéro de téléphone est celui qui correspond au compte utilisé. » Il requiert une peine d’emprisonnement de huit mois assortie d’une probation de deux ans. L’avocate de la défense conteste la validité de la vidéo, sa provenance, son contenu et regrette l’absence d’une enquête plus approfondie. Le tribunal rendre sa décision le 29 février.

 

 

Journal de Saint-Barth N°1546 du 21/12/2023

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