Saint-Barth -

« Saint-Barth est passée de la coquille de noix au porte-avions »

Pierre-Marie Majorel, président du CESCE depuis mai 2014, revient sur les dix premières années de l’institution et sur ses prochains travaux.

Quels ont été les principaux travaux du CESCE jusqu’à aujourd’hui ?

En tout premier lieu, le dossier de la Caisse de Prévoyance Sociale a été pris à bras-le-corps par l’ancienne équipe du CESCE. Il faut rendre à César ce qui appartient à César.

L'excédent des cotisations sociales constaté et qui ne profitait pas à Saint-Barth mais à la Guadeloupe a invité la Collectivité territoriale à travailler sur le sujet. Nous l'avons accompagnée. Depuis, la population bénéficie d'un meilleur confort grâce à un guichet unique de prestations sociales.

La mise en place d'une caisse autonome présuppose quant à elle une responsabilisation financière. En obtenant ce guichet, la Collectivité a franchi un premier pas. Depuis, il est possible de mieux cerner encore les données, avant, peut-être, de passer à l'étape suivante visant l'autonomie de gestion de l'organisme. Ce n'est pas chose facile, d'autant que le guichet ne s’adresse pas encore aux indépendants ni aux retraités. Nous avons gravi la première marche, il en reste encore quelques unes, mais un tel projet ne peut pas se construire en 48 heures.

Vous avez publié depuis plusieurs études qui ont fait parler : transition énergétique, mobilité…

Lorsque j'ai été élu, j’ai souhaité réaliser un programme d'études cohérentes afin d'ouvrir les débats qui me semblaient importants voire primordiaux, comme celui de la transition énergétique ou celui de l’aménagement du territoire. Le monde entier s'oriente et prend les mesures ad hoc pour la mise en place de la transition énergétique, et Saint-Barth ne devait pas se laisser distancer, d'autant qu'elle a su être aux avant-postes de l'innovation (l'usine cyclergie par exemple). Par ailleurs, j'ai été sensible aux démarches engagées par quelques personnes qu'il fallait absolument accompagner, mettre en exemple, d'autant que sans énergie, rien n'est possible.

Parallèlement, j’ai toujours en tête "l’apaisement" en matière de construction. Il paraît désormais incontournable de trouver les moyens d'apaiser l’île en la matière, sans quoi nous risquons de mettre en péril à plus ou moins brève échéance notre cœur de métier qu'est le tourisme. Par ailleurs, il faut aussi que la population puisse vivre le plus agréablement possible. Avant tout au moyen de moins de nuisances.

Notre institution, qui représente la société civile - si chère au président Macron - a pour objet d'éclairer la classe politique. Nous faisons donc appel, autant que faire se peut, à la mise en commun de nos points de vues, nos idées, nos ressentis, nos informations (nombreuses), au partage, à l’horizontalité et à la responsabilité, afin de proposer des voies de développement au Conseil Territorial pour l’avenir de Saint-Barth.

Le sujet dont tout le monde parle et qui devient un vrai casse-tête pour les autochtones comme pour les touristes sont les déplacements dans l’île. Les retours des nouveaux touristes stigmatisent malheureusement cet état de fait et cela doit être pris très au sérieux.

Des ingénieurs du groupe Suez ont été sélectionnés dans le cadre de la commission mobilité du CESCE. Cela a permis d'ouvrir de nombreuses voies, des solutions sympathiques, quelques fois qui semblent utopiques compte tenu de la valeur du foncier, mais qui ont le mérite de s'inscrire dans l’innovation. La télécabine entre Saint-Jean et Gustavia, par exemple, a beaucoup plu.

Quel sera le thème du prochain grand dossier du CESCE ?

La commission sur l'aménagement du territoire est un vaste sujet et le premier volet fut celui de la mobilité. Le suivant est plus d'ordre économique et social. Passionné d’économie, j'ai pensé qu’une étude sur la réalité de celle de Saint-Barth serait la bienvenue.

L'idée est de chiffrer de façon la plus exhaustive possible la valeur et le dynamisme des différents secteurs qui la composent et d'en déduire les solutions à apporter pour prioriser le secteur du tourisme local, plutôt haut de gamme. Le dernier rapport de l'Iedom (*) présente des chiffres qui indiquent que les principaux revenus de la Com ne sont pas directement liés au tourisme, loin s'en faut. Notre commission a donc pour vocation d'explorer des voies visant à encore mieux valoriser le tourisme ainsi que la gestion de ses revenus auprès du budget de la Collectivité.

D’autres projets ?

Oui. J'ai effectivement souhaité intéresser les élèves du collège, qui me semble-t-il, doivent connaître nos institutions. D’abord, de façon à ce qu'ils puissent comprendre comment elles fonctionnent, pour ensuite, pourquoi pas, susciter leur intérêt en la matière dans l'avenir. Les élèves intéressés viendront à une assemblée plénière, et seront invités à prendre la parole pour s'exprimer sur des sujets conjoncturels.

La Collectivité a l’obligation de lire vos avis au conseil territorial. Ils sont seulement consultatifs. Quelle place vous réservent les décisionnaires ?

Le CESCE est un organisme public, la troisième institution de l'île. Notre objectif est d'éclairer la Collectivité, la soutenir dans ses démarches et le cas échéant d'ouvrir des débats. Le CESCE est un observatoire de la société civile, ce qui lui donne toute sa valeur.

Nos efforts semblent peu à peu être reconnus par la Collectivité (on attendra un peu pour les récompenses), dont je salue ici la gestion au passage. Une preuve en est : celle de notre budget de fonctionnement qui nous est alloué par ses soins…

Sans pouvoir décisionnaire, la seule voie du CESCE est de convaincre au moyen de travaux pieusement réfléchis. C'est toute la difficulté de notre tâche, même si parfois cela peut faire grincer des dents : il y va de l'intérêt général.

En dix ans, Saint-Barth est passée "d'une coquille de noix au porte-avions" pour paraphraser une réplique de cinéma, d’une petite commune de Guadeloupe à la puissance d'un navire de guerre. De fait, nous avons eu la chance d'avoir pu démarrer sur une page blanche. C’est passionnant, il y a de belles choses à faire. De plus, nous avons les moyens de le faire tant que la Collectivité nous donnera les moyens de travailler. Ce dont je ne doute pas !

(*) Institut d'émission des départements d'outre-mer


JSB 1258