Saint-Barth -

Les Européens aussi devront obtenir la permission de la Collectivité pour travailler

Une préférence nationale pour l’emploi : la Collectivité souhaite se doter d’un code qui précise les conditions d’accès au travail des étrangers sur le territoire. Si le dispositif est déjà appliqué par le conseil exécutif depuis janvier 2018, il intégrerait désormais les ressortissants européens, notamment les nombreux Portugais qui travaillent sur l’île. Le conseil territorial doit étudier la question demain 12 juillet.

 

Le travail détaché permet à un ressortissant d’un pays de l’Union européenne de travailler dans un autre Etat membre, PTOM inclus, en bénéficiant du niveau de rémunération en vigueur sur son lieu de travail, mais en conservant les cotisations sociales de son pays d’origine. Cette disposition est régulièrement dénoncée en France où les cotisations sociales étant élevées, nombre d’entreprises font venir des travailleurs d’autres pays qui leur coûtent moins cher, faussant la concurrence sur le marché du travail. Les règles du travail détaché seront d’ailleurs durcies par Bruxelles à compter du 31 juillet 2020.

 

Mais à Saint-Barth, dans le contexte de l’après Irma, la Collectivité souhaite aller plus loin et plus vite. Et appliquer aux étrangers issus de l’UE les mêmes règles qu’aux étrangers non communautaires.

 

La Com souligne que la police territoriale a dénombré 211 départs et arrivées de travailleurs détachés en 2018, un chiffre qui ne serait que la partie émergée de l’iceberg. La Com s’inquiète que le recours aux travailleurs détachés, qui reste souvent plus favorable que de faire appel aux entreprises locales, notamment dans le BTP, favorise les situations de logement précaire voire indigne. Elle déplore aussi un manque à gagner pour la caisse de prévoyance sociale locale.

 

« Il ne s’agit pas de remettre en cause la communauté portugaise »

Bruno Magras avait évoqué cette question lors d’un conseil territorial au mois d’octobre dernier, au préalable d’un rendez-vous avec la ministre du Travail Muriel Pénicaud sur ce sujet précis. «On a des entreprises européennes qui viennent travailler à Saint-Barthélemy. Pourquoi pas, on a rien contre les Européens, d’autant plus qu’il y a aussi des gens de Saint-Barthélemy qui vont travailler en Europe. Nous avons également une communauté portugaise de plus de 1.200 personnes, il ne s’agit pas de remettre en cause cette communauté qui nous est fort utile ; je ne sais pas ce que nous aurions fait si nous ne les avions pas eu après Irma», expliquait-il alors. « Il n’y a pas beaucoup d’habitants de Saint-Barthélemy qui vont travailler en Europe, mais c’est une possibilité. Va-t-on m’opposer le fait que parce que des habitants de Saint-Barth peuvent travailler en Europe, il faut que les Roumains ou Lituaniens viennent travailler à Saint-Barthélemy ? Un Lituanien acceptera d’être payé au Smic, pas un Saint-Barth. Je souhaite que la ministre prenne ça en compte. » Visiblement, le gouvernement a été sensible aux arguments du Président de la Collectivité, puisque le projet n’attend plus que l’aval du conseil territorial.

 

C’est son statut de PTOM qui permet à Saint-Barth de pouvoir fixer ces règles, qui entreraient en vigueur immédiatement.

 

Salaire et logement décents, emploi local d’abord

Depuis janvier 2018, les employeurs de personnels étrangers hors Union Européenne doivent déjà montrer patte blanche à la Collectivité. Pour embaucher un étranger, ils doivent prouver qu’ils n’ont pas pu trouver candidat adapté sur le territoire, et que leur salarié dispose d’une rémunération et d’un logement décents.

 

Cette disposition avait été prise en accord avec la préfecture, début 2018 (JSB 1263). Au lendemain d’Irma, avec le besoin massif de main d’œuvre pour reconstruire, les autorités craignaient un appel d’air trop important et un éventuel déséquilibre social. Depuis, si c’est toujours la préfecture qui délivre les titres de séjour, le conseil exécutif statue sur chaque demande d’accès au travail des étrangers.

 

115 dossiers examinés en 2018, dont 84 accordés

En 2018, les sept élus du conseil exécutif ont examiné 115 dossiers (dont certains concernent plusieurs employés d’un coup). 31 demandes ont été refusées, 84 accordées. La plupart émanent d’hôtels pour des postes de lingères, plongeur(se) en restauration, femme de chambre. Les métiers du BTP sont aussi représentés, plus à la marge. A chaque changement de contrat de travail, la demande doit être reformulée.

 

Précarité du contrat de travail, pas de publication d’annonce à Pôle Emploi avant l’embauche, profession qui n’est pas en tension ou introuvable à Saint-Barthélemy, ou tout simplement dossier incomplet : les raisons des refus sont stipulées à chaque fois, et les remarques du service main d’œuvre étrangère de la Collectivité (créé le 1er janvier 2019) sont jointes au dossier, avec potentiellement des informations sur les conditions de logement et de rémunération des employés. Parfois les sociétés revoient leur copie : certains dossiers refusés reviennent devant le conseil exécutif, notamment avec des CDD transformés en CDI.

 

Assouplissement sur la résidence et la profession

Le futur code de l’accès au travail des étrangers précise en noir sur blanc toutes ces dispositions. Avec des exceptions et un assouplissement. Certains emplois de courte durée (mannequins, artistes, nounous) sont exemptés d’autorisation de travail. Et les étrangers pouvant justifier d’une résidence de plus de cinq ans à Saint-Barthélemy pourront être recrutés sans que l’employeur n’ait à justifier de la publication d’une petite annonce sur Pole Emploi et un journal local durant trois semaines. Ce qui n’exonère pas le recruteur de justifier de conditions de logement et rémunération correctes.

 

Jusqu’à 4.000 euros d’amende

Le code prévoit des sanctions administratives pour les employeurs qui ne se plieraient pas à cette règle, avec des amendes jusqu’à 4.000 euros par salarié, et jusqu’à 8.000 euros en cas de répétition des faits. Ces sanctions seraient prononcées par le conseil exécutif, en parallèle d’éventuelles poursuites pénales pour travail illégal.

 

Les entreprises qui emploient déjà des étrangers non communautaires disposent d’un délai jusqu’au 1er janvier 2020 pour régulariser leur situation.



JSB 1334

Journal de Saint-Barth N°1334 du 11/07/2019

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