Saint-Barth - Ine

INE

A la chasse au cabri

Des bénévoles venus de métropole au bénéfice de l’association INE (Island Nature Saint-Barth Experiences) achèvent leurs six semaines de volontariat. Parmi leurs missions, des battues pour capturer des cabris sauvages.

Il est 14 heures sur le parking de la plage de Gouverneur. Sur le sable, une poignée de touristes américains lézardent, femmes sophistiquées et hommes porteurs de boissons fraîches. Côté morne, un groupe de neuf jeunes gens, surtout des filles, se forme. Tous portent le même T-shirt siglé INE, trempé et déchiré, et des chapeaux de paille qui ont visiblement du vécu. Chaussures de randonnées aux pieds, les filles en short ont les jambes griffées et dévorées par les insectes.
Chacun se penche autour de Rudi Laplace, président de l’association INE, qui plaque sur le capot d’une voiture un plan. La pointe de Gouverneur, avec des traits orange représentant les filets et le parc que les bénévoles ont installés à l’avance. On se sépare : deux jeunes hommes montent à l’assaut de la pointe surplombant Chauvette et Gouverneur, talkie-walkie en main ; le reste du groupe part sur le plateau, plus loin de la mer. L’opération se fait bien sûr avec l’accord du propriétaire de tout ce morne, qui n’est autre que Roman Abramovitch.

On commence l’ascension dans la pente abrupte, en essayant d’éviter le bois de houx, les roches qui glissent sous les pieds et les pointes des agaves. « Là ! » chuchote une bénévole qui n’a pas les yeux rivés sur l’endroit où elle met les pieds. Elle désigne deux cabris qui s’enfuient à l’approche du groupe. Très vite on atteint le plateau, où se trouve un mur ancien à moitié effondré. D’énormes cactus cierge, aux troncs et racines épais, sont complètement nus, morts. « Ce sont les cabris qui les dévorent, à force le cactus n’a plus de sève et il meurt », explique Rudi Laplace.

Les filles profitent de cette pause sur le plat pour déguster une poignée de quenettes. La plupart des bénévoles d’INE étudient ou travaillent dans le domaine de l’environnement, en métropole. Ils voient dans ces quelques semaines de volontariat l’occasion de voyager en se rendant utile, de découvrir la biodiversité des petites Antilles, et font de Saint-Barthélemy une porte d’entrée pour visiter la Caraïbe.

Plantées en haut du morne, les filles attendent le signal. Rudi Laplace est parti de l’autre côté, vers l’Anse Chauvette. « Crrrk Crrk… » Le talkie-walkie s’exprime, c’est le moment, elles descendent à leur tour pour se mettre en position. L’étau se resserre autour des cabris, poussés en direction des filets. Au final cet après-midi là, dix bêtes seront capturées, sur un troupeau de 50 à 60 cabris. Parquées, les chèvres sont ensuite emmenées à pied, avec une corde en guise de laisse, auprès des familles Saint-Barth qui en veulent pour consommer la viande. Le colombo ou ragoût de viande de cabri est un mets traditionnel de l’île. Les femelles gestantes sont confiés à des “éleveurs”, au sens traditionnel du terme puisqu’ils ne sont pas agréés en tant que tels.

Les battues se poursuivent jusqu’à mi-novembre dans les mornes de Saint-Barth. Cette première session de six semaines a permis de capturer 49 chèvres, une autre débute avec de nouveaux bénévoles. L’association INE reçoit de nombreuses sollicitations de propriétaires qui souhaitent réguler le nombre de cabris sur leurs terrains. Trop, même, pour pouvoir répondre à toute la demande.
Pour rappel, les cabris en liberté prolifèrent et en broutant tout ce qu’ils trouvent, ils mettent à mal la végétation locale et les espèces qui en dépendent. De plus cela entraîne une érosion des sols vers la mer, ce qui dégrade aussi les récifs coralliens.
A Gouverneur, pour éviter que tout ne soit à refaire, la zone sera cerclée d’une clôture électrifiée. Une citerne et un réseau de goutte-à-goutte ont été installés par les bénévoles, et après mise en place de la pompe solaire, le sol pourra être irrigué afin de favoriser la pousse des végétaux et freiner l’érosion.

Le rêve de Rudi Laplace, c’est que se crée à Saint-Barth une chèvrerie, avec mini-production de fromage de chèvre. Haut-de-gamme bien sûr, pour coller à la clientèle de l’île. Il s’est rendu chez des professionnels en France métropolitaine, et pour lui, c’est réalisable, en croisant nos espèces locales avec des animaux plus productifs en lait, et en créant un petit cheptel d’une cinquantaine de bêtes, parquées et soignées par un éleveur, dans les règles de l’art. Un chèvre frais 100% bio et local, et pourquoi pas ?

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D’autres actions


Les bénévoles d’INE ne font pas que courir après les chèvres. Ils ont pris part à plusieurs nettoyages des fonds marins et des plages, comme ici à Grand-Cul-de-Sac. Ils soutiennent également les deux projets Biorock en cours sur l’île, à Pointe Milou et Saint-Jean, qui visent à favoriser l’implantation et la pousse des coraux grâce à des impulsions électriques. Ils travaillent aussi sur l’étang de Saint-Jean depuis plusieurs années, pour la plantation de la mangrove notamment. Le week-end des locaux se joignent aux volontaires venus de métropole pour les aider dans leurs actions.
> Infos sur la page Facebook INE : “Island Nature Saint-Barth Experiences

Journal de Saint-Barth N°1395 du 28/10/2020

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