Saint-Barth -

Bruno Magras : « Nous vivons une situation totalement inédite »

Avant d’attaquer l’ordre du jour, le conseil territorial a évoqué pendant près d’une heure la crise du Covid-19. En l’absence de la plupart des élus d’opposition qui ont préféré s’abstenir de participer à la réunion, vu les circonstances.

 

Avant d’en venir à l’ordre du jour, le Président fait le point sur la situation : après la découverte des deux derniers cas de Covid-19, les six tests effectués sur leurs proches sont tous revenus négatifs. « On peut supposer plein de choses. On peut supposer qu’il y a des porteurs sains, mais je ne spécule pas sur des hypothèses. Un processus a été déterminé par l’ARS, il est suivi », explique Bruno Magras, appelant à ne pas céder à la panique.

 

« Nous avons prévu une augmentation des capacités de l’hôpital. Parallèlement je suis en contact avec quelqu’un qui a des relations en Chine pour commander des respirateurs, des gants, selon les besoins de l’hôpital. Des masques, nous en avons, nous en avons distribué », poursuit-il. « Je voudrais rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui continuent à travailler, avec les précautions qui s’imposent, parce que nous ne pouvons pas arrêter l’activité économique dans sa globalité. »

 

BTP et quincailleries

Et d’inviter Seraphyn Danet à détailler les décrets gouvernementaux, parce que « lorsque on est autorisé à travailler et qu’on ne travaille pas, pas sûr qu’on puisse prétendre aux indemnités ensuite. »

Sur ce point, l’arrêté du gouvernement liste clairement les ERP (établissements recevant du public) qui doivent fermer, et ceux qui peuvent ouvrir. La conseillère territoriale Seraphyn Danet, experte-comptable de profession, a entrepris de lire la longue liste de commerces qui doivent fermer et ceux qui peuvent rester ouverts avec les précautions nécessaires (JSB 1367). Mais la question de Bruno Magras portait surtout sur le BTP. En effet, une bonne partie du secteur a cessé son activité dès le discours du Président Macron (« Nous sommes en guerre »), avant d’être tancé par la ministre du Travail pour avoir stoppé les chantiers (« c’est un manque de civisme »).

 

« Il y a eu un peu d’incompréhension et d’affolement », résume l’élue Seraphyn Danet. S’ils cessent le travail, les chefs d’entreprise doivent être conscients qu’ils ne pourront peut-être pas bénéficier de l’activité partielle ni des aides de l’Etat. « Autre situation, dans le BTP, des entrepreneurs veulent travailler mais n’ont plus d’approvisionnement puisque les quincailleries et autres prestataires sont fermés », poursuit Séraphyn Danet. « Attention, les fermetures sont explicitées de manière précise par l’arrêté ; les autres sont appelés à continuer à travailler dans le respect des gestes barrière, quitte à aménager leur activité. »

Bruno Magras nuance : dans le cadre d’une baisse d’activité, les entreprises pourront éventuellement prétendre à l’activité partielle, mais dans un cadre peut-être moins avantageux. Pour résumer, un flou demeure et il est conseillé aux entreprises de bien se renseigner auprès de la Dieccte. La Cem peut aussi vous aider.

 

« Si on encourage la reprise des chantiers, il faut qu’on soit bien conscients que les gestes barrière ne seront pas respectés », affirme Elodie Laplace. « Peut-on accompagner les chefs d’entreprise, en leur fournissant des masques et des gels hydroalcooliques?» Séraphyn Danet embraye sur un autre sujet : «Les dirigeants peuvent aussi aménager les congés payés, demander à leurs employés de les prendre maintenant et de travailler en août », note-t-elle. « Cependant, on ne peut pas obliger un salarié à prendre un congé payé. »

Bruno Magras intervient : «On ne peut pas encourager certaines entreprises à travailler, d’autres à ne pas travailler. Notre rôle est seulement de les mettre en garde. On doit rester dans le champ qui est le notre. »

 

