Chaque année, elles reviennent, plus invasives que jamais. Les sargasses, algues brunes nourricières de vastes espaces de biodiversité lorsqu’elles sont en mer, se muent en nuisibles lorsqu’elles s’échouent sur les côtes des îles caribéennes. Il va sans dire que Saint-Barthélemy ne fait pas exception. C’est une des raisons pour lesquelles Rudi Laplace, président de la commission Environnement au sein de la Collectivité territoriale, a participé mi-avril à la Sarg’Coop II, en Guadeloupe. Ce programme porté par Interreg Caraïbes vise à renforcer la préparation des territoires et leur résilience face aux catastrophes naturelles. En l'occurrence, dans le cas présent, à l'invasion d’algues sargasses.
Budget de ramassage : 1,4 million d’euros en 2024
L’objectif consiste à renforcer la coopération caribéenne en créant des instances et des outils facilitant le partage des connaissances et des savoir-faire en matière de gestion des échouages des algues sargasses. Par ailleurs, il vise à développer un réseau d'observation, de surveillance et d'alerte. Par conséquent, il était nécessaire que Saint-Barthélemy participe à ce rendez-vous. « La Sarg’Coop I a été créée pour faire un état des lieux, rappelle Rudi Laplace. Il y a ensuite eu des travaux et des études sur l’impact des sargasses. Pour la Sarg’Coop II, chaque territoire a présenté ses problématiques et les résultats des études qui ont été menées. »
Les participants, qu’ils soient des élus ou des professionnels engagés dans la gestion des échouements des sargasses, ont ainsi évoqué la problématique des gaz émis lorsque les algues se décomposent sur le sol, les odeurs et la pollution qu’elles génèrent, le fait qu’elles favorisent l’érosion ou encore la présence de métaux lourds. Une dernière donnée qui doit évidemment être prise en compte lorsque les projets de transformation des algues sont développés.
Des barrages déviants ?
« Nous avons pu rencontrer quelqu’un de Saint-Domingue qui travaille sur la transformation, explique Rudi Laplace. J’ai pu apprendre que la Corée du Sud envisagerait d’investir en Colombie pour créer un laboratoire de développement des sargasses ou encore que la Martinique va lancer un projet pour faire du compost avec une part d’environ 30% de sargasses. » Mais pour le conseiller territorial, l’une des pistes à explorer en priorité pour Saint-Barthélemy est celle des barrages déviants.
« Nous avons pu recueillir des retours d’expérience sur l’utilisation de ces barrages, indique-t-il. Et plus largement sur la collecte et le traitement au large. J’aimerais trouver une solution avec les barrages déviants. Ils pourraient, grâce à certains systèmes, être aussi producteurs d’électricité avec l’action de la houle sur les bouées. Nous serions ainsi protégés tout en profitant de cette énergie. » Rudi Laplace s’interroge toutefois sur les possibilités de récupérer ces dispositifs flottants à l’approche d’un cyclone ou d’une tempête, par exemple. « En 2024, la Collectivité a dépensé 1,4 million d’euros pour le ramassage et le traitement des sargasses, précise-t-il. Investir ce budget dans un système qui dure et qui nous protège des sargasses serait préférable. »
Des pistes de valorisation
Rudi Laplace mentionne également « plusieurs pistes de valorisation locale des sargasses », explorées par la Collectivité. La méthanisation pour une production d’énergie à partir d’un mélange d’algues, de boues de station et de déchets organiques. Mais aussi la transformation en charbon biologique qui permettrait un « enrichissement des sols ou co-incinération pour produire de l’eau potable via nos incinérateurs ». Sous une publication en ligne du groupe Saint-Barth d’Abord, auquel appartient Rudi Laplace, qui rapporte ces «pistes de valorisation », l’entrepreneur Pierre-Antoine Guibout (récemment élu à la Cem sur la liste « Entreprendre et Réussir SBH ») écrit : «Je pense que trouver une solution pour trouver une solution est une mauvaise idée. On sait à présent que les sargasses contiennent des métaux lourds à moins peut être de les capter très au large de nos côtes... Le compost est donc une fausse bonne idée cela viendrait polluer des sols déjà contaminés pour partie. » En Martinique, pourtant, la société Holdex Environnement utilise comme carburant micro organique (riche en oligo-élément) des algues mélangées à d'autres matières premières pour la fabrication d'engrais. Par ailleurs, toujours en Martinique, la société « Collabioration » a ouvert son laboratoire, Sarg’Invest, qui est tourné vers la recherche de valorisation industrielle des sargasses. Il s’est donné pour mission de transformer la pollution biologique des sargasses en « sources d’innovations et de solutions sur mesure ».
Deux députés en mission
Le mercredi 30 avril, les députés Olivier Serva (Guadeloupe, LIOT) et Mickaël Cosson (Bretagne, Les Démocrates) ont présenté les conclusions d’une mission qui visait à étudier la valorisation des algues sargasses. Outre les observations purement environnementales déjà évoquées plus avant, les parlementaires ont souligné le potentiel de développement du marché des algues dans le monde. Olivier Serva a notamment rappelé qu’avec ses Outre-mer, la France possède la deuxième zone économique exclusive au monde. Ils préconisent donc une utilisation des sargasses pour développer l’économie à travers leur valorisation. Mais comment et en ciblant quel secteur d’activité ? Les possibilités sont multiples. Pour peu qu’elles ne se heurtent pas aux difficultés techniques, à leur coût ainsi qu’aux contraintes réglementaires.