Saint-Barth -

Marie-Line Bassette, directrice générale d’EDF archipel Guadeloupe.

Sept ans de travaux et 400 millions d’euros pour une nouvelle centrale électrique

Quelle est la situation de la centrale électrique actuelle ?
Il faut garder en mémoire qu’elle a été bâtie en plusieurs étapes, en plusieurs tranches de construction. La première date des années 1990 et elle a rendu le service qu’on attendait. Mais il faut la rénover. C’est inscrit dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE, ndlr) qui a été élaborée en 2023 par la Collectivité et pour laquelle EDF a eu son rôle d’expert pour fournir les données qui ont permis de déterminer les orientations. De l’autre côté, nous avons les aspects d’évolution de la consommation. Nous avons fait un point sur ce qui avait été inscrit dans la PPE et puis la réalité du terrain qui montre que la croissance est supérieure au scénario le plus bas de cette programmation.

Pour la nouvelle centrale, les besoins ont-ils pu être évalués ?
C’était une des raisons de la rencontre avec la Collectivité et tous les acteurs de l’île. Nous voulions échanger sur la manière de voir les évolutions et la prise en compte de tous les éléments. La PPE s’étend sur une période de quinze ans. Nous, en tant qu’industriels, quand on va construire cette centrale, c’est pour une durée de 25 ans. Donc on projette les besoins potentiels à 25 ans par rapport à ce qu’il se passe aujourd’hui et des éléments dont on dispose. En prenant en compte les particularités du territoire, la double insularité, la difficulté à faire venir les éléments, il vaut mieux construire directement ce dont on aura besoin dans 25 ans plutôt que de construire un morceau puis d’y revenir, ce qui aura des coûts plus élevés.

Qu’implique le manque d’espace dans ce projet de rénovation de la centrale ?
L’absence de foncier va nous conduire à déconstruire l’ancienne centrale pour reconstruire au même endroit. Ce qui implique beaucoup de contraintes. C’est faisable mais c’est moins aisé que d’avoir un autre terrain pour construire « tranquillement » avant de déconstruire l’ancienne centrale. On va donc devoir proposer une centrale temporaire et trouver un terrain pour installer les groupes de secours pendant que l’on est en train de déconstruire. Un point qui a été discuté lors du dernier conseil territorial.

Quand pourraient débuter ces grands travaux ?
La grande difficulté que nous avons en termes d’agenda, c’est que nous nous projetons à partir de la signature de la PPE pour établir les étapes. Mais cela fait plusieurs années que nous sommes en attente. Cela n’empêche pas de réfléchir et de continuer à travailler. Nous avons mené des études et des estimations à partir de nos connaissances. Mais ça reste des estimations tant que nous n’aurons pas lancé les appels d’offres et que les choses n’auront pas été complètement définies. Je ne peux donc pas parler de calendrier. Nous, EDF, on alerte sur le fait qu’il est déjà nécessaire de remplacer la centrale actuelle. Si la croissance (de la consommation, ndlr) continue à être importante, on risque d’arriver à des situations compliquées.

Quelle sera la durée des travaux ?
On est dans l’ordre de grandeur de sept années. On est dans un système à tiroir. Il faut trouver un terrain pour la centrale temporaire, ce qui a été évoqué et décidé en conseil territorial. Quand ce serait fait, on pourra déployer les câbles pour l’alimenter, arrêter les moteurs, les démonter, dépolluer, et après construire.

Dépolluer ?
Tout terrain industriel, quel qu’il soit, même si on est confiant et que les exploitants ont travaillé proprement, doit être inspecté et dépollué. On a déjà fait de nombreuses mesures et on sait que ça peut être un point critique entre l’idée que l’on se fait et la réalité du terrain une fois que l’on va devoir tout déconstruire. Il faut bien faire les choses.
En termes d’avancement, même si on travaille au plus serré, une fois que l’on a fait tout cela, on essaye de paralléliser tout ce qui peut l’être, sachant que chacun des axiomes peut conduire à une dérive dans le temps. Donc on est bien autour de six à sept ans avant d’avoir une nouvelle centrale opérationnelle. A partir du moment où on l’aura décidé, ce qui relève de la signature de la PPE. Il y a eu des remarques faites par la Commission de régulation de l’énergie, qui doivent être levées. Notamment sur les projections de consommation qui ne sont pas favorables, puis différents ministères doivent signer ce document. Mais il n’y a pas que Saint-Barthélemy. Aucune PPE dans les zones interconnectées n’est signée.

