Saint-Barth -

Sargasses : Marigot en pestilence

Tandis que Météo France annonce « des échouements assez nombreux » dans les prochains jours, les sargasses s’accumulent dans certains secteurs de l’île. Comme à Marigot, où une partie du quartier respire une odeur pestilentielle.

L’odeur semble lourde, pesante comme une couverture dont il est impossible de se défaire. Des effluves pestilentiels qui induisent parfois les riverains en erreur. « Je sais que le voisin d’en face a eu des problèmes avec sa fosse septique et j’ai cru que ça venait de là », raconte un habitant. Une rapide discussion évite le conflit de voisinage. Car l’odeur, c’est bien de l’anse de Marigot qu’elle provient. Sur place, une immense nappe de sargasses couvre une partie de la baie. Une nappe constituée d’une série de bancs d’algues dont la dérive au gré des courants s’est achevée sur et au bord de la plage. L’amoncèlement de matière en putréfaction est tel que le travail du conducteur aux commandes de la petite pelleteuse enfoncée dans les sargasses échouées semble s’apparenter au châtiment de Sisyphe, version marine. Quant à l’odeur, elle s’avère aussi persistante qu’insupportable. « Ça dure depuis des semaines et on commence à se demander si quelque chose va être fait », se plaint une riveraine.

« Les arrivages se renforcent »
Selon le dernier bulletin de surveillance des sargasses publié le mardi 15 juillet par Météo France, la situation ne va pas s’améliorer dans l’immédiat. En effet, si des courants ont permis d’évacuer quelques nappes lors des cinq derniers jours, d’autres arrivages sont annoncés. « Les sargasses menacent toujours nos littoraux, écrit Météo France dans son communiqué. Du côté de Saint-Barthélemy, des échouements assez nombreux sont également à attendre mais les radeaux de sargasses devraient être un peu plus petits. Les arrivages se renforcent. Le nombre de détections et leur densité renforcent, les risques d'échouement restent fort pour ces 15 prochains jours. » Reste ­désormais à savoir où ces algues divagantes vont terminer leur dérive. Sans doute dans les mêmes zones qu’à l’habitude.

« Aucune baie n’est à l’abri »
Dimanche dernier, le 13 juillet, ce sont les habitants du quartier de Flamands qui ont eu la désagréable surprise de voir d’imposantes nappes de sargasses venir s’échouer sur la plage. Tout au long de la matinée, les algues se sont accumulées sur le sable, formant parfois de véritables monticules. Fort heureusement, la force de la mer et des courants a permis une évacuation naturelle d’une grande partie de ces envahisseurs. A tout le moins à Flamands parce qu’en réalité, toutes les sargasses emportées sont allées s’agglutiner à Petite Anse ou à Colombier. «Aucune baie de Saint-Barthélemy n’est à l’abri, a constaté en ligne le groupe Saint-Barth d’Abord. Si la priorité est souvent donnée aux zones à fort enjeu économique, il est essentiel de ne pas négliger les baies qui font partie de notre quotidien ou de notre patrimoine naturel : l’Anse des Cayes, cadre de vie de nombreuses familles, ou la Petite Anse comme Marigot, cœur de notre réserve naturelle, ne doivent pas suffoquer sous les algues brunes. » C’est pourtant le cas depuis quelques semaines.
A Anse des Cayes, la quantité de sargasses échouées sur la plage est impressionnante. Malgré un ramassage régulier et l’investissement de l’hôtel Le Manapany, les arrivages observés ces dernières semaines n’ont pas permis d’endiguer le phénomène.

A Flamands, le dimanche 13 juillet.

Un appel à la mobilisation de la population
A Grand-Cul-de-Sac, sur la plage qui borde l’hôtel Rosewood Le Guanahani, un petit tracteur procède au nettoyage plusieurs fois par jour. Au Barthélemy, de l’autre côté du lagon, même si la situation s’est améliorée, les cessions de ramassage se poursuivent. Le jeudi 10 juillet, le référent de quartier pour Grand et Petit-Cul-de-Sac ainsi que Toiny, Turenne Laplace, a fait appel à l’association Island Nature Experiences (INE) pour repousser les algues échouées sur le haut de la plage, face au Sereno. Pierre Andrieux, chargé de projet restauration des écosystèmes marins à l’INE, a fait partie des volontaires venus déplacer de la sargasses, fourche en main. « La problématique est que quand ces sargasses s’échouent, surtout dans la baie de Grand-Cul-de-Sac, parfois elles repartent à l’eau avec la marée quand elle est haute, explique Pierre. Ça étouffe des lambis. On en a retrouvé plein de morts ce matin. Les herbiers sont aussi touchés, comme les tortues. » Pour lui prêter main forte, deux bénévoles de l’INE, Alexandra Le Borgne de Lavillandré  Gaëlle Charreau, mais aussi des employés de la société Ouanalao Dive ainsi qu’une poignée de bonnes âmes.
A Colombier, ce sont des bénévoles du Rotary Club qui ont décidé de se mobiliser pour s’efforcer de ramasser, avec les moyens du bord, un maximum de sargasses échouées. Une « opération » qui mériterait d’être renouvelée avec une plus grande mobilisation à l’anse de Colombier, estime l’un des participants. « Même une demi-journée par semaine », précise-t-il. Une pensée qui a également traversé l’esprit de Turenne Laplace pour Grand et Petit-Cul-de-Sac. Il serait alors nécessaire de parvenir à convaincre une partie de la population d’intervenir sur les sites les plus touchés pour les débarrasser de la majorité des algues échouées. Avant qu’elles ne dépérissent.
Depuis le début de la crise, différentes actions ont été menées par la Collectivité. Cinq jours d’une intense opération de ramassage entre le vendredi 27 juin et le mardi 1er juillet qui a permis (avec l’aide de treize marins-pêcheurs professionnels) de collecter plus de 9.000 mètres cubes de sargasses échouées ou encore en mer. Le vendredi 11 juillet, le préfet Cyrille Le Vely a rencontré les hôteliers et le président de la Collectivité Xavier Lédée pour évoquer les conséquences touristiques et économiques du phénomène. « Dès que la Collectivité retrouvera sa pleine liberté d’action, après la fin du contrôle de la Chambre territoriale des comptes, je garantis que l'ensemble des moyens financiers nécessaires sera mobilisé pour protéger l’île et son économie », a affirmé Xavier Lédée dans une publication en ligne.
Le groupe Saint-Barth d’Abord, par l’intermédiaire du conseiller territorial Rudi Laplace, président de la commission environnement, rappelle que « les études préalables nécessaires à la mise en place de solutions pérennes (barrages, filets de dérivation, dispositifs de récupération en mer) ont déjà été réalisées sous la précédente mandature et poursuivies en 2023 par la Cem (Chambre économique multiprofessionnelle).» Et de lancer : « Il est temps d’agir. L’heure n’est plus à la réflexion mais à l’action. »
 

 

Journal de Saint-Barth N°1624 du 17/07/2025

Sargasses
14 juillet
La collectivitté a 18 ans