Saint-Barth -

Alcool, violences, outrages, une audience de routine au tribunal

Neuf heures viennent de sonner et les magistrats venus de Saint-Martin ont pris place dans la grande salle de réunion de la capitainerie. Comme chaque mois, ou presque, une audience du tribunal correctionnel est organisée à Saint-Barthélemy. Pour celle de ce jeudi 2 décembre, pas moins de 29 dossiers sont inscrits au programme. Par conséquent, la journée s’annonce relativement longue. Notamment pour les prévenus qui, convoqués à 9 heures, s’aperçoivent qu’ils vont devoir patienter avant d’être appelés à la barre.
Comme à l’habitude, la présidente du tribunal procède à l’appel de l’ensemble des dossiers. Pour savoir qui est présent, absent, représenté ou non par un avocat. Un dernier point qui a son importance puisque les personnes convoquées qui ont loué les services d’un avocat vont être prioritaires dans l’ordre d’appel. Une question de protocole. De fait, la plupart des prévenus non représentés sont invités à se représenter à la reprise de l’audience, à 14 heures. Pour les autres, l’attente commence.

Vitesse excessive,
pas de phare, choc frontal
Le premier à être appelé par la présidente est un homme âgé de 26 ans. Le 2 janvier dernier, vers deux heures du matin, il roule sur son scooter trafiqué en direction de Saint-Jean. Dans la descente du rond-point de la Tourmente vers l’aéroport, il ne voit aucune lumière en face et coupe le virage en se déportant sur la voie de gauche. En face, deux jeunes circulent également sur leur scooter, sans avoir allumé leur phare. Les deux engins se percutent à pleine vitesse. « Un choc frontal d’une grande violence », constate la présidente. Le prévenu comme les deux mineurs du scooter percuté sont éjectés de leur deux-roues, réduits en miettes.
Par miracle, le jeune homme de 26 ans se relève et constate qu’il ne souffre d’aucune blessure grave. Les deux autres, en revanche, sont grièvement touchés. « J’ai eu une fracture ouverte du poignet, une double fracture ouverte du petit doigt et j’ai subi trois opérations », raconte l’une des victimes à la barre. Sur l’accident, il se souvient : « Ça a été assez choquant sur le coup parce que l’on ne s’y attend pas. Je n’ai pas trop compris ce qui arrivait. » L’ami qui circulait avec lui sur le scooter a été évacué vers la Guadeloupe. La jambe brisée, il a dû être opéré en urgence. Une intervention qui a entraîné des complications, notamment une infection, qui lui ont valu un arrêt de travail de 120 jours. Et six mois de rééducation.

Plusieurs condamnations au casier judiciaire
L’avocate d’une victime précise que son client roulait « doucement », contrairement au prévenu. « Il n’avait pas de lumière mais il roulait dans sa voie de circulation », ajoute-t-elle. Pour le prévenu, le constat est un peu différent. Certes, son véhicule était assuré, il n’avait pas bu d’alcool ni consommé de substance stupéfiante, mais il a empiété sur la voie de gauche et roulait à plus de 60 km/h sur un scooter débridé. De plus, il a déjà été condamné par le passé à plusieurs reprises pour conduite sans permis.
« Dans ce dossier, on peut estimer que tout le monde est chanceux », remarque la procureure de la République qui requiert 6 mois de prison avec sursis et un an d’interdiction de conduite d’un engin à moteur pour le prévenu. « Mon client a parfaitement conscience de ce qu’il s’est passé, affirme l’avocate de la défense. Il n’en demeure pas moins que le scooter conduit par les victimes n’avait pas de phare allumé. Si tel avait été le cas, mon client aurait sans doute eu le temps de les éviter. Je trouve que l’on n’a pas insisté assez là-dessus. Avec un phare, cet accident n’aurait pas eu lieu. » Le tribunal choisit de suivre les réquisitions et condamne le jeune homme de 26 ans à 6 mois de prison avec sursis assortis d’une interdiction de conduire pendant un an et d’une amende de 135 euros.

