Saint-Barth -

Le dernier voyage des chevaux de Gouverneur


Il n’y a plus de chevaux à Saint-Barthélemy. Après le désastre provoqué par l’ouragan Irma au ranch, l’équipe est enfin parvenue, au terme de plus d’un an de bataille administrative, à renvoyer sa cavalerie en métropole, à la retraite. Le bateau est parti mercredi.

 

Heureux qui comme Ulysse / a fait un beau voyage / Heureux qui comme Ulysse / a vu cent paysages / Et puis a retrouvé / après maintes traversées / le pays des vertes années…

Les chevaux de Saint-Barthélemy sont encore loin de la Provence, mais leur épopée aurait pu être elle aussi chantée par Brassens et contée par Fernandel... « Ils sont courageux ces chevaux », glisse entre deux larmes et un sourire Sylvie Grévin, en regardant ses dix équidés, sur le port de commerce. Que d’émotions mardi soir, pour le dernier voyage de Silver, Zorro, Adonis et les autres ! L’équipe de Galops des îles, le cœur lourd, a enfin accompli sa tâche, plus d’un an après l’ouragan : convoyer les chevaux jusqu’à leurs containers respectifs, dans lesquels ils resteront jusqu’à Dunkerque. Là, ils seront pris en charge par des amis de Galops des îles, anciens cavaliers à Saint-Barth, qui ont les moyens de recueillir les survivants d’Irma pour une verte retraite dans les pâturages métropolitains.

 

Une page qui se tourne pour l’île

C’est une page qui se tourne pour les bêtes, les soignants, et pour l’île tout entière. Depuis 1986, Saint-Barth accueille un ranch. D’abord à Flamands, puis à Gouverneur, en haut de ce morne où Irma a été fatale à plusieurs équidés. Il n’y a plus de chevaux à Saint-Barth. « Je verse ma petite larme », admet Serge, qui les fréquente depuis tout ce temps. Ancien carreleur passionné d’équitation, il assiste au grand départ, et immortalise une dernière fois ces animaux qu’il connaît par cœur. « Celui-là est né ici. Il a mauvais caractère, comme sa mère », raconte-t-il en désignant le bel Adonis. « Cette jument, Linda, a dépassé 37 ans, elle a toujours été là. Je me rappelle, nous devions aller à Saint-Martin pour passer les galops… »

 

Après un mois passé en quarantaine (Saint-Barth n’étant pas membre de l’UE, ils ont dû subir une série de tests et d’analyses pour obtenir le droit de poser le pied en France), les chevaux sont tout étonnés devant tant d’activité. Connues pour leur sensibilité, les bêtes ressentent le stress de l’équipe. Oreilles dressées, elles s’agitent au moment de partir. Les chevaux partent fièrement jusqu’au port, dans une dernière parade sur leur île, sous les yeux ébahis ou attendris des passants qui les croisent. A Public, ils savourent l’air de la mer, ravis. Mais rapidement, ils se doutent qu’il y a anguille sous roche. La montée dans les containers spécialement aménagés pour eux est un moment difficile pour tout le monde. Il faut user de douceur et fermeté pour faire grimper ces bêtes de plusieurs centaines de kilos dans leurs boxes. Adonis, le plus jeune cheval de la troupe, se lance sans difficulté sur la passerelle. Mais quand la porte se ferme, il comprend et s’énerve : les bruits de ruades et les hennissements brisent le calme du port de commerce, au crépuscule. Les paroles et caresses des bénévoles de Galops des îles parviendront finalement à le calmer.

 

Entre le départ du ranch et la fin du chargement, l’opération aura duré plus de cinq heures, mardi. Sans anicroche, en grande partie grâce à la police territoriale, qui a accompagné les convois et tempéré la circulation autour. Tout a été fait pour que le dernier voyage des chevaux se passe bien. Le plus dur commence maintenant pour l’équipe de Galops des îles, qui ne respirera plus tant que les chevaux n’auront pas posé le sabot à Dunkerque.

L’association continuera d’animer Gouverneur. Avec les poneys shetlands, qui restent ici. Et un projet de ferme pédagogique pour les enfants de l’île, porté par la Collectivité. Mais les chevaux et l’équitation, c’est terminé pour Saint-Barth. Sans abri anti-cyclonique, sans espace suffisant pour une cavalerie plus vaste, sans garantie d’accès à l’eau, la décision de renvoyer les chevaux vieillissants en métropole était la seule qui vaille. Malgré la tristesse, mercredi au départ du cargo, des bénévoles et des habitants amoureux de chevaux.

 

> Avant Irma, Galops des îles vivait à l’équilibre financier grâce à 80 cavaliers, enfants et adultes. Depuis l’ouragan, l’association ne bénéficie que de dons et de subventions pour nourrir et soigner les chevaux. La mise en quarantaine, le voyage en bateau, et désormais le soin aux poneys qui restent, nécessitent toujours des frais importants. Pour y faire face, la cagnotte Leetchi de Galops des îles est toujours en ligne.

JSB 1303







Journal de Saint-Barth N°1303 du 15/11/2018

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