Saint-Barth -

Justice : « Il n’y a eu que des échanges de claques »

Jeudi 2 juin s’est tenue une audience du tribunal correctionnel de proximité à la capitainerie du port de Gustavia. Avec au « programme » des affaires de délits routiers, d’outrage et de violences.

Comme à chacun de ses déplacements à Saint-Barthélemy, c’est dans la grande salle de la capitainerie du port de Gustavia que le tribunal a élu domicile, le jeudi 2 juin, pour y tenir une audience correctionnelle. Une audience dite « à juge unique » qui implique une composition réduite à un juge du siège, un substitut du procureur et un greffier. Pas moins de vingt-deux dossiers sont inscrits au programme. Des affaires de délits routiers, principalement d’alcoolémie, mais aussi d’outrage envers des gendarmes, des violences ou encore une convocation pour usage d’un faux passe sanitaire.
Les premiers prévenus à être appelés à la barre par la présidente du tribunal doivent répondre d’un outrage envers « une personne dépositaire de l’autorité publique ». En l’occurrence, un gendarme. Les convoqués sont un homme né en 1960 et son fils, âgé de 33 ans. Les faits sont simples : le 16 mai 2021, les gendarmes sont appelés en fin de matinée par un voisin du prévenu qui se plaint que ce dernier écoute de la musique trop fort. Deux militaires se rendent au domicile du dénoncé, à Gustavia. L’homme effectue des travaux de bricolage sur son balcon et, effectivement, la musique est un peu forte. S’engage alors un « dialogue de sourd », comme l’explique la présidente, entre les gendarmes et le bricoleur. Quand il parvient à baisser le son, l’homme ne comprend pas l’intérêt de l’intervention de la patrouille et passe un coup de téléphone à « l’ancien président de la Collectivité territoriale », précise la magistrate. Et là, il aurait lancé : « Il y a des gendarmes chez moi qui m’emmerdent à cause de la musique. » Dans la foulée, son fils débarque sur les lieux.
Comme son père, il ne saisit pas l’intérêt de l’intervention et goûte peu le ton employé par les gendarmes envers son père. Il le leur aurait fait savoir en des termes choisis. « Vous n’avez rien d’autre à faire que d’emmerder mon père, vous êtes des bouffons », aurait-il lâché. L’avocat des deux prévenus, très en verve, soulève une nullité de procédure. En effet, la date des faits mentionnée sur la convocation n’est pas la bonne. Il enchaîne : « Rien ne va dans ce dossier. Un gendarme relève des outrages et l’autre, à côté de lui, explique ne rien avoir entendu de désobligeant. Il y a manifestement un problème d’appréciation des propos tenus et on peut se demander s’il n’y a pas autre chose dans ce dossier. » Si le tribunal rejette la nullité, il relaxe les prévenus pour les faits du 14 mai mentionnés dans la procédure, puisqu’ils se sont produits le 16 mai.

« Le dossier est surréaliste »
Un couple s’avance à la barre. Le 14 décembre 2020, alors qu’ils prennent un verre chez une amie à Vitet après leur travail, cette femme de 37 ans et son compagnon de 32 ans se retrouvent au cœur d’une violente querelle de colocataires. Il est plus d’une heure du matin quand l’un des colocataires, endormi dans sa chambre avec sa compagne, vient réclamer aux personnes présentes de faire moins de bruit. La propriétaire des lieux explique alors à ses amis qu’elle rencontre de sérieuses difficultés avec ce locataire qui ne payerait plus son loyer depuis plusieurs mois. Les amis décident d’aller parlementer avec le prétendu mauvais payeur. « Et les choses ont dégénéré », constate la présidente du tribunal.
La prévenue propose au locataire de s’engager par écrit à quitter les lieux dans un avenir proche. D’abord favorables, selon le couple de prévenus, le locataire et sa compagne se ravisent et refusent. C’est alors qu’éclate une altercation physique. Projection sur la baie vitrée, ceinturage, coups, jets des affaires des locataires dans le jardin... « Il n’y a eu que des échanges de claques », assure la prévenue. « Le dossier est surréaliste, se lamente la magistrate. On ne comprend pas pourquoi vous vous êtes mêlés d’une histoire qui ne vous concerne pas. » Aux blessures des victimes, la prévenue réplique en évoquant ses propres hématomes. « Pourquoi ne pas avoir porté plainte ? », s’étonne le procureur. « Mais j’ai dit dans ma déposition que je voulais le faire », affirme la prévenue. La présidente relit cette déposition et confirme. Le procureur lui reproche aussi de ne pas avoir versé des photos de ses blessures au dossier. « On les envoyées par mail aux gendarmes », rétorque la femme. Le représentant du parquet est interloqué. « Si vous me prouvez qu’un gendarme n’a pas fait son travail en me fournissant ce mail, l’affaire n’est plus la même », affirme-t-il. De fait, la décision du tribunal est mise en délibéré au 1er septembre. Le temps de vérifier les dires des prévenus et que les gendarmes ont fait correctement leur travail.
Un faux passe sanitaire défectueux
Une femme de 33 ans est invitée à se présenter à la barre. Le 27 février, alors qu’elle rentre de Saint-Martin, les gendarmes contrôlent son passe sanitaire. Le QR Code est défectueux. Rapidement, elle reconnait qu’il s’agit d’un faux passe qu’elle a acheté 250 euros. Le procureur n’entend pas « rentrer dans le débat de la vaccination » et lance : « Il y a une règle et madame a voulu contourner cette règle, en connaissance de cause. » Il requiert une amende de 500 euros. La présidente se montre plus clémente et assortit cette amende d’un sursis simple.

