Saint-Barth -

© ST BARTH FLYCAM

Un dimanche avec les baleines à bosse

Dimanche 14 mars, nous avons suivi Steeve Ruillet, représentant de l’association Megaptera à Saint-Barthélemy pour une sortie en mer afin de mieux connaître et mieux protéger les mammifères marins.

«Une baleine à deux miles au Nord de Fourchue ». Sur le groupe Messenger Baleines autour de SBH, les observateurs partagent les positions des baleines à bosse, en pleine période de reproduction et de mise bas dans le Banc d’Anguilla. Ce jour-là, nous sommes à bord du navire loué par l’association Megaptera, qui œuvre pour la connaissance des mammifères marins. « On n’est pas des whale-watchers, insiste Steeve Ruillet, représentant de l’association à Saint-Barthélemy. On ne fait pas d’excursions pour les touristes mais des sorties en mer, uniquement avec les membres de l’association, en fonction de la météo. » Megaptera, qui prône une science participative (JSB 1414), souhaite recruter en priorité des membres impliqués dans l’observation commune des baleines, qui partagent leurs connaissances et sont prêts à revenir.
Ce jour-là justement, à bord du navire piloté par Steeve Ruillet, il n’y a que des initiés. « Quand des membres viennent pour la première fois, je leur explique qu’on va essayer [il insiste sur ce mot] de trouver des baleines, détaille Steeve Ruillet. On peut tomber tout de suite dessus et les chercher pendant deux heures mais on peut aussi ne pas les trouver du tout. » Ce jour-là, quelques minutes après notre départ, on observe deux nageoires dorsales à la surface. Les indications données sur le groupe Messenger étaient encore valables, nous sommes bien au nord de Fourchue. Steeve nous explique qu’il s’agit d’une baleine et son baleineau. Sur l’écran du drone apporté par le photographe Yannis Delvas, de la société St Barth Flycam, on les voit avancer lentement côte à côte. A un moment, la mère plonge à pic, sa nageoire caudale apparaît. A bord, tous les appareils sont sortis : la partie interne de cette forme de cœur au bout de la queue est la signature de la baleine à bosse. « J’ai envoyé directement les photographies à l’OMMAG, l’Observatoire des mammifères marins de la Guadeloupe, détaille Steeve Ruillet, pour voir si on la connaissait dans le sanctuaire Agoa. » A l’heure où nous bouclons, on attend encore la réponse...
Mais ce plongeon, c’est aussi le signe que la baleine «sonde», nous relate Steeve Ruillet : elle est partie dans les profondeurs et elle peut ressortir environ une demi-heure plus tard.

©Sin
Nous repartons après avoir reçu une autre indication sur Messenger : « Observation sur le rocher de Pointe-Milou, deux groupes distincts derrière Tortue. Plusieurs baleines avec des sauts à répétition jusqu’à l’arrivée d’un bateau, puis entre Petit Cul-de-Sac et Toiny, enfin, plus au large de Tony, deux autres groupes. » On se dirige vers cette zone, aux aguets. «Il faut guetter les anomalies dans l’eau, rappelle Steeve Ruillet. Le premier indice qui peut être flagrant, c’est un attroupement de bateaux au large. Mais il peut aussi y avoir un gros splash quand une baleine saute, un souffle... Ce sont souvent les baleineaux qui sautent ou, on suppose, les mâles. Cela permet de les voir très loin. Dimanche matin, lors d’une sortie, on a vu deux sauts à cinq miles et on a trouvé un groupe de baleines comme ça.»
Notre groupe, lui, a beau se rapprocher des bateaux à l’arrêt (voir les recommandations ci-dessous), guetter les remous, tout ce qu’il aperçoit c’est une tortue qui reprend de l’oxygène, quelques poissons volants, des fausses alertes... Steeve Ruillet sort son hydrophone. C’est une sorte d’enceinte qui permet d’écouter les bruits sous-marins. On entend le chant des mâles... « Ils sont loin, conclut Steeve Ruillet. L’hydrophone permet de noter le volume des chants de 0 à 5, sur une échelle subjective, c’est celui qui écoute qui détermine à peu près l’échelle en fonction de ce qu’il entend. C’est une indication. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de chant qu’on ne va a pas voir de mère avec son baleineau. » Car ce sont les mâles qui chantent. Nous repartons, sans avoir vu les baleines à bosse au large de Toiny. Peu de temps après notre retour, Steeve Ruillet apprend qu’elles sont « réapparues », au même endroit. « Il y a des comportements “explicables” mais il y a aussi beaucoup d’inconnues, souligne le représentant de Megaptera. On ne sait pas vers où les baleines peuvent aller. Celles qu’on a vues le matin peuvent se retrouver le soir à Antigua. Elles migrent entre les îles. Certaines sont dans l’éducation, comme la mère qu’on a vu avancer lentement avec son baleineau et d’autres sont bien plus rapides. »
En fin de journée, un nouveau message s’affiche sur Messenger : « Nous avons pu voir de nombreuses baleines effectuer de nombreux sauts (vers Petit Cul-de-Sac). L’une d’elle a un filet de pêche important accroché à la nageoire gauche. »  Face à ce genre de situation, Steeve Ruillet met en garde : « Il ne faut surtout pas vous mettre à l’eau, au risque de vous accrocher au filet. » Formé au désenchevêtrement, il peut intervenir. « Il faut prévenir l’association ou l’ATE dès que possible, en précisant bien ses coordonnées Gps en temps réel. Éventuellement faire des photos. » C’est avant tout à ça que sert Megaptera, mieux connaître les baleines pour mieux les protéger.

 

 Quelles précautions face aux baleines ?

Pour préserver les baleines à bosse, des règles sont fixées par arrêté préfectoral (2013-065-0007 art.3) :
- L’approche d’un animal au repos ou en phase de saut est interdite.
- Merci d’approcher les animaux par trois quarts arrière, la trajectoire devenant progressivement parallèle à la route des animaux sans jamais les dépasser.
- Rester manœuvrant à moins de 5 nœuds lors de l’entrée, de la sortie et au sein de la zone de prudence (300 mètres autour du groupe).
- Mettre le moteur au point mort si les animaux approchent du bateau.
- Interrompre l’observation pour tout individu manifestant des signes de nervosité.
- Si plusieurs bateaux sont présents sur zone : ne pas encercler les animaux ; se positionner tous du même côté et ne jamais diviser un groupe ; ne pas s’insérer entre les cétacés et les bateaux déjà en observation.
- Éviter tout changement brusque de régime moteur, de vitesse ou de direction.
- Limiter de temps de présence dans la zone de prudence à 30 minutes.
- Ne pas se baigner, ne pas toucher ni nourrir les cétacés.

 

Journal de Saint-Barth N°1415 du 18/03/2021

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