La majorité des élus du conseil territorial a rejeté l’approbation du compte financier unique (CFU) 2024 lors de la réunion qui s’est tenue hier, le vendredi 27 juin, en l’hôtel de la Collectivité. Le CFU réunit le compte administratif établi par la Collectivité et le compte de gestion élaboré par le comptable public. Un document qui a pour objet de retracer l’ensemble des dépenses et des recettes de l’année écoulée. Ainsi, le CFU se doit d’être un outil de transparence permettant aux administrés, donc à la population, de comprendre (dès lors que le document est publié et consulté) les enjeux budgétaires de la Collectivité et d’exposer les opérations financières de la gouvernance. Le compte financier unique doit être approuvé par les élus avant le 30 juin. Or, le vendredi 27, une partie des conseillers territoriaux a choisi de le rejeter.
« Pas très malin »
Les huit élus du groupe Action-Équilibre ont voté contre l’approbation tandis que les six de Saint-Barth d’Abord se sont abstenus. Le groupe présidentiel, qui ne compte que quatre élus en plus de Xavier Lédée, a voté pour l’adoption de la délibération. Celle-ci a donc été rejetée (4 voix « pour », 8 « contre » et 6 abstentions). Confronté à sa position minoritaire au sein du conseil territorial, le président Lédée n’a pas cherché à dissimuler sa contrariété et son agacement. Après avoir annoncé la clôture de la séance, Xavier Lédée a ainsi déclaré : « Ne pas voter un CFU, c’est quelque chose qui n’est pas très malin et qui n’a pas beaucoup de sens. A part emmerder les services, une fois de plus. Il faut regarder à quoi ça correspond avant de voter, ce serait pas mal. »
« De lourdes conséquences »
Dans la foulée, par le biais d’une courte (1 minute et 31 secondes) vidéo publiée en ligne, d’abord sur la page Facebook de la Collectivité territoriale puis sur celle intitulée « Xavier Lédée » (non sans l’avoir également relayée sur le groupe intitulé « Xavier Lédée – Président du conseil territorial de Saint-Barthélemy »), le président Lédée a dénoncé « une atteinte caractérisée à l’autonomie financière » de Saint-Barthélemy. Dans cette vidéo, il affirme : « Le CFU a pour seul objectif de valider les comptes de la Collectivité et la sincérité des dépenses et des recettes qui s’y trouvent. Une procédure d’enregistrement et de validation des comptes qui, si elle n’est pas votée, à de lourdes conséquences. Que ce soit sur le fonctionnement quotidien de la collectivité mais aussi sur les investissements en cours. Le représentant de l’État serait dans ce cas chargé de soumettre le compte à la Chambre régionale des comptes qui au final le validera car ce document ne souffre d’aucune ambigüité. Le travail réalisé par la direction général des services et la Trésorerie de Saint-Barthélemy est exemplaire et reconnu par tous. »
Un deuxième vote lundi, en urgence
A peine plus d’une heure après la clôture de la séance et face à l’urgence exprimée par le président Lédée, les élus ont reçu une convocation pour une réunion du conseil territorial, ce lundi 30 juin à 17 heures. Deux délibérations sont inscrites à l’ordre du jour : l’approbation du compte financier unique 2024 (rejetée vendredi) et l’affectation du résultat définitif de fonctionnement de l’exercice 2024 (retiré de l’ordre du jour de vendredi en raison du rejet du CFU).
Des questions d’élus restées sans réponses
Ce samedi 28 juin, en fin de matinée, le groupe Saint-Barth d’Abord dirigé par la 4e vice-présidente de la Collectivité, Alexandra Questel, a publié un communiqué en ligne afin d’expliquer la position adoptée par ses six élus. « Notre groupe n’ayant pas voté le budget, il ne peut pas se prononcer sur le bilan de l’année 2024, ce serait l’équivalent d’approuver le procès-verbal d’une assemblée à laquelle nous n’étions pas présents, est-il indiqué. La responsabilité d’approuver ces comptes incombe donc à la majorité qui s’est fait élire. » Et le groupe SBDA de préciser : « Plusieurs questions ont été soulevées par les élus, tant publiquement que lors des différentes réunions où sont représentés les trois groupes, sans que des réponses précises ne soient apportées pour garantir la sincérité des comptes. En conséquence, le président n’a pas obtenu la majorité nécessaire à l’adoption du compte 2024. »
L’enveloppe "déplacement" entièrement consommée ?