Quelle est l’estimation du montant du projet ?
Les ordres de grandeurs que l’on a aujourd’hui pour l’ensemble du projet sont autour de 380 à 400 millions (d’euros). Avec les surcoûts, etc. Mais il ne s’agit que d’une estimation. Le facteur temps a un rôle, mais aussi les contraintes. Le port n’étant pas en eau profonde, le matériel qui sera acheminé devra l’être en plusieurs étapes.

La hausse constante de la consommation à Saint-Barthélemy est-elle un facteur contraignant ?
Sur la consommation, il y a plusieurs aspects. Ce que l’on a fait, c’est se baser sur du réalisé pour établir des projections. Et nous sommes toujours sur une augmentation de la consommation. Plusieurs actions ont été lancées, EDF étant engagée dans toutes les actions de maîtrise de la consommation de l’énergie. Il y a un comité MDE (Maîtrise de la demande de l’énergie) à Saint-Barthélemy qui est réactivé, des actions ont été lancées par la Collectivité. J’ai vu en arrivant les travaux pour installer des panneaux (photovoltaïques). Ce sont autant d’éléments qui vont permettre de réduire la consommation. Comment ça réduit ou limite la croissance, c’est tout l’enjeu des prochains mois. Ce sont des aspects qu’il faudra intégrer dans le dimensionnement de la centrale, pour que l’on n’ait pas à revenir dessus dans 25 ans, et combien on va consommer de cette centrale. 

Quelle va être, entre l’État et la Collectivité, la répartition du financement ?
Je laisserai les acteurs en parler. Des discussions sont en cours pour trouver une entente. Nous, nous sommes experts du domaine. On dit les valeurs et ce qui serait le mieux de construire, de faire attention aux fausses économies, mais dans la répartition je laisserai la Collectivité répondre.
Les échanges avec tous les acteurs sont réguliers. Nous avons le sens du service public et toutes les aides que l’on peut apporter dans la compréhension des marchés et des acteurs, nous le faisons : avec la CRE (Commission de régulation de l’énergie, ndlr), la Degec (Direction générale de l’énergie et du climat), la Collectivité. La réunion avait pour but de mettre à plat l’ensemble des inducteurs de coûts, dans un contexte qui reste mouvant. On a vu ces dernières années que le prix de matériaux pouvait s’envoler. Donc tant que les commandes et les appels d’offres ne seront pas signés, cela reste incertain.


Energie alternative : des aides et primes aux particuliers


Afin d’apporter un relatif soulagement au rythme et au volume de production de la centrale EDF de Public, des aides et autres primes sont proposées par la Collectivité, l’Agence territoriale de l’environnement mais aussi par le biais du comité MDE (Maîtrise de la demande d’énergie) afin d’installer des équipements solaires (chauffe-eau, panneaux photovoltaïques, etc). En mai dernier, la Collectivité a officialisé un accord avec EDF sur le rachat de l’énergie produite localement. Parallèlement, le nouveau cadre de compensation des petites actions de MDE prévoit, sur la période 2025-2028, le versement de 2,64 millions d’euros de primes à Saint-Barthélemy, pour un montant total de 2,2 millions financés par les charges de SPE (Services publics de l’énergie). « Ces actions devraient permettre d’éviter 15,2 millions de surcoûts de production sur la durée de vie des différents dispositifs de MDE mis en place, soit une économie nette de charges de SPE de 13 millions », est-il précisé par la Commission de régulation de l’énergie. 

 

Journal de Saint-Barth N°1632 du 25/09/2025

Une nouvelle centrale EDF pour 400 millions
Conseil territorial/ CeGIDD