Les touristes partent, les résidents rentrent

Nils Dufau, deuxième vice-président de la Collectivité et président du Comité du tourisme, profite de la réunion pour faire un point sur sa partie : « Au lieu de faire rentrer, nous avons travaillé d’arrache-pied pour faire sortir le maximum de monde », explique-t-il, désappointé. « Il reste encore une vingtaine de clients, pour ce qui est des hôtels. Concernant les Airbnb, nous ne le savons pas. On m’a parlé de clients qui avaient versé des acomptes pour louer des villas ; nous faisons le maximum pour que les réservations soient reportées. » Elodie Laplace, vice-présidente du Comité du tourisme, salue le travail effectué par les socioprofessionnels : « Les hôteliers ont eu beaucoup d’annulations, ils ont réussi à en faire reporter une bonne partie sur les six ou douze prochains mois. »

Au port, la pêche est autorisée seulement pour les professionnels, qui ont le droit de vendre leur poisson ; les plaisanciers sont invités à rester au mouillage.

 

« Nous avons pu évacuer douze personnes hier (jeudi ndlr) vers Saint-Martin sur un bateau privé, et cinquante-quatre personnes ce jour, en deux voyages, l’objectif étant de les emmener et revenir à vide », précise Ernest Brin, directeur du port, venu assister au conseil. A Public, le port de commerce fonctionne normalement, point sur lequel il a insisté afin de rassurer sur l’approvisionnement. Les ferrys sont à l’arrêt, et les activités nautiques aussi. En lien avec le directeur de l’aéroport Fabrice Danet, la première vice-présidente Nicole Gréaux a également donné quelques chiffres sur l’aéroport : « 171 personnes ont quitté l’île hier (jeudi dernier, ndlr), quinze personnes sont arrivées et ce sont tous des résidents de Saint-Barthélemy. » Et pour la seule journée de vendredi, seules neuf arrivées ont été enregistrées, là aussi, des résidents, invités s’isoler strictement durant les 14 jours qui suivent leur retour.

 

« Nous vivons une situation totalement inédite. Une prise de conscience individuelle doit impérativement avoir lieu si nous voulons des résultats collectifs dans la lutte contre cette épidémie », souligne Bruno Magras, qui « en appelle à la responsabilité de tout un chacun ».


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Un délai pour la CFAE, quid de la suspension des loyers ?

La CFAE, taxe annuelle payée par les entreprises à la Collectivité (350 euros par an + 100 euros par salarié), pourra être versée jusqu’au 15 avril plutôt que jusqu’au 31 mars, selon une décision du conseil exécutif. « N’est-ce pas le conseil territorial qui doit prendre ce genre de décision ? » s’est enquis le conseiller territorial Romaric Magras vendredi soir. « Peut-on la reporter jusqu’à fin avril, et est-il envisagé de faire la même chose pour la vignette automobile ? »

Il n’obtiendra pas de réponse, l’assemblée retenant surtout sa dernière remarque : «Beaucoup d’habitants ont pris les mots du Président Macron au pied de la lettre, concernant la suspension des loyers, il serait bon de clarifier cette mesure. » « Cela ne concerne pas les particuliers », répond la première vice-présidente Nicole Gréaux. En effet, le chef de l’Etat avait indiqué dans son discours que les petites et très petites entreprises pourront demander la suspension de leurs loyers et leurs factures d’électricité. Cette annonce ne s’est retrouvée dans aucun décret ou arrêté gouvernemental. Les TPE et PME peuvent effectuer cette requête par écrit auprès de leurs bailleurs, mais ceux-ci n’ont aucune obligation d’y accéder. En France, plusieurs fédérations de bailleurs ont toutefois annoncé qu’ils joueraient le jeu et suspendraient les loyers des entreprises interdites d’exercer jusqu’au 1er avril.



JSB 1368

Journal de Saint-Barth N°1368 du 25/03/2020

Dépistage du coronavirus
Entorses au confinement
Budget 2020