Les élus, réunis le jeudi 23 octobre en conseil territorial, ont acté la reconstruction de l’hôpital Irénée de Bruyn à Gustavia et ont validé des évolutions au budget pour 2025. Certains ont regretté le fait que plusieurs projets stagnent depuis des années.
Cette fois, c’est sûr : l’hôpital Irénée de Bruyn sera bien reconstruit sur son site actuel à Gustavia. Avec une Maison de la Santé et des logements. Les élus de la Collectivité l’ont acté ce jeudi 23 octobre, dans la douleur, lors d’un conseil territorial de cinq heures où les échanges ont parfois tourné aux règlements de compte personnels.
Certains conseillers territoriaux ont mis le doigt sur l’extrême lenteur de plusieurs projets qui accumulent les retards. Par exemple, le Centre culturel ou le pôle handicap. « Depuis trois ans que je suis élu, j’ai l’impression de toujours signer la même chose, regrette Dimitri Lédée. Les mêmes sujets reviennent année après année et nous continuons en conseil à faire des chèques en blanc. » Une position partagée par Micheline Jacques : « Cet immobilisme entraîne des surcoûts astronomiques sur le dos des contribuables. Nous devons faire attention à notre façon de gérer la Collectivité. »
Des débats plus calmes ont permis d’entériner d’autres dossiers, tels que le Plan territorial d’agriculture durable (PTAD), l’exonération des droits de quai pour les associations reconnues d’utilité publique, la gestion du Marché de Saint Barthélémy par le service culture et communication – et non plus par les services techniques -, et deux décisions sur le foncier.
Des hausses de frais dans le budget
« Les recettes de la Collectivité sont très bonnes, avec un excédent de 13 millions d’euros », se réjouit Xavier Lédée, ouvrant ainsi le premier chapitre de la séance, à propos de modifications budgétaires. Il est proposé aux élus de revoir à la hausse les dépenses et recettes de fonctionnement, calculées en mars dans le budget primitif, pour un montant de 14 millions d’euros. Les recettes et dépenses d’investissement doivent également faire l’objet d’une augmentation de 98.900 euros.
Une des lignes de frais concerne les sargasses. «350.000 euros supplémentaires, cela porte le coût de leur gestion à 7,5 millions d’euros, note Micheline Jacques. Mais concrètement, à quoi est-ce que ça correspond ? » « Nous avons travaillé sur un projet d’étude et de maîtrise d’œuvre pour installer des barrages en mer et limiter le plus possible leur arrivage sur terre, lui répond Rudi Laplace. Un marché public sera lancé bientôt. » Avec l’objectif de mettre en place ces barrages d’ici deux ans, d’après l’élu. Le comité technique en charge du dossier planche aussi pour que les algues stockées à Saint-Jean puissent être évacuées par barge. Un processus qui devrait également faire l’objet d’un appel d’offres bientôt.
Deux millions d’euros suspendus pour le pôle handicap
Le pôle handicap, qui sera construit sur l’actuel site de la fourrière à Saint-Jean, n’est pas près de sortir de terre. Les élus ont acté que les deux millions d’euros qui étaient dédiés, dans le budget 2025, à la structure – composée d’un Institut médico-éducatif (IME) et d’une Maison d’accueil spécialisée (MAS) - sont suspendus. Ce qui signifie que ces frais ne seront pas dépensés d’ici la fin de l’année, ils restent en stand-by. «C’est un immense regret que l’IME soit encore retardé, déclare Micheline Jacques. J’adresse mes sincères excuses aux familles car ce n’est pas les respecter. »
Cécile Tessier pointe un autre problème : « Il faut absolument trouver un nouveau professeur spécialisé. » L’élue rappelle que le contrat de l’enseignante travaillant actuellement à l’IME provisoire d’Anse-des-Cayes se termine au mois de décembre. « Si on ne recrute pas quelqu’un bientôt, les familles seront obligées de remettre leur enfant atteint d’un handicap dans des écoles pas forcément adaptées… », soupire la présidente de la commission des affaires sociales. Le président indique être en discussion avec le rectorat et l’ARS. « Je ne perds pas espoir de faire bouger les lignes », affirme Xavier Lédée, qui explique aussi que « dès que la fourrière à Saline sera ouverte, nous commencerons les travaux de dépollution des sols à Saint-Jean. »
En attendant, une MAS temporaire pourrait voir le jour. « L’hôpital Irénée de Bruyn a mis un espace à disposition», informe le président. «Nous avons discuté pendant tout le mois de septembre avec les associations, ajoute Cécile Tessier. Nous espérons que cette MAS temporaire ouvrira en mars 2026. »
Le pôle handicap n’est malheureusement pas le seul chantier à être à l’arrêt. Il n’y a qu’à voir le trou dans la roche à Gustavia, resté béant depuis des mois. Cinq millions d’euros étaient fléchés pour le financement des travaux du Centre culturel cette année. Leur suspension a également été actée pendant le conseil. « Est-ce qu’on pourrait finir de réaliser des projets durant notre mandature et pas dans 15 ans ? Même si je sais déjà que je serai vieux lorsque certains seront terminés », lance avec amertume Dimitri Lédée.
