La collecte d’Avenue du Partage la semaine dernière a fait parler. Beaucoup d’habitants ont donné pour les Bahamas, alors que l’opération était, au départ, organisée pour la friperie solidaire de Saint-Martin. Les donateurs se sont sentis floués. Au final, tout ce qui a été collecté sera bien acheminé vers les Bahamas, dès que possible.
Confusion dans les esprits depuis la collecte, mercredi et jeudi derniers, de marchandises sur le port de Gustavia. Cette opération était organisée par Muriel Chabert, présidente de l’association Sea Rooster Foundation installée à Saint-Martin.
Depuis Irma, elle récupère les dons à Saint-Barth et Saint-Martin, principalement des vêtements et accessoires, et les revend à Saint-Martin dans sa friperie solidaire, à des prix défiant toute concurrence (50 cts, 3 euros…), voire gratuitement en cas de catastrophe. Objectif : pouvoir un jour financer un véritable local pour cette boutique. Car plus qu’une friperie, c’est un étal de plein air que gère Muriel Chabert, un fourre-tout dont l’objectif est de fournir des articles seconde main aux Saint-Martinois les moins fortunés.
Vous la voyez régulièrement à Saint-Barthélemy, près de la gare maritime, avec des dizaines de cartons et sacs de vêtements offerts par les habitants. Mercredi dernier, elle est venue une nouvelle fois, sous le kiosque du parking de la République. Quelques jours plus tôt, comme à chacune de ses collectes, Muriel Chabert avait annoncé sa visite sur les réseaux sociaux, et listé les besoins du moment à Saint-Martin (meubles et ustensiles pour le local d’Avenue du Partage, vêtements et chaussures pour deux Saint-Martinoises qui s’en vont travailler en métropole, matériel photo, bijoux, vêtements, couches, etc). Elle ajoute ce message, alors que Dorian s’éloigne à peine de Grand Bahama : «Pour les Bahamas nous aimerions aussi collecter des produits de première nécessité, des bâches, des sacs poubelle, de gros élastiques, des hamacs, des clous, des vis et des outils. »
Une fois à Gustavia, Muriel et sa bénévole sur place Laetitia ploient sous la quantité de cartons et matériels déposés par les habitants. Qui pour la majorité l’ont fait en pensant aux sinistrés des Bahamas, deux ans jour pour jour après Irma. Entre temps, elles encouragent les donateurs sur les réseaux sociaux. Et citent Nils Dufau, la Collectivité et le Rotary Saint-Barthélemy (dont il est vice-président et président), ainsi qu’Inès Bouchaut-Choisy, comme soutiens et/ou partenaires de l’opération.
Hic : par téléphone, Nils Dufau assure « n’avoir rien à voir avec ces personnes, ni au titre du Rotary, ni de la Collectivité. Je suis passé, nous avons échangé quelques mots, voilà tout. » Même chose visiblement pour Inès Bouchaut-Choisy.
La “radio cocotier” se met en marche. De nombreux donateurs se sentent floués : ils entendent dire que leurs dons seront vendus à Saint-Martin, plutôt que d’être offerts aux Bahamas. Inévitablement, la polémique arrive sur les réseaux sociaux, où les vilipendages vont bon train. Des messages postés par des associations (en tout cas qui se présentent comme telles) enfoncent la réputation de Muriel Chabert et son Avenue du Partage, dénonçant des méthodes douteuses, sans donner plus de détail. «Jalousie », réplique l’intéressée.
« Clair, net et précis »
Jointe vendredi au téléphone, Muriel Chabert indique que «des fringues vont peut-être aller à la friperie si tout ne part pas ; le problème c’est que là on ne sait pas comment aller aux Bahamas. Pour l’instant, je dois m’occuper de tout ranger dans des boîtes pour mettre les dons en sécurité. » Rappelée mardi, elle infirme finalement : « Tous les dons récupérés à Saint-Barthélemy, soit 36m3 iront aux Bahamas, on rajoutera des articles de la boutique solidaire pour remplir un container de 40m3.»
Pourquoi avoir cité le nom du Rotary et de Monsieur Dufau ? « C’est vrai qu’on a rencontré ce monsieur, mais on n’a rien mis en place avec lui ni avec le Rotary. » Le message indiquant le contraire sur Facebook n’avait pas été posté par Muriel Chabert, mais par une bénévole de Saint-Barthélemy, Laetitia. «On pensait établir une logique de groupe », dit-elle. Et d’assurer sans détour que tous les dons récoltés iront aux Bahaméens, « c’est clair, net et précis ».
Maintenant, encore faut-il accéder jusqu’aux Bahamas. Avenue du Partage espère pouvoir compter sur les militaires français, et indique que la préfecture lui a demandé officiellement le nombre de mètres cube dont elle avait besoin. « Ce qui veut bien dire qu’ils prévoient quelque chose. Avoir du stock, de toute façon, c’est bien. Un jour ou l’autre, ça va servir. » Autres options évoquées, l’éventualité d’une visite du bateau de Sea Shepherd, ou encore celle de remplir les containers de plantes qui repartent à vide vers Miami, plus proche de Nassau ensuite.
Même si les intentions de tous sont louables, rappelons-nous de la situation à Saint-Barth après Irma. Aucune communication, la piste de l’aéroport inaccessible… Et les dégâts étaient bien moindres par rapport à ceux constatés aux Bahamas, qui dénombre plus de cinquante morts, et dont les infrastructures sont complètement ravagées. Accès difficile, risques sanitaires... L’action humanitaire est très règlementée. Et entre le nettoyage, la reconstruction et la reprise d’une activité économique, les populations sinistrées auront besoin d’un soutien au très long cours.
JSB 1341