Saint-Barth -

Déchets, le rocher de Sisyphe

Ils n’en voient pas le bout. Depuis six mois, le centre de propreté Ouanalao Environnement croule sous des milliers de tonnes de déchets.

Plus de six mois sont passés depuis Irma, et les 45 employés de Ouanalao Environnement -Tiru fournissent toujours un travail intensif pour contenir, détruire, brûler, évacuer les tonnes de déchets qui arrivent chaque semaine. Visite du site avec Thierry Gumbs, l’un de ses responsables.

A l’entrée, fracas de verre brisé, qui sort d’une machine réduit en poudre. « On recycle 700 tonnes de verre par an, c’est beaucoup pour cette petite île », commente Thierry Gumbs. Une fois laissés au bord de la route, que deviennent vos sacs transparents ? D’abord ils passent dans un appareil qui les ouvre et disperse leur contenu sur un tapis roulant. Ensuite, une équipe de quatre hommes retire ce qui ne devrait pas être là. « On trouve de tout. Récemment, on a eu des couches de bébé, par exemple… » Installée en juillet dernier, la machine sépare le verre de l’aluminium. « Tout le verre est recyclé, souvent pour construire des routes ; on en envoie beaucoup à Saint-Martin. »

Poste suivant, la ferraille. «En six mois, on a fait l’équivalent d’une année normale », note Thierry. Elle est compactée en cubes, et envoyée par containers aux Etats-Unis, vers des sociétés qui rachètent les matériaux. «Ça ne rapporte pas énormément, mais c’est déjà bien d’avoir quelqu’un qui accepte de nous prendre le tout. » Avant d’être compressés, les véhicules passent par une station de dépollution, ou trois employés se succèdent pour ôter toute trace de carburant, d’huile, de liquides de refroidissement et de frein. Capacité : cinq véhicules par jour. Difficile d’absorber les centaines d’épaves laissées par Irma.

Les barges indispensables

Au fond du site, le broyeur est à l’arrêt pour maintenance, comme chaque vendredi. «On a la capacité de traiter 15 tonnes en 24 heures, or j’ai 50 tonnes qui entrent chaque jour. D’où les barges», explique Thierry Gumbs. Ces fameuses barges qui coûtent un demi-million d’euros à la Collectivité à chaque trajet sont indispensables pour libérer de l’espace. Actuellement, les détritus de Saline sont emmenés à Public, broyés, puis ramenés à Saline ; la place manque. La quantité de déchets reçue depuis l’ouragan est gigantesque. « Après le cyclone, j’ai pratiquement vécu ici. On a du mettre en place une équipe qui dormait à l’usine, à cause des risques d’incendie, l’absence d’eau, les risques de panne. L’incinérateur était la priorité, mais il fallait aussi se débarrasser au plus vite des frigos par exemple, car la pourriture aurait pu entraîner une prolifération de rats. » Une cinquième barge d’évacuation est partie de l’île dimanche, le ventre plein de nos déchets, direction la Guadeloupe. Et il en faudra d’autres. En plus du surplus énorme engendré par Irma, chaque jour, ce sont encore 300 personnes qui viennent déposer des ordures à Public, jusqu’à 400 le samedi.

Nouvel arrêt devant une, deux, trois hautes montagnes de climatiseurs. Des centaines et des centaines de clims qui doivent être dépolluées de leur gaz et désossées. A côté, les containers vides attendent leur chargement. « En moyenne, on fait partir deux ou trois containers de métal par jour, mais avec la houle récente on a encore été bloqués pendant plus d’une semaine, c’est un nouveau retard. » Et voici la toute dernière acquisition du centre de valorisation des déchets : un broyeur hydraulique de pneus, investissement d’environ 60.000 euros. « Il a un rendement de quatre tonnes par heure », précise Thierry Gumbs. Là aussi, le caoutchouc broyé est envoyé vers les Etats-Unis, où une société le traite et le recycle.

 Près de mille degrés dans l’incinérateur

Le cœur du site, c’est « la boîte », l’usine d’incinération. La tôle verte a été transpercée de part en part par un projectile, pendant l’ouragan, laissant deux trous béants dans les parois. Là-dedans, le four brûle 24 heures sur 24, détruisant entre 15 et 20 tonnes d’ordures chaque jour. « C’est moins que les 50 tonnes qui entrent chaque jour. Il faut pousser la machine. L’an dernier, on a brûlé 12.000 tonnes de déchets, alors que l’usine a été conçue pour 7.000 tonnes. On y arrive », assure Thierry Gumbs, qui est aussi le chef mécanicien des lieux.

Dans la salle des machines, une baie vitrée offre une vue méconnue de Saint-Barth : la fosse dans laquelle sont jetées les ordures. Jour et nuit, trois employés se succèdent pour commander une énorme pince à l’aide d’un joystick, façon fête foraine. Il faut brasser tout ce que contient la fosse, pour que la combustion soit optimale. Dans la salle de contrôle, un ordinateur analyse en temps réel ce qui sort par la cheminée. « Par exemple, pour la poussière, le seuil maximal et de 10 mg par litre d’air. On est à 0,95 actuellement », explique Thierry Gumbs.

Du four, sont extraits séparément des résidus d’incinérations (mâchefers) et des poussières d’incinération, la ferraille qui a été jetée avec les ordures ménagères, par erreur ou je-m’en-foutisme, ainsi que des fumées. Ces dernières sortent à 966 degrés, passent dans la chaudière, en sortent à 208 degrés, puis arrivent dans le système de filtration. Elles sont ensuite éjectées dans l’air par la cheminée rayée, à 136 degrés, sous forme de gaz.

Dans la chaudière, au passage, elles permettent la création de vapeur d’eau (quatre tonnes par heure), dont une partie est envoyée directement vers l’Ucdem (centrale de dessalement d’eau de mer), qui la transforme et parvient ainsi à produire 1.200 m3 d’eau par jour. « Et voilà comment on fait de l’eau avec les poubelles ! »

Tout ce système bien rôdé tourne à plein régime depuis six mois, pour ne pas se laisser déborder par l’afflux post-cyclonique exceptionnel. Et ce n’est pas fini : Thierry Gumbs estime que le rythme normal ne sera pas retrouvé avant fin 2018.

 

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