Un sol défectueux à la ferme pédagogique
La question est sur toutes les lèvres : quand la ferme pédagogique de Gouverneur, inaugurée le 4 juillet en grande pompe, va-t-elle ouvrir ? « Fin octobre-début novembre », assure le président Xavier Lédée. Pourtant, 450.000 euros sont ajoutés à son budget de départ lors du conseil. Pour la mise en place d’une citerne incendie, notamment. Mais pas uniquement. « Le sol souple de la zone de jeux a été abîmé par les récentes intempéries, il faut le remplacer », indique Fabrice Querrard. « Ce sol n’était pas garanti ? » s’étonne Sylvère Gréaux. Silence confus. « Non, nous n’avions pas de réserves au moment de sa livraison », répond bredouille le conseiller territorial au numérique.
Le président apporte une précision laissant penser que ce problème aurait pu être anticipé : « Le choix du sol souple était censé être innovant. Il coûtait plus cher. La société qui l’a installé avait alerté sur le fait qu’il n’était peut-être pas adapté à Saint Barth. » Quelques sourcils se lèvent. « La Collectivité en a fait fi et il pose déjà souci. »
Un murmure agacé parcourt l’assemblée. Bettina Cointre demande à quelle date le sol pourra être changé. Fabrice Querrard réfléchit. « Le temps de repasser le marché public, je dirais pour le premier semestre 2026. » « Donc, commence Bettina Cointre d’un ton calme et maîtrisé qui laisse poindre son exaspération, nous avons fait une inauguration en juillet, nous allons ouvrir partiellement fin octobre-début novembre, pour finalement une ouverture totale en 2026 ? » Face à ce constat décevant, personne ne pipe mot.
Ce 29 octobre, la ferme des Iles a annoncé sur Facebook son ouverture dès le lendemain, le 30, à 8h.
Une régulation du trafic des taxis
Les élus ont décidé de réguler l’activité des taxis sur l’île. Les conseillers ont ainsi voté pour pérenniser les licences temporaires. Ils ont également adopté une délibération afin d’autoriser trois nouvelles licences pour les véhicules lourds. Pour information, environ 18.000 véhicules circulent aujourd’hui à Saint Barth.
La reconstruction de l’hôpital Irénée de Bruyn actée à Gustavia
La bataille politique entre les élus est devenue féroce au moment d’évoquer le projet de reconstruction de l’hôpital Irénée de Bruyn. Avec une arme redoutable : la parole, que l’on coupe et qu’on monopolise pour prendre le dessus sur son adversaire. En s’appliquant à rendre coup pour coup bas.
L’option proposée aux conseillers est d’acter un accord de principe pour la reconstruction de l’établissement sur son site actuel à Gustavia. L’ajout d’une Maison de la Santé et de logements est également prévue. La Collectivité a proposé d’engager ses finances à hauteur de 28,8 millions pour ce projet qui en coûte 33,3. Les 4,7 millions restants proviendront de l’enveloppe attribuée à Saint-Barthélemy dans le cadre du Ségur de la santé.
Mais ce scénario divise. Il y a ceux qui sont pour. D’après ces élus –des membres d’Unis pour Saint Barth et de Saint Barth d’Abord– le choix de Gustavia est logique car central. Il permet de créer un hub médical destiné « à faciliter le parcours de soin des patients. » L’hôpital pourra continuer de fonctionner durant les travaux, même en « version dégradée ». La question du foncier – on ne sait toujours pas qui est propriétaire des terrains – ne pose pas de problème majeur. Les perturbations sur les routes, à cause des camions de chantier, et les nuisances sonores pour les patients et les résidents de l’EHPAD non plus.
« Il faut que ce projet avance, martèle Micheline Jacques. Que l’État ou que la Collectivité soit propriétaire des terrains, la finalité sera la même : apporter de meilleures conditions pour la santé. » «Si les travaux ne démarrent pas en 2026, nous perdrons les fonds du Ségur de la santé», ajoute l’élu indépendant Francius Matignon.
