Saint-Barth -

Robert Bonneau nous a quitté

« Né en Charente-Maritime en 1951, Robert aimait préciser : « Je suis né à Marennes, dans une huître, donc je suis une perle ! ». Ostréiculteur à la Barre de Mont, très jeune, il se fait remarquer en secourant plusieurs fois quelques touristes imprudents au passage du Groix. C’est là bien des années plus tard qu’il me fait déguster sa fameuse huitre P.M.G. élevée avec beaucoup d’attention dans une claire spéciale et réservée uniquement Pour Ma Gueule (P.M.G).
Après avoir travaillé sur le pont de Noirmoutier, puis aux ports de Basse-Terre et Pointe à Pitre, il débarque à Gustavia dans les années 80.
Robert travaille d’abord comme marin-pêcheur en réexpédiant les produits de sa pêche en Guadeloupe, il rentabilise le transport avion des produits frais en provenance de Guadeloupe.
En 1988, il ramène des Sables d’Olonne un ancien chalutier en bois « Le Dakar » que nous déclarons pêche et transport. Ce navire nous permet de ramener en Guadeloupe le produit de la pêche des Saint-Barth et au retour les produits frais de Guadeloupe.
Le 20 décembre 1991 à la suite d’une forte houle, deux planches du bateau sautent et malgré tous les efforts insensés de Robert, notre bateau coule, entre Saint-Martin et Saint-Barth, avec à bord tous les produits festifs qu’AMC attendait pour Noël. Heureusement, l’équipage fut sauvé par le navire Polar Trans. Le trouvant seul sur le quai au petit-matin, à ma question où est le bateau, il répond avec son flegme habituel : « Il a fait un trou dans l’eau. »
Peu de temps après, il ramène des bayous de Louisiane, un crevettier en métal que nous baptisons « Le Dakar II ». Et ainsi nous avons pu reprendre notre trafic inter-île assurant l’approvisionnement des établissements AMC dans de biens meilleures conditions qu’aujourd’hui…
Le cyclone Luis a jeté son dévolu sur Saint-Barth et Saint-Martin en septembre 1995. Robert comme à son habitude, le cœur sur la main, aide tous les “voileux” paniqués de Saint-Barth à protéger leur bateau et au moment de rejoindre le lagon de Saint-Martin pour se mettre à son tour à l’abri, son matériel laissé sur le quai de Public a disparu… Il décide alors de rester à bord avec son fils Fabrice et un matelot. Très vite le bateau décroche et ils doivent affronter pendant plus de deux jours la furie des vagues et du vent. Tout le monde les croyait perdu. Ce n’est qu’au troisième jours qu’ils rentrent au port, acclamés par tous. Ils retrouvent avec beaucoup d’émotion et de retenu leur famille. Très vite, il rejoint le lagon de Saint-Martin pour aider sans relâche les sinistrés, le plus souvent bénévolement. Son épopée, il en a très peu parlé car trop dure à raconter, précisait-il. (Il faut savoir que l’ancien nom du crevettier était « The Survivor ». Sans commentaire).
Deux ans plus tard, un nouveau cyclone s’abat sur les îles du Nord lorsque Robert est absent de Saint-Barth, le navire Dakar II dérive et finit par s’écraser sur le quai de Corossol. Robert le répare comme il peut et en fait sa demeure. Celui-ci disparait définitivement avec un autre cyclone.
Il crée alors avec ses fils l’armement « Bonneau et fils » et continue sans difficultés à desservir Saint-Barth et Saint-Martin depuis la Guadeloupe. Plus tard il se retire à Saint-Martin pratiquant un de peu pêche et logeant sur le lagon jusqu’au passage d’Irma. Lors d’un changement de direction du vent, le bateau se renverse. Robert reste empêtré longtemps dans le cordage avant de pouvoir s’extraire et s’accrocher à la mangrove et survivre une fois de plus.

C’est au cours des dernières fêtes de fin d’année qu’il passe avec ses enfants, que nous avons pu partager un moment au Domaine Félicité. Tout en dégustant un punch Pomme Surette, en compagnie de son fils Vincent surpris de notre complicité, nous devisons longtemps sur notre passé commun.
Ce sera hélas notre dernier entretien car aujourd’hui il nous a quittés et j’aimerais m’associer à sa famille pour partager, avec elle, sa peine.

Merci Robert pour toutes ces années passées en ta compagnie. Merci pour ta sincérité et ton humilité. Ton souvenir hantera longtemps notre vie. Puisses-tu désormais lors de ce dernier voyage sur les vagues éternelles nous éclabousser d’embruns de la générosité que tu savais si bien nous prodiguer.
Au revoir, Robert, bon vent et bonne mer. »

Alain Magras

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L'hommage de Jean-Claude Latournerie

«  Au revoir au P’tit Robert ! »

« Robert Bonneau nous a quitté jeudi 2 mars 2023. Et cela nous attriste beaucoup car le P’tit Robert avait une personnalité attachante, pleine de malice et de bonne humeur !
Ceux qui ont vécu dans les années 80-90 à Saint-Barth ne doivent pas oublier que s’ils avaient des yaourts ou d’autres produits frais, c’était souvent grâce au travail assidu de Robert Bonneau, à bord des bateaux Dakar, Dakar II et Amanda (1988-1998).
Au-delà de son rôle si important qu’il a joué pour désenclaver l’île de Saint Barthélemy et permettre à son économie de développer, ce sont les anecdotes amusantes qui viennent tout de suite à l’esprit quand on pense à Robert, et qui suscitent le sourire :
• Lors d’un trajet de Voyager 1, Robert décide en cours de traversée d’aller voir ses cousins qui sont à l’île fourchue… Il saute du bateau avec son masque et tuba, et nage jusqu’à l’ile Fourchue sous les yeux stupéfaits des touristes à bord, et le regard complice et amusé de notre Capitaine Fred…
• “Si moi, je suis le P’tit Robert, toi, tu es le grand Larousse” disait-il souvent à notre (grand et roux) Capitaine Hervé de Voyager 2 !
• Nous avons aussi le magnifique souvenir d’une incroyable fête sur le Grand Ilet du lagon de St Martin, avec Robert arrivant sur la scène déguisé et en moto, telle une star !
• Durant le cyclone Irma, Robert n’a bien sûr pas voulu quitter son petit bateau dans le lagon de St Martin mais lors d’un changement de direction du vent, le bateau se renverse, Robert doit sauter à l’eau et se réfugier pendant la fin du cyclone dans la mangrove, avec un autre marin naufragé... Interrogé dans la vidéo qui suit, il confirme que Irma était vraiment plus fort que les autres cyclones qu’il avait connu (depuis le cyclone David en 1979 !) et dit simplement “ça va” quand on lui demande comment cela s’est passé pour lui. Quel courage et modestie, quand on sait la dure épreuve qu’il vient de subir…
Alors, bon vent au P’tit Robert, qui restera toujours dans nos cœurs…
Jean Claude et toute l’équipe du Voyager, témoignent de leur affection à sa famille et amis, et pensent à eux dans ces moments difficiles. »

Journal de Saint-Barth N°1510 du 10/03/2023

Une consommation qui assèche l'île
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