Saint-Barth -

Violences conjugales : sur l’île, ni association d’aide aux victimes, ni hébergement d’urgence

La lutte contre les violences faites aux femmes est la grande cause de la rentrée pour le gouvernement, qui organise un grenelle sur le sujet et a déjà annoncé des mesures. A Saint-Barthélemy, une réunion sur la question s’est tenue hier à l’initiative de la préfecture.

 

Le premier grenelle des violences conjugales s’est ouvert la semaine dernière avec force médiatisation. Il doit réunir tous les acteurs concernés pendant douze semaines, à l’issue desquelles des propositions seront listées.

On estime le nombre de femmes victimes de violences par leur conjoint ou ex-conjoint à 220.000 en France. Elles sont au moins 101 à avoir été tuées sous leurs coups, depuis le mois de janvier. 149 ont perdu la vie sur l’année 2018, près de la moitié des mains de leur époux, ainsi que 21 enfants, victimes collatérales de ces violences.

« Ce Grenelle de lutte contre les violences conjugales concerne tous nos concitoyens. Les hommes qui les commettent peuvent être philosophes, artistes, commerçants, étudiants, ouvriers. Les femmes qui en sont victimes peuvent être universitaires, infirmières, femmes au foyer, assistantes de direction », a rappelé le Premier ministre Edouard Philippe dans son discours d’ouverture. « Certains vont essayer de relativiser l’étendue et l’horreur des violences conjugales. Certains auront peut-être l’indécence de temporiser, au lieu d’agir. Ce n’est pas notre intention. Car on ne le répètera jamais assez : l’absolue singularité des violences conjugales, c’est qu’elles se produisent à l’endroit où l’on devrait se sentir le plus en sécurité. (…) Il est temps que nous assurions à toutes les Françaises le droit de respirer. Avec ou sans leur conjoint. Pour que justice soit faite. »

Edouard Philippe a annoncé plusieurs mesures concrètes pour améliorer la prise en charge des femmes victimes.

- La création de mille places d’hébergement d’urgence supplémentaires en France. Il en existe environ 5.000 aujourd’hui, mais aucune à Saint-Barthélemy.

- Donner aux victimes la possibilité de porter plainte directement à l’hôpital, dès le 25 novembre. Cela existe déjà mais devrait être démocratisé.

- Un procureur référent sera identifié dans les 172 tribunaux du pays. Pour éviter des délais judiciaires très longs, une expérimentation est lancée à Créteil : une “chambre d’urgence”, qui devra traiter ces dossiers en quinze jours.

- L’Assemblée nationale devra prochainement examiner un texte sur la mise en place d’un bracelet électronique anti-rapprochement, qui pourra être utilisé après mais aussi avant condamnation de l’auteur. A Saint-Barthélemy, l’insularité facilite l’interdiction de territoire pour les hommes condamnés pour violences.

- En cas de plainte, l’autorité parentale pourra être aménagée par le juge, voire suspendue, dès la phase d’enquête. «Tant que les hommes se convaincront qu’ils peuvent frapper la mère de leurs enfants sans être de mauvais pères, on peut, hélas, redouter, qu’ils continueront à le faire. Tant que les femmes se convaincront que leur conjoint peut les frapper sans être de mauvais pères, on peut, hélas, redouter qu’elles resteront avec eux », a commenté Edouard Philippe.

Le lendemain du discours de son Premier ministre, Emmanuel Macron s’est rendu incognito ou presque dans une cellule du 3919, numéro dédié aux femmes battues. Il a entendu le témoignage d’une appelante qui venait de déposer une nouvelle plainte contre son mari, elle se trouvait justement chez les gendarmes. Voulant récupérer des affaires chez elle avant de trouver un hébergement, elle redoutait de croiser l’époux violent à leur domicile. Aucun gendarme n’a pourtant accepté de l’accompagner. D’où sa détresse et son appel au 3919 (qui n’est pas un numéro d’urgence mais d’écoute). Le militaire ne voulant rien entendre, la dame a été redirigée vers une association.

Consternation du Président devant ce témoignage en direct. Le gouvernement a annoncé un audit dans 400 gendarmeries et commissariats pour étudier la façon dont les femmes sont reçues et leurs plaintes traitées.


Réunion hier à la Com

A Saint-Barthélemy, la gendarmerie compte deux militaires référents en matière de violences conjugales. Ils n’ont pas suivi de formation spécifique en la matière, mais sont sensibilisés à ce sujet aussi lourd que délicat. Depuis un an, la brigade de Saint-Martin emploie une intervenante sociale dont la mission s’étend aussi à Saint-Barth. Tout comme celle de l’association d’aide aux victimes Trait d’Union. Mais la distance entre les deux îles creuse un fossé qui complique le recours à ces aidants.

 

Une fois l’étape gendarmerie passée, les femmes sont orientées vers le service social de la Collectivité. Il n’a pas été en mesure de nous répondre sur les protocoles appliqués ici.

 

Hier s’est tenue sur l’initiative de la préfecture une réunion sur le sujet, avec des représentants de la gendarmerie, police, service d’action sociale et avec l’élue en charge des questions sociales, Nicole Gréaux. Un projet de convention est à l’étude entre la Collectivité et les forces de l’ordre. Ces dernières signaleraient ainsi au service social, systématiquement, les cas de plaintes pour violences conjugales. Aucun chiffre n’a pu nous être communiqué à ce jour, mais elles s’élèveraient à moins de dix par an.

Hier, Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité entre les hommes et les femmes, a annoncé la tenue d’un autre grenelle des violences conjugales, spécialement dédié aux outre-mer, territoires davantage touchés que la métropole.

 

JSB 1341




Journal de Saint-Barth N°1341 du 12/09/2019

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