Et il y a ceux qui sont contre. Action Équilibre, principalement, regrette que l’option de construction à Saint-Jean n’ait pas été davantage explorée. Bettina Cointre lit une déclaration au nom du groupe : « Aucune étude n’a été réalisée pour le site de Saint-Jean, qui est plus grand et à proximité de la caserne et de l’aéroport. Il présente une cohésion territoriale évidente. Allons-nous vraiment subventionner un terrain en centre-ville, enclavé et exigu, qui n’est peut-être pas le nôtre ? » La médiation pour régler l’aspect du foncier doit prendre fin dans deux mois. « Je ne m’opposerai pas à la construction d’un hôpital, où que ce soit, mais ce n’est pas de ça dont il s’agit aujourd’hui, tonne Marie-Hélène Bernier. On nous demande d’investir sans savoir si on est propriétaires ou non. »
Pascale Minarro requiert une consultation de la population. « Cette consultation a déjà eu lieu en 2022, lorsque les électeurs ont voté pour des conseillers qui proposaient la reconstruction de l’hôpital », lui rétorque Xavier Lédée.
Onze élus ont voté pour le scénario de Gustavia, finalement adopté. Huit étaient contre.
Une nouvelle maison d’assistantes maternelles et des logements à Anse des Cayes
La création d’une Maison des assistantes maternelles (Mam), de logements réservés aux agents de la Collectivité et d’un bâtiment destiné à EDF – qui sera utilisé lors des travaux de renouvellement de la centrale – a été adoptée. «Cela fait partie des chèques en blanc que j’évoquais, commente Dimitri Lédée. La Mam de Grand Cul-de-sac n’est même pas encore finie. »
Des interrogations ont été soulevées afin de savoir qui seront les agents prioritaires pour les habitations. « Le conseil exécutif le déterminera au fur et à mesure, en fonction des besoins », précise Xavier Lédée.
Bruno Magras réagit après le conseil territorial du 23 octobre
L’ancien président de la Collectivité tient à répondre à certaines remarques soulevées par les élus pendant le conseil territorial du 23 octobre, à propos de deux projets lancés sous sa mandature : le parking, désormais centre culturel, de la rue de la Paix à Gustavia et la Maison de la santé.

« Mise au point à l'attention des Élus
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Ayant profité du week-end pour écouter vos débats lors de la séance du Conseil Territorial de jeudi dernier, je ne peux m'empêcher de réagir.
En effet, ayant été à l'initiative du projet de parking sur la Rue de la Paix et cité à deux reprises par la première Vice-présidente lors des chicaneries qui entourent les sujets de la santé, j'ai estimé utile de clarifier les propos de certains d'entre vous, qui dans le meilleur des cas, brillent par leur ignorance des dossiers, et dans le pire, font preuve d'une évidente malhonnêteté intellectuelle.
A propos du parking sur la Rue de la Paix :
Ce projet a été lancé pour pallier le manque de places de stationnement dans le bourg de Gustavia et répondre aux responsabilités de la Collectivité, qui en décidant de faire payer aux investisseurs les places de parking, doit pouvoir au minimum en fournir.
Cependant, pour concrétiser ce projet, il fallait au préalable acheter les terrains qui appartenaient à l'État. C'est ainsi que les parcelles AL 673 -674 -761 -762 ont été achetées le 26 décembre 2013. Restait à convaincre le propriétaire de la parcelle AL 900, située à l'angle de la Rue de la Paix et de la Rue Lafayette, de vendre cette propriété bâtie à la Collectivité. Les négociations furent longues et l'acte ne fut signé que le 21 février 2019.
Entre-temps, l'expérience vécue lors du cyclone Irma nous avait incité à accélérer le processus. Les études furent lancées pour un parking de 140 places, avec un sous-sol d'une hauteur suffisante pour abriter les véhicules et engins de sécurité, et au Rez-de-chaussée situé sur la Rue de la Paix, j'avais personnellement suggéré l'installation de cloisons amovibles suspendues afin de transformer l'espace en abris sûrs en cas de phénomènes météorologiques violents.
Enfin, si au départ, la réflexion s'était portée sur la construction de quelques appartements à l'étage, la réalisation d'une salle polyvalente -maladroitement dénommée « Salle de spectacle », j'en conviens -nous est vite apparue indispensable, tant pour accueillir les différents festivals que pour permettre la tenue d'éventuels congrès, tel que le congrès des dentistes qui se tenait tous les ans à l'initiative du Docteur CHLOUS.