Ivre, il « explose »
sa voiture dans des boîtes à lettres
Quelques mois plus tard, le 3 mai 2021, un autre accident va occuper les gendarmes de Saint-Barth. Rien d’aussi dramatique, toutefois. Vers minuit, à Grand Cul-de-Sac, un homme de 21 ans qui circule entre Marigot et Toiny perd le contrôle de sa voiture à l’entrée de l’allée qui conduit à son domicile. Son véhicule est allé s’encastrer dans les boîtes à lettres. A la barre du tribunal, il écoute la présidente résumer l’affaire. La magistrate lui lance : « On voit sur les photos que votre voiture est complètement explosée, c’est impressionnant! » Lorsque les gendarmes arrivent sur les lieux, le conducteur est allongé par terre, à côté de son véhicule. Après analyse, il s’avère qu’il présente un taux de 2,93 grammes d’alcool par litre de sang. L’accident, le taux d’alcoolémie de champion, le dossier est déjà chargé. Mais le prévu y ajoute quelques éléments à charge.
« Entraîné dans
des excès »
En effet, manifestement peu enclin à répondre aux gendarmes, il les gratifie d’une série d’injures des plus grasses. Mais comme le veut la procédure, la présidente du tribunal est obligée d’en donner lecture. « Ce qui n’est vraiment pas agréable », soupire-t-elle. « J’avais beaucoup de travail, beaucoup de problèmes et j’ai vrillé », déclare le prévenu. Il ne conserve que peu de souvenirs de l’incident et ne se rappelle pas de son transport vers l’hôpital. D’ailleurs, c’est là qu’il insulte les gendarmes.
« Monsieur est récidiviste puisqu’il a déjà été condamné pour conduite en état alcoolique en 2020, remarque la procureure. Ce n’est pas parce qu’on est alcoolisé que des outrages peuvent être excusés. » Elle réclame une peine de 2 mois de prison avec sursis, 800 euros d’amende et l’annulation du permis de conduire. « Il s’est laissé entraîner dans des excès, plaide l’avocate de la défense. Il a présenté ses excuses aux gendarmes, aux personnels hospitaliers, et il a remboursé les boîtes à lettres. » Comme dans le dossier précédent, le tribunal suit les réquisitions à la ­lettre.

«Une séparation violente»
L’affaire suivante dénote des difficultés inhérentes à la vie sur l’île, dès lors qu’une séparation intervient au sein d’un couple. A la barre un homme âgé de 27 ans. Il doit répondre de violences commises sur sa conjointe. Des actes qui seraient intervenus entre le 5 décembre 2020 et le 15 avril 2021. Le couple vivait en concubinage depuis plusieurs années, avec leurs enfants. Lorsque la relation se dégrade, ils décident de se séparer. Malheureusement, impossible pour l’un ou l’autre de se loger seul. Par conséquent, ils s’attribuent une partie de la maison. Dans un tel contexte, les disputes se multiplient. « Il y en a eu, c’est vrai, mais je n’ai jamais porté la main sur elle », assure le prévenu à la présidente. Deux épisodes semblent pourtant attester de violences autres que verbales.
Lors d’une altercation, en décembre 2020, l’homme agrippe avec force les bras de son ex-compagne. « Elle m’avait giflé, je voulais l’empêcher de recommencer », affirme-t-il devant les magistrats. Le 26 juin dernier, une dispute éclate à propos d’un ventilateur alors qu’ils se répartissent leurs affaires. Le ton monte et des objets volent dans la pièce. Dont une petite table, jetée par le prévenu et qui termine son vol dans le dos de son ancienne conjointe. « J’ai bien jeté la table mais pas sur elle », conteste l’homme. Depuis, son ex est partie. Avec les enfants. « Je veux juste qu’on en finisse avec tout ça et que je puisse revoir mes enfants », explique le père.
Salarié, logé, il verse chaque mois une pension pour ses enfants à son ancienne compagne. « Ma cliente a fui un enfer et a trouvé un refuge avec les enfants, explique l’avocate de la plaignante. Elle réclame de la sérénité. » Pour l’avocat de la défense, s’il y a eu une « séparation violente », il faut retenir que le couple ne se fréquente plus. « S’il est condamné aujourd’hui, ça va le suivre toute sa vie et il aura des difficultés pour voir ses enfants, plaide-t-il. Je sollicite donc la plus grande clémence. »
Le tribunal condamne le prévenu à une peine de 6 mois de prison, dont trois avec sursis assortie d’une obligation de soin et de travail. Il devra également s’acquitter d’une amende de 500 euros envers son ex-compagne pour préjudice moral.
 
   

Journal de Saint-Barth N°1450 du 09/12/2021

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