De fait, par la voix de Bettina Cointre, les huit élus du groupe Action-Équilibre ont formulé plusieurs explications pour expliquer leur vote défavorable. Ils ont notamment fait état de dépenses qui « comprennent le salaire versé à un agent qui n’a pas de poste réel et qui ne travaille pas sur le poste pour lequel il a été recruté ». Ils évoquent également, toujours par la voix de Bettina Cointre, « l’enveloppe budgétaire votée et allouée aux déplacements » qui aurait été « entièrement consommée ». L’ancienne 2e vice-présidente (évincée lors de la refonte du conseil exécutif, le 3 juin dernier) déclare : « Pour rappel, en février 2022, un marché de 500.000 euros avait été passé pour les déplacements et il devait couvrir quatre années. Cette somme a été consommée et en juillet 2024 un avenant à ce marché a été voté pour une valeur de 250.000 euros. Cette somme a été utilisée complètement en 10 mois. » L’élue remarque alors que « les déplacements des élus à des fins de représentations de la Collectivité devraient faire l’objet d’une communication auprès de tout le conseil territorial » et affirme que « malgré plusieurs demandes » de clarification depuis le mois de septembre 2024, « il n’y a aucune transparence à ce niveau, aucun rapport ou compte rendu n’ont été transmis ». Assis à la droite de Bettina Cointre en conseil territorial, Xavier Lédée n’a pas apporté de réponse (ni confirmation, ni contestation) aux arguments soulevés lors de l’intervention de son ancienne 2e vice-présidente. Le président s’est contenté de préciser : « C’est une erreur de lecture de ce qu’est un CFU. Ce n’est pas la gestion de la collectivité qu’on vous demande de voter mais simplement la fidélité entre ce qui est écrit et ce qui a été dépensé. C’est un document purement administratif. »
« Aucune incidence sur la gestion 2025 »
Pour le groupe Saint-Barth d’Abord, qui pour rappel s’est abstenu lors du vote du CFU vendredi soir, le rejet de l’approbation du compte financier unique « n’a aucune incidence sur la gestion de 2025 ». Cette « non-approbation » n’a, selon les élus de SBDA, qu’une conséquence. « Elle déclenche simplement une procédure anticipée de révision des comptes par la Chambre régionale des comptes (CRC), dont les contrôles et rapports sont déjà en cours », assurent-ils, avant d’ajouter : « À titre d’exemple, la CRC (Chambre régional des comptes, ndlr) a publié en 2023 un rapport que le Journal de Saint-Barth a relayé. Ce document, accessible en ligne et public, apporte des éléments de clarification sur certaines lignes comptables. Dans la situation actuelle, ce rapport permettra de répondre aux interrogations des élus sans altérer la conduite des affaires courantes. Il n’y a donc pas lieu de s’alarmer : l’absence de majorité n’est pas une surprise, et ce vote n’entraîne qu’un contrôle anticipé. »
Des positions inamovibles ?
A priori, la position des élus du groupe Action-Équilibre vis-à-vis du CFU ne devrait pas changer lors du vote de la réunion du conseil de lundi. Quant à celle des conseillers territoriaux du groupe Saint-Barth d’Abord, à la lecture de la conclusion de leur communiqué, il est probable qu’elle reste aussi la même. Néanmoins, compte-tenu des volte-face déjà constatées depuis le début de la gouvernance, en mars 2022, avancer avec des certitudes paraît on ne peut plus périlleux. Par conséquent, seuls les votes enregistrés lors de la séance publique de lundi, qui débutera à 17 heures dans la salle des délibérations de l’hôtel de la Collectivité, apporteront des réponses quant au devenir du compte financier unique 2024.