Le 28 octobre 2021, le permis de terrassement était délivré. A l'issue du concours d'architectes qui avait été lancé, le permis de construire du parking fût, quant à lui, délivré le 17 janvier 2022. Le coût global du projet oscillait autour de 22 millions d’euros. Un investissement lourd certes, mais amortissable sur le très long terme. En effet, si les commerçants, qui se plaignent régulièrement du manque de places de stationnement pour leurs clients, acceptaient d'en louer à l'année pour les offrir à leurs employés et qu'une proposition était faite aux voituriers pour leur louer des places à partir de 19 heures, il est certain qu'à terme, il y aura un retour sur investissement. D'ailleurs dans tous les territoires en fort développement, la construction de parkings est même devenue un investissement rentable.
L'arrêt de ce projet n'est pas qu'une erreur, c'est une faute politique regrettable.
Les arguments mis en avant pour tenter de justifier cette décision ne tiennent pas la route. En effet :
1° L'idée de sortir de l'enceinte d'un bâtiment historique la bibliothèque pour l'installer dans un local sans âme, au-dessus d'un parking, n'a strictement aucun sens. Il y a certainement des solutions moins coûteuses s'il s'agit de permettre l'accès des personnes âgées et handicapées à la bibliothèque. De plus, si selon certains, cette dernière serait devenue trop exigüe, il suffirait, lors de la construction du groupe scolaire à Saint-Jean, d'en ajouter une, adaptée aux lectures des jeunes étudiants.
2° Si les travaux s'étaient poursuivis, l'effritement de la paroi supérieure et les risques d'effondrement éventuels ne seraient pas apparus et les deux niveaux du parking seraient aujourd'hui achevés.
3° Le permis de construire, accordé sur la parcelle d'en face postérieurement à celui du parking, n'avait aucun impact sur sa paroi ouest puisque le projet est séparé par la Rue de la France, d'une largeur d'environ quatre mètres.
4° Enfin, si la salle de spectacle ne répondait pas aux fantaisies de certains élus, son réaménagement intérieur ne justifiait en rien l'arrêt du projet.
Bien évidemment, comme il fallait s'y attendre, la décision d'arrêter le chantier a immédiatement généré un surcoût dommageable. Chercher aujourd'hui à se dédouaner en rejetant les responsabilités sur l'équipe précédente ne fait que mettre en évidence un manque de sérieux.
S'agissant la maison de la santé :
Pour répondre aux insinuations de la première Vice-présidente et pour que les choses soient claires :
C'est à la demande du Groupe INNOVIE/Biopole Antilles que le projet que nous avons réalisé à l'angle de la Rue de Schœlcher et de la Rue de Saint-Thomas a été lancé. Avec le concours de leurs architectes, tout avait été conçu pour répondre aux normes imposées aux laboratoires d'analyses médicales.
Après avoir fait procéder à une évaluation des valeurs locatives de l'immeuble par Madame Karine BISSON-LUTIN, experte près de la Cour d'Appel de Basse-Terre, par courriel du 31 août 2022, nous avons proposé la location du Rez-de-chaussée d'une surface de 234 m2 au prix de 60 € le m2.
Par courriel du 14 octobre 2022, le Directeur de la société nous faisait savoir que le montant des loyers n'entrait pas dans leur prévisionnel d'exploitation.
Lors d'un entretien du 3 novembre 2022, j'informais le Président de la décision de BIOPOLE, tout en lui faisant part de mes regrets et de mes craintes sur la pérennité du laboratoire d'analyses médicales.
Le 4 novembre 2022, je lui confirmais par écrit notre proposition de louer à la Collectivité l'immeuble que nous projetions de construire. Il me semblait que si la création d'une maison de la santé était utile, la présence sur notre île d'un laboratoire d'analyses médicales l'était encore plus.
Manifestement, la création de la maison de la santé était tellement urgente que quelques mois plus tard, les élus décidaient de louer à Saint-Jean un local de 157 m2 , pour la somme de 130 € le mètre carré !
Je n'ai jamais discuté ce choix politique. Pour autant, n'en déplaise à Madame BERNIER, c'est une conception de la gestion des deniers publics qui m'a toujours été étrangère. Je tenais à vous le préciser.
Voilà Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Conseillers, la mise au point que je tenais à faire en espérant que celle-ci aura contribué à mettre un peu d'huile dans vos lanternes.
Veuillez croire, chers Élus, en l'expression de mes meilleures salutations.»
Bruno Magras
