En apparence, il ne devait s’agir que d’une simple formalité. Mais les apparences sont souvent trompeuses. Particulièrement en politique et encore plus lorsqu’il est question des enjeux de pouvoir au sein de la Collectivité de Saint-Barthélemy. Mardi 3 juin, une seule délibération était inscrite à l’ordre du jour du conseil territorial : l’attribution du fauteuil occupé par Romaric Magras au conseil exécutif (CE) depuis mars 2022 et le début du mandat.
L’ancien chef de file de Saint-Barth d’Abord ayant donné sa démission du CE le 7 mars dernier, il fallait que les élus décident de le remplacer, ou non, et par qui. Un successeur avait été préalablement désigné par Romaric Magras : Francius Matignon. Si ce dernier va effectivement hériter du siège vacant et du titre de deuxième vice-président de la Collectivité, ce n’est qu’après une séance qui a très largement dépassé le cadre d’une simple formalité.
« Aucun accord de comptoir »
Quelques minutes après l’ouverture des débats par le président Xavier Lédée, les élus se prononcent favorablement et de manière unanime pour que le fauteuil vacant du conseil exécutif soit comblé. Le président annonce alors que les textes prévoient une pause d’une heure afin que les élus puissent déposer, s’ils le souhaitent, leur candidature.
Nouvelle présidente du groupe Saint-Barth d’Abord (SBDA) depuis le retrait volontaire de Romaric Magras, Alexandra Questel déclare que SBDA va proposer trois candidats. Elle dévoile leur nom une heure plus tard. Il s’agit de Francius Matignon, Rudi Laplace et Sandra Baptiste. Pourquoi trois candidats ? Pour contraindre le conseil à procéder à une réélection de l’intégralité du CE. Porte-parole du groupe Action-Équilibre, Bettina Cointre avertit : « Nous ne présenterons aucun candidat et nous ne ferons aucun accord de comptoir. »
Une nouvelle heure de pause s’écoule. Pour tuer le temps, des élus d’Action-Équilibre jouent aux dominos. D’autres conseillers flânent, ici et là, dans l’hôtel de la Collectivité, tandis que des rires fusent depuis le cabinet présidentiel. La séance reprend à 18h13.
Rudi Laplace prend la parole pour une intervention qui se veut aussi musclée que moraliste. Il appelle à mettre fin aux « rancœurs » et aux « querelles stériles » indignes de la Collectivité. Puis, dans un style qui n’aurait pas déplu à Bruno Retailleau, président du parti Les Républicains et ministre de l’Intérieur, il lance : « Il est urgent de rétablir l’ordre et la stabilité. » Nouvelle pause d’une heure. 19h13, la réunion reprend.
Une refonte du CE
Chaque groupe présente une liste de noms. Un vote a lieu siège par siège, du premier vice-président jusqu’au deuxième membre du CE. Marie-Hélène Bernier, absente, seule candidate à la première vice-présidence, est élue (10 voix pour, neuf abstentions). Maxime Desouches tente de ravir le fauteuil de deuxième vice-président à Francius Matignon, sans succès. Il ne récolte que huit voix contre dix au candidat de SBDA. Marie-Angèle Aubin est élue troisième VP (11 voix contre 8 à… Maxime Desouches), Alexandra Questel quatrième VP (11 voix contre 8 à… Maxime Desouches). Après trois tentatives infructueuses, seul candidat au siège de premier membre du CE, Maxime Desouches est élu à la majorité relative (9 voix pour) après… trois tours de scrutin. Enfin, Seule candidate au fauteuil de second membre, Bettina Cointre recueille 18 voix sur 19.
De prime abord, les changements opérés ne semblent pas déterminants. Pourtant, ils annoncent un bouleversement de la gouvernance. Certes, le groupe Action-Équilibre conserve trois sièges au conseil exécutif. Marie-Hélène Bernier est reconduite de manière diplomatique dans sa fonction de première vice-présidente. Mais Bettina Cointre et Maxime Desouches sont clairement rétrogradés. De plus, l’élection d’un nouveau CE va entraîner une redistribution des délégations de pouvoir par le président de la Collectivité. Ce que confirme Xavier Lédée.
Un équilibre instable
« Hélène Bernier qui a fait le choix de m’attaquer en justice (pour diffamation, ndlr) n’aura pas de délégation, Maxime Desouches qui a fait le choix d’attaquer des procédures, des permis et des délibérations de la Collectivité n’est pas prévu pour avoir des délégations », déclare Xavier Lédée en fin de séance. De plus, Bettina Cointre n’étant plus vice-présidente, elle ne devrait pas se voir confier de délégation de pouvoir. En revanche, Alexandra Questel comme Francius Matignon vont véritablement entrer dans la danse.
Aux côtés de Xavier Lédée, un président dont ils ont régulièrement et vertement critiqué les décisions depuis le début du mandat. Par le biais de commentaires acerbes et d’attaques non mouchetées. Une volte-face à double tranchant dans la perspective des élections territoriales de mars 2027.
Désigné comme fauteur de trouble et empêcheur de gouverner en rond, le groupe Action-Équilibre se voit écarté du pouvoir décisionnaire. Par le fait, il bascule définitivement dans l’opposition. Quant à Saint-Barth d’Abord, dont la cheffe de groupe Alexandra Questel se défend de toute alliance avec Xavier Lédée, il va désormais devoir trouver un point d’équilibre, forcément instable, entre l’exercice du pouvoir et les discordances précédemment affichées avec l’équipe présidentielle.