 

Accidents sous alcool en série

La présidente appelle un homme de 38 ans à la barre. Le 26 mars dernier, il a perdu le contrôle de son scooter et a eu un accident. Bien que ne souffrant que de blessures superficielles, il est transporté à l’hôpital. Les tests sont formels : il affiche un taux de 2,84 grammes d’alcool par litre de sang. Il a déjà été condamné à trois reprises dans le passé pour des faits similaires. Le tribunal le condamne à trois mois de prison avec sursis et son permis de conduire est suspendu pour une durée de huit mois. « Le premier d’une longue liste que nous allons avoir à examiner aujourd’hui », commente le procureur. De fait, la présidente enchaîne avec un autre dossier d’alcoolémie au volant.
Cette fois, il s’agit d’un homme de 26 ans. Le 19 février dernier, il sort d’une boîte de nuit et prend la route. A la barre il assure ne se souvenir de rien. « J’ai un trou noir », déclare-t-il. Pourtant, il a perdu le contrôle de sa voiture qui a fini sa course sur le toit. « Heureusement, dans ces dossiers, nous avons des personnes qui ne blessent personne d’autre qu’elles », souffle le procureur. Le prévenu avait un taux de 2,54 grammes d’alcool par litre de sang au moment des faits. Un problème, toutefois : le prévenu ne se souvient plus s’il était conducteur ou passager. Or, dans la procédure, les gendarmes ont trouvé l’homme en dehors du véhicule à leur arrivée. « Il est expliqué dans la procédure que des personnes sont présentes et l’ont sorti de la voiture mais leur nom n’apparaît pas et elles n’ont pas été entendues, regrette le procureur. Il y a donc une faille à cause de ce manquement. » Il n’a pas d’autre choix que de requérir la relaxe. Le tribunal confirme. Le prévenu est ravi d’échapper à une peine mais ne cache pas sa surprise en quittant le tribunal.
Un autre homme s’avance à la barre. Le 11 décembre 2021 vers 16h45, il a percuté une camionnette avec sa moto à Coupe-Gorge. Les examens effectués à l’hôpital révèlent un taux de 2,80 grammes d’alcool par litre de sang. « C’était un samedi après-midi, je sortais d’un barbecue avec des collègues et des amis et, en rentrant, j’ai loupé le virage », reconnaît le prévenu, âgé de 36 ans. Il écope d’une amende 800 euros et d’une suspension de permis d’une durée de huit mois. Et la présidente enchaîne.
Le 17 mars, ce jeune homme de 21 ans perd seul le contrôle de sa voiture entre le rond-point de la Tourmente et la route de Colombier. Il avait un taux de 1,89 gramme d’alcool par litre de sang. « Votre voiture a été déclarée comme épave », remarque la présidente du tribunal. Récidiviste, il est condamné à trois mois de prison avec sursis et son permis de conduire est annulé.
Un peu plus d’un mois avant, le 10 février, un autre homme de 24 ans a un accident avec son scooter vers 2 heures du matin devant l’aéroport. Les gendarmes l’embarquent pour effectuer des tests. Sur le trajet, le prévenu les insulte copieusement et finit avec les menottes aux poignets. Il prend deux mois de prison avec sursis, 500 euros d’amende et une interdiction de conduire pendant quatre mois.

 

Journal de Saint-Barth N°1476 du 09/06/2022

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